La problématique de la gestion des fonds de pensions des pouvoirs locaux et, en particulier, de ceux de l'intercommunale ISPPC de Charleroi.
- Session : 2005-2006
- Année : 2006
- N° : 212 (2005-2006) 1
2 élément(s) trouvé(s).
Question écrite du 11/07/2006
- de CHERON Marcel
- à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique
La presse a récemment fait état des difficultés posées par les fonds de pension de l'Intercommunale de santé publique du Pays de Charleroi (ISPPC).
Je souhaite, suite à ces informations, interroger Monsieur le Ministre à un double niveau portant, d'une part, sur les fonds de pension de cette intercommunale et, d'autre part, sur les balises à respecter de manière plus générale.
Il me semble tout d'abord nécessaire de demander à Monsieur le Ministre des éclaircissements sur la gestion des fonds de pensions de cette intercommunale, qui apparaît, d'une part, relativement opaque et, d'autre part, dangereusement spéculative.
Il faut rappeler, en guise d'introduction, que ce fonds de pension constitue un enjeu essentiel, puisqu'il doit garantir le paiement des pensions futures des 1.300 agents statutaires parmi les 4.000 agents.
Ainsi, le conseil d'administration de l'ISPPC a décidé, en janvier 2001, que la SMAP, devenue depuis lors Ethias, serait dessaisie d'une partie de sa mission de placement de ses fonds de pension, au profit de la société IFCA (Institut de cambisme et de finance internationale), spécialisée dans le conseil financier et les placements en bourse. Sur le conseil de cette société, l'intercommunale a décidé de prendre des risques non négligeables et d'investir une part importante de ses fonds de pension dans des produits financiers relevant de la branche 23, soit dans des placements à capital non garanti. Ce changement stratégique a entraîné des pertes considérables, puisque le fonds a eu un rendement négatif de - 15% dès sa première année de fonctionnement et a perdu, depuis lors, environ 10 millions d'euros si on le compare au rendement qu'aurait procuré la poursuite du placement total en branche 21.
Dans le même sens, il faut par ailleurs observer que 60% des fonds de pension de la ville de Charleroi, représentant plus de 55 millions d'euros, sont également investis en branche 23, avec le même danger que celui rencontré pour le fonds de pension de l'ISPPC, …
Il apparaît par ailleurs que l'ISPPC, née de la fusion de l'Intercommunale des oeuvres sociales de Charleroi (IOS) et du CHU de Charleroi (hôpital civil), en juin 2000, souffre d'un manque à gagner estimé à échéance d'engagements de 40 millions d'euros parce qu'elle ne réclame pas à la ville de Charleroi sa quote-part dans les pensions des agents qui avaient presté pour le CHU avant de le faire pour l'ISPPC. Elle assume seule, en effet, le paiement des pensions des membres du
personnel qui ont travaillé précédemment à la ville ou au CPAS de Charleroi, soit un manque à gagner annuel de 2 millions d'euros. En sens inverse, pour les employés qui ont quitté l'intercommunale et achevé leur carrière à la ville, l'ISPPC verse « sa » part dans le paiement des pensions.
Monsieur le Ministre peut-il confirmer ces différentes informations ? Peut-il préciser si une telle politique spéculative au niveau des intercommunales et des communes est à son sens admissible ? Une intercommunale de santé, du reste au lourd passé financier, peut-elle courir autant de risques ?
Le cas échéant, quelles initiatives Monsieur le Ministre a-t-il prises pour contraindre l'intercommunale à mettre un terme à cette politique de spéculation ?
Monsieur le Ministre peut-il également indiquer si une telle politique de non-récupération de créances - en matière de charge de pensions - dans le chef de l'intercommunale envers une de ses communes associées est admissible ? Quelles sont les voies de contrôle, d'une part, de recours, d'autre part, à la disposition des autres associés ?
A côté de cela, il convient d'élargir la réflexion en cette matière, au-delà du cas d'espèce.
Monsieur le Ministre peut-il rappeler les règles encadrant la politique financière des intercommunales et, plus largement, des pouvoirs locaux ?
