La répartition des soins résidentiels psychiatriques pour enfants et adolescents
- Session : 2022-2023
- Année : 2022
- N° : 51 (2022-2023) 1
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Question écrite du 04/10/2022
- de HEYVAERT Laurent
- à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
Le Ministre fédéral a décidé d'investir, de manière permanente, 35 millions d'euros supplémentaires pour le groupe cible des enfants et des adolescents, par l'intermédiaire de six chantiers.
Le chantier 3 concerne l'adaptation de la répartition actuellement inégale des lits et des soins de jour pour les mineurs.
La répartition des moyens supplémentaires se base sur un calcul de l'État fédéral pour prendre en compte les situations existantes.
Il semble que l'État fédéral ait commis une erreur de calcul et de jugement sur l'attribution des moyens supplémentaires pour la Wallonie.
En effet, dans les calculs de l'État fédéral, le réseau namurois se retrouve sans lits généralistes.
Dans le cadre des compétences de Madame la Ministre en Région wallonne, elle est responsable de la répartition et de l'accessibilité de l'offre de soins.
Son cabinet ayant participé à ces réunions, peut-elle nous dire comment elle s'est positionnée lors de la présentation de la répartition ?
Comment va-t-elle faire pour que le réseau namurois puisse offrir les mêmes services que dans les autres réseaux ?
Peut-elle nous dire si des contacts avec le secteur ont déjà été pris ?
Réponse du 14/11/2022
J’ai pris connaissance du modèle d’investissement lancé par mon collègue le Ministre Franck Vandenbroucke adressé aux réseaux pour la santé mentale des enfants et des adolescents. L’honorable membre a pointé à juste titre qu’en ce qui concerne le chantier 3 relatif à l'adaptation de la répartition actuellement inégale des lits et des soins de jour pour les mineurs, le report de l’analyse de la réalité provinciale namuroise n’est pas totalement en phase avec la réalité de terrain.
Renforcer l’accessibilité des soins aigus par l’apport de professionnels est compréhensible au regard des difficultés rencontrées actuellement, mais cela n’écarte pas pour autant la nécessité d’aborder la question des lits hospitaliers qui demande d’appréhender un chantier plus important d’une révision en profondeur de la programmation des lits pédopsychiatriques afin de répondre notamment à un besoin dans la crise.
La répartition des moyens pour les 6 chantiers s’est effectuée sur base de la programmation actuelle des lits, mais aussi de critères liés à la situation démographique et économique de la population. Les critères ont été choisis et développés par le SPF Santé publique à travers la méthodologie du Professeur Bruffaerts de la KU Leuven.
À plusieurs reprises, nous avons fait part du fait que les opérations et formules utilisées pour appliquer à la réalité des réseaux provinciaux des coefficients de pondération imparfaits nous semblaient peu transparentes et peu convaincantes. Une réunion s’est d’ailleurs tenue au printemps dernier avec le SPF Santé publique, le Professeur Bruffaerts, mon Cabinet et les services de l’AViQ. À cette époque, il n’était pas encore question des 6 chantiers dont la décision de mise en œuvre ultérieurement revient uniquement à l’Autorité fédérale, mais il s’agissait d’avancer sur la question de lits pédopsychiatriques pour lesquels la Wallonie est en déficit historiquement.
D’autre part, si on se réfère aux fondamentaux et aux protocoles d’accords qui ont été validés lors des conférences interministérielles santé publique, la nouvelle politique de santé mentale pour les enfants et adolescents, le Guide qui lui est consacré et plus précisément son Plan d’action, prévoyait une évaluation des moyens dont chaque réseau doit pouvoir disposer, y compris en termes d’accueil résidentiel.
À cet égard, les actions 14 et 15 de l’objectif opérationnel 3, de l’objectif stratégique 2 qui vise à « renforcer l’offre de soins en santé mentale » (cfr. P 7 et 8 du Guide des nouvelles politiques), pointent la nécessité « d’étudier les besoins régionaux en matière d’offre de base indispensable en matière de soins en santé mentale spécialisés pour enfants et adolescents dans les limites de la zone d’action de chaque réseau, et d’implémenter une offre de base suffisante, de qualité, accessible et abordable de soins en santé mentale spécialisés pour enfants et adolescents dans les limites de la zone d’action de chaque réseau ».
Il s’agit donc bien de garantir ces moyens de base qui doivent permettre la prise en charge hospitalière (telle que définie par la loi sur les hôpitaux pour les lits d’index K sachant que le service K est destiné aux jeunes malades nécessitant, soit une intervention d'urgence en cas de crise, soit une observation ou un traitement actif), de tous les enfants et adolescents du groupe d’âge visé, et pour tous les troubles ou pathologies nécessitant des soins aigus pour lesquels les soins résidentiels sont les mieux indiqués.
Dans le réseau namurois, il y a 3 hôpitaux : le CNP St Martin, le CPNI Les Goélands, et l’HP Le Beau Vallon.
Saint-Martin n’a pas d’agrément pour les lits K, mais a une unité spécialisée pour les troubles de l’humeur, les troubles anxieux et les troubles des conduites alimentaires pour les jeunes adultes entre 18 et 25 ans. Il dispose aussi d’une unité spécialisée dans les phobies sociales, les phobies scolaires, les hauts potentiels, la cyberdépendance, le harcèlement, les troubles des conduites alimentaires, la dépression, l’anxiété pour les adolescents de 15 à 18 ans. N’ayant pas de lits K, ces unités spécialisées entrent dans les indices de lit A ou T.
