Le retard du secteur de la cybersécurité en Wallonie
- Session : 2022-2023
- Année : 2022
- N° : 223 (2022-2023) 1
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Question écrite du 07/12/2022
- de CRUCKE Jean-Luc
- à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
De la cessation partielle ou totale des activités, la fuite de données à l'atteinte à la réputation, l'impact d'une attaque n'est pas bénin pour les entreprises visées. Force est de constater qu'elles sont encore nombreuses à ne pas y être préparées, les PME en premier lieu.
Les attaques en ligne se multiplient à l'encontre de nos entreprises et autres organisations, notamment des hôpitaux très récemment. Ce danger permanent est aussi une opportunité pour les sociétés spécialisées en cybersécurité.
Un article de Trends/Tendance dresse le portrait du marché belge de la cybersécurité qui est en nette croissance actuellement et devrait continuer son évolution positive. Pour la période 2021 à 2025, Agoria prévoit une croissance annuelle de 21,2 %. L'analyse des chiffres montre pourtant une nette différence entre la Flandre et la Wallonie. Le nord du pays compte 53 % des entreprises actives dans le secteur, tandis que la Wallonie ne représente que 24 % d'entre elles. Pire pour la Wallonie : 84 % du business et des ventes sont réalisés en Flandre…
Apparemment, les dispositifs mis en place par la Wallonie, notamment les chèques entreprises, ne suffisent pas, ni à sensibiliser les entreprises pouvant être la cible des attaques ni à développer le secteur de la cybersécurité. La pénurie de main-d'œuvre spécialisée peut être visée, mais elle n'explique pas tout.
Monsieur le Ministre a-t-il eu connaissance de ces dernières statistiques d'Agoria ? Quelle est son analyse ?
Quel est l'arsenal actuel d'aides de la Wallonie dans ce domaine actuellement ? Faut-il le revoir comme le souligne le magazine économique ? Quels axes peuvent être améliorés ? Comment ?
Réponse du 22/12/2022
J’ai bien pris connaissance du dernier rapport d’Agoria sur la cybersécurité et avons examiné les chiffres ainsi que les recommandations qui y sont mis en avant.
Il est indéniable que le secteur de la cybersécurité est promis à une croissance soutenue dans les années à venir et je me réjouis que l’importance stratégique de la cybersécurité soit désormais devenue une évidence pour tous. Plusieurs points relevés dans le rapport d’Agoria sont d’ailleurs des constats que nous partageons et qui ont été à l’origine de l’initiative transversale CyberWal by Digital Wallonia.
J’aimerais mettre en exergue quelques-uns de ces constats parmi les plus cruciaux et sur lesquels nous avons entre autres fondé notre action :
1) Les entreprises en cybersécurité wallonne exportent peu et leurs donneurs d’ordre se concentrent dans un petit nombre de secteurs ;
2) Le secteur fait face à une quantité insuffisante de main-d’œuvre qualifiée. Même si le problème dépassé évidemment la Wallonie, il n’en reste pas moins interpellant ;
3) Basées sur de nombreuses incompréhensions, les entreprises wallonnes ne ressentent pas suffisamment le besoin d’une cybersécurité suffisante et n’y consacrent qu’un budget négligeable, voire inexistant.
J’ajoute à ces préoccupations le fait que les entreprises ne font pas assez d’audits en cybersécurité alors qu’il s’agit d’une première étape essentielle. Les PME wallonnes n’étaient en effet que 6 % à réaliser un audit l’année dernière. Certains secteurs souffrent plus que d’autres alors même qu’ils sont parmi les plus concernés. C’est le cas du secteur de la santé où 92 % d’entreprises n’ont jamais franchi le cap. C’est la raison pour laquelle un chèque cybersécurité a spécifiquement été élaboré pour couvrir une large partie des frais liés à la mise en place d’un audit. Cette action a d’ailleurs fait l’objet d’une large campagne de communication radio il y a quelques semaines à peine.
A ce constat interpellant s’ajoute celui que 25 % des entreprises wallonnes déclarent avoir déjà rencontré un incident de sécurité informatique au cours des deux dernières années. La question n’est donc plus de savoir si une entreprise va connaitre pareille situation, mais bien quand et comment l’attaque sera menée.
Cette situation est à mettre en regard de l’offre en matière de cybersécurité, encore trop insuffisante sur notre territoire. En effet, puisque la demande crée l’offre, il n’y aura pas de développement du marché tant que les entreprises n’auront pas pris conscience de la situation et qu’elles ne mettront pas en œuvre les démarches nécessaires. Le rapport d’Agoria rencontre bel et bien ce constat : la sensibilisation des entreprises reste une question capitale. Il s’agit même du facteur essentiel de réussite des politiques cyber.