Une intercommunale, une commune ou une province, peut-elle, sans balise et sans limite, placer ses avoirs financiers en produits spéculatifs, en exposant l'actif public au risque du marché ?
Une intercommunale, une commune ou une province, peut-elle, sans balise et sans limite, placer ses fonds de pensions en produits relevant de la branche 23, dont nous savons qu'ils constituent des placements à risque au sens plein du terme ?
Nous pensons, en toute hypothèse, qu'une action déterminée s'impose de la part de l'autorité de tutelle, afin d'interdire aux pouvoirs locaux de spéculer sur les fonds de pension des travailleurs via la branche 23 ou tout autre mécanisme du même ordre.
Au-delà, cette discussion pose également le débat de l'orientation qui est donnée - ou non - à l'économie par cette politique de placements. Il faut par exemple rappeler que l'ISPPC a détenu des actions du cigarettier Philip Morris ou de l'avionneur Boeing - pourtant concurrent direct de la SONACA - dans son portefeuille, … Elle détient, encore aujourd'hui, des actions de Total ou du géant des OGM Novartis.
Nous pensons qu'il est nécessaire que les pouvoirs publics se réapproprient cet enjeu pour réguler ces outils financiers et orienter les leviers qu'ils constituent au service de l'économie durable, solidaire et éthique.
Monsieur le Ministre est-il prêt à soutenir une telle démarche ? En particulier, est-il disposé à encourager les pouvoirs locaux à aller en ce sens ?
En définitive, il me semble important d'établir la clarté à ce sujet et de renforcer les règles applicables.
Réponse du 19/07/2006
Ainsi que j'ai déjà pu l'indiquer en réponse à une interpellation conjointe de l'honorable Membre et de Mme la Députée Véronique Cornet, l'ISPPC, comme la ville et le CPASS, ont toujours gardé une caisse locale de pension.
La caisse de pension de l'ISPPC est basée sur le principe de la capitalisation. La gestion des réserves doit permettre de dégager des produits financiers pour faire face aux charges de pension. Il est évident que, eu égard aux taux d'intérêt actuels, un bon gestionnaire doit diversifier ses placements afin de permettre un maintien du montant des réserves et assurer ainsi un taux de couverture suffisant des pensions actuelles et futures.
Il faut noter que le taux de cotisation de l'ISPPC est inférieur au taux de cotisation actuel de l'ONSS-APL et ce n'est qu'en 2008 que le taux de cotisation (part patronale et part personnelle) sera de 27,5 %, ce qui correspond au taux actuel du pool 1 de l'ONSS-APL.
Le conseil d'administration de l'ISPPC a opté à l'unanimité, en 2001, pour cette gestion dynamique. Cette option a été prise après consultation des organisations syndicales qui ont marqué leur accord. Dans la diversification de ses placements, l'intercommunale a opté pour un produit de la branche 23, sur conseil d'un expert financier reconnu de tous.
Le produit choisi est proposé par la Société générale de France dont la gestion est confiée à une société auditée par Pricewaterhouse Coopers. A l'échéance, il est stipulé dans les conditions de vente de ce produit que le capital investi est intégralement retrouvé. Il est impossible de connaître actuellement le rendement de ce produit, pour la simple raison qu'il est tributaire de l'évolution des marchés boursiers. Si, effectivement, la bourse a connu des pertes de rendement au début des années 2000, la situation actuelle est plus que favorable et, si cette évolution se maintient, le produit devrait donner un rendement intéressant.
Il importe de noter encore que la Commissaire bancaire, financière et des assurances impose, dans la gestion des fonds de pension gérés de manière autonome, une diversification des placements de manière à atteindre l'objectif de ce fonds, à savoir le paiement des pensions. Il me semble donc que la gestion de la caisse de pensions de l'ISPPC répond aux objectifs fixés, d'autant plus que 2/3 des fonds de réserves sont toujours placés en produits de la branche 21.
