Le biochar
- Session : 2021-2022
- Année : 2021
- N° : 171 (2021-2022) 1
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Question écrite du 22/11/2021
- de TZANETATOS Nicolas
- à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
Le biochar est un charbon végétal issu de la valorisation de bois par pyrolyse. Il est notamment utilisé comme amendement de sol naturel.
L'utilisation du biochar a de nombreuses vertus. En effet, il permet d'améliorer la fertilité et la stabilité des sols, de réduire les gaz à effet de serre, ou encore de gérer des déchets. Son utilisation augmente la rétention d'eau et de nutriments des sols et permet une meilleure efficacité des engrais.
La technologie qui permet de réaliser du biochar est renseignée par le GIEC dans son rapport de 2018 comme une des solutions à émission négative.
Le biochar est actuellement considéré comme un déchet en Wallonie, mais pas en Flandre ni à Bruxelles. Pourtant, l'Europe recommande que le biochar ne soit pas considéré comme un déchet s'il est conforme à l'ensemble des exigences du Règlement UE 2019/1009 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE, modifiant les règlements (CE) n° 1069/2009 et (CE) n° 1107/2009 et abrogeant le règlement (CE) n° 2003/2003.
Au regard des nombreuses propriétés du biochar, ne serait-il pas opportun de ne plus le considérer comme un déchet afin de pouvoir l'intégrer dans la stratégie environnementale de notre Région ?
Réponse du 27/12/2021
Les résidus de pyrolyse à partir de certains déchets et bio-matières ont en effet été reconnus comme matières constitutives des fertilisants dans le nouveau règlement européen (CE) n°1009/2019 sur les fertilisants.
Le charbon végétal, appelé aussi biochar, a fait l’objet depuis 2006 d’un certain engouement, porté, entre autres, par des projets de recherche financés par la Commission européenne. En particulier, le projet de recherche REFERTIL, financé par le 7e projet-cadre de recherche et de développement technologique de la Commission européenne (FP7), a essayé de promouvoir cette technologie et a publié de nombreux articles entre 2011 et 2015.
Il faut cependant préciser que le biochar n’est pas un matériau uniforme. Il varie en fonction de la biomasse utilisée et des conditions de pyrolyse. Il peut en effet être fabriqué à partir d’une large gamme de déchets dont des boues d’épuration ou des déchets de l’industrie agro-alimentaire d’origine animale ou végétale ou à partir de résidus de culture ou forestiers et dans des conditions variables de température, de vitesse de chauffe et de degré d’oxygénation.
Il y a autant de biochars que de types de matières premières et que de processus de pyrolyse utilisés.
La littérature rapporte par ailleurs les caractéristiques suivantes qui invitent à être prudent lors de l’utilisation de biochars :
- la plupart des biochars ont un ratio C/N élevé avec un carbone très stable. Cet apport de carbone au sol est potentiellement intéressant pour la séquestration du carbone et pour des sols dégradés ou pauvres en matière organique. Cependant la forme du carbone étant très résistante à la biodégradation, cela limite son intérêt pour la fertilité biologique des sols à moyen terme ;
- le contenu en éléments nutritifs des biochars varie selon la matière première utilisée dans leur fabrication. Le processus de pyrolyse peut volatiliser par ailleurs certains éléments, dont certaines formes d’azote et de phosphore, surtout s’il est produit à haute température. Les biochars produits à partir de biomasse lignocellulosique sont généralement pauvres en azote. A court terme, l’apport de biochars peut ainsi occasionner une immobilisation de l'azote dans le sol (processus de faim d’azote). Il est d’ailleurs recommandé de ne pas utiliser les biochars seuls, mais avec un apport additionnel en azote ;
- de plus, le processus de pyrolyse concentre certains éléments, dont les métaux lourds, s’ils sont présents dans la biomasse ;
- généralement, le biochar est alcalin, mais peut présenter un pH de 4 à 12 selon la qualité de la biomasse de départ et les conditions entourant le processus de fabrication, dont la température et le degré d'oxygénation.
Il est cependant rapporté que les biochars peuvent avoir certains effets bénéfiques sur la fertilité des sols agricoles. Grâce à leur structure poreuse, les biochars ont la propriété de pouvoir augmenter la capacité de rétention en eau des sols de texture grossière, d’immobiliser de nombreuses molécules organiques et inorganiques et d’améliorer certaines propriétés physiques des sols comme la portance et le drainage. Cela permettrait de réduire les pertes de certains éléments (dont l’azote minéral) par lessivage ou par volatilisation (dénitrification). La capacité du biochar à retenir les éléments minéraux à sa surface va cependant dépendre de la qualité du biochar, et va évoluer au fil de son vieillissement dans le sol.
Les données actuelles indiquent que, sous certaines conditions, l’apport de biochar peut favoriser certains microorganismes ainsi que les mycorhizes de la rhizosphère favorisant également un meilleur prélèvement d’éléments nutritifs par les plantes. Cependant, les études et essais en champs sous des conditions pédoclimatiques similaires à la Wallonie ne sont pas tous concluants et ne démontrent pas toujours d’effets significatifs sur le rendement des cultures ni sur l’amélioration de la microbiologie des sols. L’effet des biochars est par contre généralement positif dans des conditions de climat tropical sur des sols acides dégradés, où l’accès aux matières fertilisantes est limité.
C’est pour toutes ces raisons que l’administration wallonne a décidé jusqu’à présent de considérer les biochars comme des déchets en Wallonie lors de leur utilisation en agriculture. Cela ne veut pas dire que cette utilisation est interdite, mais cela permet d’en assurer une traçabilité et un suivi adéquat, tout comme pour l’utilisation d’autres matières valorisées sur les sols agricoles, dont les composts ou les digestats.
Il est à signaler également que les biochars sont des matières qui sont souvent très chères comparées aux autres matières organiques disponibles pour être utilisées sur des grandes cultures, en agriculture vivrière.
Le prix du biochar limite donc pour le moment son utilisation à des cultures à haut rendement, pour des productions horticoles souvent en conditions hors sols (fruits, légumes, viticulture ou arboriculture) ainsi que pour les plantations d’arbres en milieux urbains.
Les biochars ont par ailleurs d’autres utilisations possibles en agriculture tels qu’un ajout dans la ration distribuée au bétail en tant que régulateur du métabolisme. C’est d’ailleurs à l’heure actuelle la principale utilisation du biochar en agriculture. Ils peuvent également être utilisés dans les traitements des eaux usées et autres rejets industriels.
Néanmoins, l’adoption, le 17 novembre dernier, de la nouvelle stratégie européenne pour les sols (EU Soil strategy 2030) et le plan d’action proposé par la Commission sur l’agriculture carbonée (Soil carbon farming) pourraient changer les pratiques agricoles et favoriser l’utilisation des biochars et des autres matières organiques au vu de leur haut potentiel de séquestration du carbone dans les sols, pour autant que leur qualité soit suffisante.
En effet, ces deux initiatives européennes ont pour objectif entre autres de protéger et restaurer les sols via notamment une augmentation de la teneur en carbone des sols. Elles préconisent des mesures notamment en rétribuant les agriculteurs qui mettraient en œuvre des pratiques culturales permettant également de contribuer à l’atténuation du changement climatique.