Cet hôpital ne semble pas proposer des services pour les enfants ni de services généralistes pour les adolescents et jeunes adultes.
Pour ce qui est du CPNI Les Goélands, 25 lits K y sont agréés. Il accueille des jeunes patients souffrant de troubles psychiatriques graves (psychose, TSA, troubles de l’attachement) et souvent en rupture de lien social.
Il dispose d’une unité pour enfants, qui constitue un lieu de traitement, d’activités et d’hébergement de 12 patients dont l’âge varie de 2-12 ans. De plus, ils ont un pavillon pour adolescents, qui consiste en un lieu de traitement, de vie, d’activités et d’hébergement de 13 jeunes âgés de 12 à 18 ans. Ils ont enfin un centre de jour et une équipe mobile qui intervient auprès des enfants et adolescents présentant une problématique de double diagnostic et trouble du comportement.
Pour terminer, Le Beau Vallon a 20 lits K agréés et propose une prise en charge de jour pour les 8-18 ans et 20 places en hospitalisation complète en service aigu pour les 15-23 ans. Il est adressé aux jeunes souffrant de décrochage scolaire, troubles anxieux ou alimentaires, harcèlement, troubles de l’attachement, dépression ou autres pathologies mentales.
À noter que certains hôpitaux namurois ont des lits pédopsychiatriques en programmation, mais qui ne peuvent faire d’un agrément provisoire, car d’une part la programmation est dépassée et d’autre part, il faudrait que les hôpitaux fournissent alors des lits qui pourraient être reconvertis pour obtenir des lits pédopsychiatriques.
C’est une situation existante préalablement aux 6 chantiers.
Il en ressort que les 1,37 ETP de budget supplémentaire accordés par le fédéral ne peuvent pas compenser une répartition connue pour être inégale – particulièrement en Wallonie. Ils ne semblent pas adaptés à la réalité provinciale et aux besoins pour une gestion saine de l’offre et de la demande.
La question portant sur les compétences régionales est plus complexe qu’il n’y parait. En effet, et comme il le sait, la sixième réforme de l’État n’a pas transféré l’ensemble des compétences relatives à la santé mentale et des moyens correspondants. La réalité actuelle, avec la succession des crises et les initiatives qu’elles ont suscitées nous le montrent suffisamment.
Rappelons que l’organisation des réseaux de santé mentale pour adultes et pour enfants et adolescents est restée une compétence propre de l’Autorité fédérale.
En ce qui concerne la répartition de l’offre « résidentielle » et semi-résidentielle, il est plus juste de dire que la Wallonie a hérité d’une situation fondée sur la reconnaissance de l’existant au fil du temps.
Il convient maintenant d’évaluer quelles orientations adopter pour l’avenir et c’est la raison pour laquelle j’ai proposé au Gouvernement wallon une révision du CWASS visant à définir un plan stratégique pour les soins en santé mentale, en concertation avec les acteurs de terrain.
Quant à l’accessibilité, cette dernière est en grande partie tributaire des critères établis par les professionnels de santé, dans le cadre de l’exercice de la fonction thérapeutique. Nous touchons là à la fois à l’organisation de l’offre et à l’art de guérir, la première relevant de la politique de santé mentale à la fois régionale et fédérale, le second relevant de la compétence fédérale. Car l’accessibilité est conditionnée par ces deux éléments : l’offre est-elle disponible sur le territoire, et jusque dans ‘la cité’, dans quelle proportion, pour quel public et quels sont les critères d’intervention des soignants à l’égard de la prise en charge thérapeutique de l’individu ? Pas plus la Région que son Administration n’ont de pouvoir d’injonction sur les services, qu’ils soient ambulatoires ou résidentiels.
Bien entendu, l’honorable membre a raison de penser que l’accessibilité est étroitement liée à la capacité globale : la disponibilité et le nombre de services et les équipes qui les composent.
Je lui confirme que je n’ai pas manqué de relever ce qui nous semblait peu compréhensible dans la répartition des moyens destinés, en particulier au réseau namurois pour la santé mentale des enfants et des adolescents et j’ai connaissance de contacts établis entre le SPF Santé publique et ce réseau en particulier notamment puisque nous avons fait part de notre de souhait de permettre une plus grande flexibilité financière entre les différents chantiers au sein des réseaux.
Une attention toute particulière sera apportée aux réponses, que nous espérons nuancées, que le fédéral accordera aux propositions élaborées par les réseaux SMEA.
Nous veillerons également à la nécessaire révision des moyens de base nécessaires à l’accomplissement des missions des réseaux, tels que planifiée dans le Plan d’action.
Je souhaiterais par ailleurs que les analyses effectuées par le SPF Santé publique puissent être travaillées conjointement avec une Université francophone afin de mieux appréhender les réalités sur le territoire wallon, mais aussi de réfléchir à une évolution des réseaux des nouvelles Politiques de Santé mentale qui ne sont actuellement pas outillés juridiquement, financés par le fédéral, mais ayant dans leurs programmes dans une grande majorité, une mise en œuvre d’actions relevant soit de la Région wallonne, soit de la Fédération Wallonie-Bruxelles.