Quant au paiement des quotes-parts par la ville de Charleroi, il faut peut-être rappeler que, lors de la fusion du CHU et de l'IOS, la ville de Charleroi a pris en charge le déficit cumulé de l'activité hospitalière pour un montant total de 36.093.297,21 euros et a bénéficié, pour cela, d'une aide exceptionnelle dans le cadre de l'axe 2 du Plan Tonus.
Quant au manque à gagner dont souffrirait l'ISPPC, il serait plus judicieux de parler de la quote-part due par la ville de Charleroi, laquelle est dès à présent déterminée. Ce calcul est nécessaire, dans la mesure où la fusion des fonds de pension du CHU de Charleroi (ex CPAS de Charleroi) et de l'IOS n'a pas encore été réalisée dans la mesure où les institutions avaient lié ce point à une augmentation des réserves via un financement au travers du compte CRAC. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu'au 1er juillet 2000, 700 statutaires sont passés à l'ISPPC. Il découle de cette situation que le fonds ISPPC a bénéficié d'un apport massif de trésorerie lié aux cotisations de ces statutaires actifs. Corrélativement, le fonds de pension ville-CPAS s'est sensiblement appauvri par la perte des cotisations de ces actifs. C'est la raison pour laquelle - outre le fait que la volonté politique est de constituer une seule caisse de pension - les quotes-parts dues par les ex-statutaires CPAS qui ont pris leur pension depuis le 1er juillet 2000 ont été comptabilisées, mais n'ont pas fait l'objet de mouvements de trésorerie.
Dans le cadre des financements des fonds fermés de pension des pouvoirs locaux par les décisions des 20 et 27 novembre 2003, le Gouvernement wallon indiquait que la problématique de Charleroi serait réexaminée en cas de constitution d'un fonds fermé au niveau de cette caisse locale de pension.
Il faut noter que la caisse de pension de l'ISPPC est un fonds fermé alors que la caisse de la ville et du CPAS est un fonds ouvert.
D'après les informations dont je dispose, la ville de Charleroi a pris les contacts nécessaires pour une éventuelle affiliation au pool 2 de l'ONSS-APL. Cependant, cette affiliation ne traduirait par un taux de cotisation en 2007 d'au moins 34,5 % alors qu'actuellement ce taux s'élève à 25 %. Cela pose le problème du financement du différentiel de cotisations alors que la ville connaît déjà des difficultés financières.
Je reste attentif à ce problème avec l'aide de mes administrations car il est indispensable que les décisions qui seront prises garantissent le paiement des pensions actuelles et futures.
Les chiffres en ma possession, notamment au niveau des réserves, m'indiquent toutefois que la viabilité du fonds n'est pas remise en cause.
Au vu de ces éléments et dès lors que rien d'illégal n'apparaît, aucune enquête ne se justifie dans ce dossier en l'état.
Quant aux documents budgétaires à transmettre, seuls les comptes de l'ISPPC sont soumis à la tutelle spéciale d'approbation alors que les documents relatifs au fonds de pension ne relèvent pas de cette tutelle.
Les pouvoirs locaux disposent d'une autonomie dans leur gestion. Toutefois, tout doit être fait dans le sens de l'intérêt général et de la gestion « en bon père de famille ». Il ne peut être question de faire de la spéculation avec les deniers publics. Il faut remarquer aussi que la Commission bancaire, financière et des assurances impose, dans la gestion des fonds de pension gérés de manière autonome, une diversification des placements, de manière à atteindre l'objectif de ce fonds, à savoir le paiement des pensions.
Investir dans la branche 23 n'est donc pas interdit, à condition que le produit réponde aux conditions de sécurité pré rappelées et que tout ne soit pas investi dans cette branche. Il me semble donc que la gestion de la caisse de pensions de l'ISPPC répond aux objectifs fixés d'autant plus que 2/3 des fonds de réserves sont toujours placés en produits de la branche 21.
Pour le reste, je partage bien évidemment l'idée qu'il faut que les pouvoirs publics constituent des leviers au service de l'économie durable solidaire et éthique et qu'il faut encourager les pouvoirs locaux à aller dans ce sens.