Il serait malavisé de tenter une comparaison de nos deux régions, eu égard à la multitude de différences économiques et structurelles qui participent à expliquer la situation bien au-delà des programmes respectifs en matière de cybersécurité. Il faut néanmoins bien admettre que les investissements dans la thématique cyber ont été relativement timides avant ces deux dernières années. Depuis, CyberExcellence et Cyberwal by Digital Wallonia et ont vu le jour et ces deux programmes contribuent progressivement à résorber l’écart historique qui existe entre la Wallonie et la Flandre.
Comme l’honorable membre le souligne, nous disposons d’une série de mesures existantes en Wallonie pour aider les entreprises dans leur trajet en cybersécurité.
D’abord, il y a évidemment les Chèques Entreprises dont il faut distinguer deux types : ceux dédiés à la Cybersécurité et ceux dédiés à la relance par le numérique.
Les Chèques Entreprises restent un dispositif essentiel pour le développement de la maturité numérique des entreprises et la cyber sécurité ne fait pas exception. C’est la raison pour laquelle j’ai veillé à ce que le chèque cybersécurité conserve son taux d’intervention initial de 75 %. Il faut relever que le public bénéficiaire a été élargi puisque les entreprises issues du secteur du numérique peuvent enfin bénéficier de ces chèques. Il s’agissait d’une demande forte du secteur à laquelle j’ai souhaité répondre favorablement.
Les chèques « relance par le numérique » sont très récents et il est raisonnablement encore trop tôt pour se risquer à évoquer des chiffres. Les Chèques s’inscrivent dans le programme CyberWal by Digital Wallonia. Leur vocation est de soutenir la compétitivité numérique de nos PME en 3 phases :
1) Le diagnostic de leur maturité numérique, par le recours à des professionnels labellisés qui s’appuieront sur l’outil DigiScore proposé par Digital Wallonia ;
2) L’accompagnement de la mise en œuvre de leur stratégie digitale, tout en validant la sécurité « by design » (par essence) de l’approche ;
3) La réalisation, en finançant une partie du projet pour soutenir l’innovation numérique et leur permettre d’atteindre plus rapidement leurs objectifs.
Ce nouveau dispositif ne remplacera pas les chèques numériques existants, il est complémentaire et donne accès, comme l’honorable membre l’a indiqué, à une aide de 15 000 euros avec une intervention de 90 % aux entreprises et ASBL éligibles. Ils seront normalement disponibles jusqu’à fin 2023.
Ensuite, il y a bien sûr le programme CyberWal by Digital Wallonia qui rassemble toutes les composantes de la chaine de valeur cybersécurité en Wallonie, de la sensibilisation jusqu’à la recherche en passant par l’accompagnement aux entreprises. Une multitude d’actions sont prévues jusqu’à 2024 sur la totalité de cette chaine de valeur. La première de ces actions a été de rassembler l’ensemble des composantes du secteur de la cybersécurité sous une même coupole organisée autour des mêmes objectifs.
Les principaux partenaires du programme CyberWal sont les universités francophones actives en cyber sécurité ainsi que les Centres de recherche agrées, les centres de compétences TIC et les représentants des pouvoirs publics nationaux ainsi que les opérateurs locaux du nord de toute la Wallonie
À propos d’IDELUX, il est crucial de mentionner le futur démonstrateur quantique ainsi que le cyber range qui seront développés à Redu au bénéfice de toutes les entreprises, universités, CRA, centres de compétences et organismes publics de Wallonie. Ces outils de pointe sont rares en Europe. Le budget alloué à IDELUX dans le cadre du Plan de relance de Wallonie pour le développement de ceux-ci est de 8 355 000 euros.
Ce montant s’intègre dans un effort plus large qui concerne également les actions menées par l’Agence du Numérique pour un budget d’environ 8 000 000 d’euros, ainsi que du projet de recherche Cyber Excellence, lui-même financé à la hauteur de 19 000 000 d’euros avec une potentielle extension.
Ces budgets nous rapprochent d’un niveau de financement similaire à celui de la Flandre qu’il cite.
Nous disposons donc un bel ensemble de mesures qui seront rapidement complétées par d’autres, dont certaines sont quasiment uniques en Europe. Cette démarche est relativement neuve en Wallonie, mais elle est solide, fédératrice et ambitieuse. Même s’il est encore tôt pour évoquer les résultats chiffrés de nos actions, je voudrais en mentionner une parmi d’autres, car elle relève de la question de pénurie de main-d’œuvre pour nos entreprises à laquelle je suis particulièrement attentif. Je participais il y a quelques jours à la soirée de clôture du premier cycle de la formation de haut niveau en cybersécurité qui se déroulait à Redu et à laquelle nous avions annoncé la participation de 40 étudiants. Ce fut finalement le double, soit 80 étudiants wallons, flamands et étrangers, qui se sont inscrits. Il s’agit là d’un franc succès que nous entendons renouveler l’année prochaine.