L’interdiction de faire payer des frais d’intervention par le locataire
- Session : 2022-2023
- Année : 2023
- N° : 220 (2022-2023) 1
2 élément(s) trouvé(s).
Question écrite du 20/01/2023
- de CRUCKE Jean-Luc
- à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
Selon l'article 64 du décret wallon du 15 mars 2018 relatif au bail d'habitation, « est réputée non écrite toute clause qui met à charge du preneur les frais d'intervention d'un tiers relatifs à la location d'un bien d'habitation, sauf si le preneur est le commanditaire de l'intervention. »
Il m'est revenu que, notamment à Mouscron, plusieurs agents immobiliers, au mépris de cette disposition, réclamaient au candidat locataire, une fois sa candidature agréée par le bailleur, une indemnité équivalant globalement à un mois de loyer.
Cette pratique est communément partagée dans la profession lui offrant une apparente légalité.
Sur cette base, certains agents immobiliers éjectent purement et simplement des candidats du processus de conclusion du bail en raison du refus de payer cette indemnité. D'autres ont trouvé la parade en se fondant sur l'article 27 du même décret. Ils qualifient alors l'indemnité de « quote-part état des lieux d'entrée/sortie à charge du locataire. »
On peut supposer que de la majorité des candidats locataires acceptent de payer une telle indemnité à l'agent immobilier soit parce qu'ils ignorent l'existence de l'article 64 soit parce qu'ils craignent que l'on refuse de leur louer le bien.
Monsieur le Ministre et son administration ont-ils eu échos de tels faits ?
Comment une disposition décrétale peut être aussi facilement bafouée ?
Quel organe est susceptible de contrôler voire de sanctionner de tels agissements ?
Qui est habilité à enregistrer les plaintes des candidats locataires spoliés ou évincés ?
N'y aurait-il pas lieu de modifier le décret en apportant plus de précision quant à la qualification des frais d'intervention ?
Monsieur le Ministre notera que le texte légal flamand équivalent utilise le terme intermédiation plutôt qu'intervention.
Réponse du 15/02/2023
L’article 64 du décret wallon du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation répute non écrite « toute clause qui met à charge du preneur les frais d’intervention d’un tiers relatifs à la location d’un bien d’habitation, sauf si le preneur est le commanditaire de l’intervention ».
Inspirée de l’article 5ter de la loi du 20 février 1991 relative aux baux de résidence principale, cette disposition vise à empêcher que les frais d’intervention d’un agent immobilier (ou de tout autre tiers) soient mis à charge du preneur.
Le preneur ne peut donc pas être tenu de supporter les honoraires d’un agent immobilier, ni les frais couvrant l’évaluation du prix de la location d’un bien mis en location, ni les frais de publicité ou d’administration, et cetera.
Toutefois, si le preneur est à l’origine de l’intervention, les frais ou honoraires peuvent lui être imputés. Il se peut en effet qu’il fasse appel à un agent immobilier afin que celui-ci engage des recherches en vue de lui trouver un logement sur le marché locatif : dans ce cas, le preneur est le « commanditaire » des prestations.
Si la convention passée entre le locataire et l’agent immobilier est un contrat simulé qui a pour objet de contourner l’interdiction inscrite à l’article 64 du décret, cela peut entraîner la nullité du contrat d’intermédiation.
Il a ainsi été relevé par le juge de paix de Bruges dans une décision rendue le 5 mai 2011 que le contrat d’intermédiation est nul lorsque la mission de recherche est achevée au moment même de sa signature et que le contrat de bail est signé le même jour que le contrat d’intermédiation. Ces circonstances établissent que le seul objectif de ce contrat est de justifier l’application de l’exception prévue à l’article 64 du décret.
L’Institut professionnel des agents immobiliers peut veiller sur base d’une plainte à la stricte observance par ses affiliés du Code de déontologie qu’ils sont tenus de respecter dans l’exercice de leurs activités.
Pour sa part, le Service public fédéral de l’Économie peut relever les infractions dans les contrats d’intermédiaire qu’un agent immobilier conclut avec ses clients.
J’ai initié au sein de mon administration un groupe de travail sur les discriminations en matière d’accès au logement. Ce groupe pourrait mener une réflexion sur les questions que l’honorable membre soulève et les solutions pratiques qui pourraient être mises en œuvre. Je pense notamment à un accent particulier ou un rappel dans la formation des agents immobiliers sur les frais qui peuvent être demandés à des candidats locataires.