Les effets des pesticides sur les vers de terre
- Session : 2020-2021
- Année : 2021
- N° : 320 (2020-2021) 1
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Question écrite du 18/03/2021
- de CLERSY Christophe
- à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
Selon une étude française, les vers de terre présentent des niveaux alarmants de pesticides, au point de mettre en danger leur reproduction et les prédateurs.
En effet, les écologues de l'Inrae (Institut national de recherche agronomique) ainsi que ceux du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ont analysé 180 échantillons de sols dans des zones agricoles des Deux-Sèvres, afin d'y rechercher les traces d'une trentaine de pesticides actuellement utilisés en agriculture et plus fréquemment employés par les exploitants locaux. Résultat : la totalité des prélèvements analysés contiennent au moins une des substances, et à 90 % contiennent un mélange d'au moins un insecticide, un fongicide et un herbicide.
Cette étude met le doigt sur le fait que les pesticides se transfèrent dans les écosystèmes via le vent, les poussières ou encore par l'eau, mais également par les organismes vivants. C'est pourquoi l'étude s'intéresse en particulier aux vers de terre qui s'avèrent être des bioaccumulateurs.
Dans les vers de terre, on trouve des pesticides à des taux sensiblement plus élevés que le taux que l'on trouve dans le sol dans lequel vivent les lombrics. On y retrouve des pesticides – notamment des néonicotinoïdes - dans tous les échantillons. Près de la moitié des échantillons (42 %) montrent un « risque de toxicité chronique », 92 % montraient une présence d'au moins un pesticide dont 80 % contenaient de l'imidaclopride.
Ce qui implique que si la reproduction est freinée par le taux de pesticides dans les sols, les espèces de vers de terre et le nombre dans chaque espèce vont diminuer.
Quelle analyse politique fait Monsieur le Ministre de cette situation sachant que la Belgique vient d'octroyer une autorisation pour utiliser l'imidaclopride, pourtant interdit par l'Europe ?
Quelles mesures a-t-il prises en lien direct avec cette problématique ?
Réponse du 07/04/2021
La question écrite de l’honorable membre fait référence à l’étude de C. Pelosi et al., 2021. Residues of currently used pesticides in soils and earthworms : A silent threat? Agriculture, Ecosystems and Environment 305 (2021) 107167.
La lecture du document nous apprend que pour réaliser cette étude, les auteurs ont investigué l’exposition des vers de terre aux pesticides dans 180 sols (céréales, pâtures, bordures de champ) situés dans la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre (territoire d’études agronomiques de 450 km2).
L’historique d’utilisation des pesticides dans les divers champs, dont certains en conversion vers l’agriculture biologique (sans application des pesticides conventionnels), les types de sols, ainsi que les hypothèses prises en compte pour déterminer les valeurs théoriques de substances actives attendues dans le sol, ne permettent pas de directement extrapoler ces résultats à nos conditions locales. Les conclusions sont donc intéressantes et interpellent, mais ne peuvent être extrapolées à l’ensemble des situations. Ils montrent toutefois l’intérêt scientifique d’expérimentations à grande échelle.
Les auteurs de l’étude mettent en avant le fait que les évaluations de risque réalisées lors de l’approbation des substances actives ne couvriraient pas complètement le risque réel observé en champ pour les vers de terre et que le risque combiné de plusieurs pesticides n’est pas pris en compte.
Les auteurs mentionnent que les néonicotinoïdes ont rarement été mesurés dans les organismes non ciblés (à l’exception des pollinisateurs) malgré leur impact négatif sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes.
Les conclusions des auteurs ne sont toutefois pas contradictoires avec l’évaluation de l’imidaclopride au niveau européen. Cette substance active n’est plus approuvée au niveau européen, notamment au vu de son profil environnemental et écotoxicologique défavorable dans certains usages.
On rappellera, à ce niveau, que l’autorisation d’urgence n’a été accordée à titre exceptionnel que pour répondre à une demande temporaire des betteraviers professionnels faute de solutions efficaces pour limiter les dégâts occasionnés par le virus jaune de la betterave.
Pour son information, que l’honorable membre sache que le CRA-W a réalisé des études préliminaires sur l’occurrence et les niveaux de résidus de pesticides mesurés dans les sols dans le cadre du projet Sol-Phy-Ly (première triennale) et des parcelles multidisciplinaires du CRA-W.
Une seconde phase du projet Sol-Phy-Ly sera être financée à partir de 2021 afin d’analyser les résultats de la 1re phase et de les approfondir.
Combinés à d’autres projets de recherche en cours (AIL4WaterQuality et Intell’Eau), ces travaux scientifiques devraient permettre d’apporter de meilleures connaissances sur la présence et le comportement des pesticides dans les sols, afin de permettre notamment d’évaluer leur impact envers la microfaune et la fertilité des sols.
D’autre part, plusieurs questions parlementaires et avis ont déjà été posés et rendus concernant le sujet de l’autorisation d’urgence de 120 jours de semis en Belgique de semences traitées avec du Gaucho 70WS (8330P/B - imidacloprid). Je l’invite, entre autres, à prendre connaissance de la réponse à la question parlementaire, posée par Madame la Députée Hélène Ryckmans, relative à l’impact sur l’environnement en Wallonie à la suite de l’octroi d’une dérogation par le Fédéral.