Les intérêts de la présence du loup en Wallonie
- Session : 2023-2024
- Année : 2024
- N° : 372 (2023-2024) 1
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Question écrite du 26/03/2024
- de WITSEL Thierry
- à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
Le sujet de la présence du loup est source de tensions, que ce soit au niveau régional ou au niveau européen. Actuellement en Wallonie, il s'agit de les protéger tout en assurant la cohabitation avec les citoyens, notamment les agriculteurs qui craignent pour leur bétail. Aujourd'hui, des études tendent à démontrer les bienfaits de la présence du loup sur la biodiversité. En effet, les loups mangent 4 kilos de carcasses par jour chacun, chevreuils, cerfs, biches et sangliers. Ils résolvent le problème de surpeuplement des cervidés. Ceux-ci se nourrissent de jeunes pousses et empêchent, par le nombre, la forêt de se régénérer. Ensuite, leur présence modifie le comportement des autres animaux. Le loup chassant dans les zones ouvertes, où les plantations de jeunes arbres se trouvent, les autres animaux ont tendance à ne plus s'y rendre, favorisant le développement de ces arbres. Actuellement, les communes installent des systèmes de protection afin que les nouvelles plantations ne soient pas dévorées : grillage, protections individuelles… Selon les communes présentes dans ces zones, ce budget représente entre 10 000 et 30 000 euros par an.
En conclusion, la présence de loup sur notre territoire pourrait rapporter quelques milliers d'euros à nos communes.
De nouveaux chiffres sur la présence du loup sont-ils disponibles ?
Madame la Ministre peut-elle nous détailler les bienfaits du loup pour la biodiversité ?
Enfin, rejoint-elle le raisonnement selon laquelle la présence du loup aurait des conséquences positives sur les finances de certaines communes ?
Réponse du 08/05/2024
La situation actuelle du loup en Wallonie est relativement stable. Le suivi mené par mon administration révèle l’installation de trois meutes dans les Hautes-Fagnes et le Nord-Eifel ainsi que la détection très ponctuelle d’individus dispersants ailleurs en Wallonie. Récemment cependant, la louve Maxima, à l’origine en 2020 de la première meute avec Akela, a malheureusement été retrouvée morte le long d’une route du fait d’une collision. Il en est de même pour un des louveteaux issus de la reproduction de l’année dernière. Le loup Akela, relativement âgé, se retrouve donc seul avec des louveteaux d’une dizaine de mois, ce qui pourrait conduire à un bouleversement des limites de territoires de loups dans les semaines et les mois à venir dans le massif des Hautes Fagnes et de l’Eifel.
En dehors de la zone de présence permanente, aucun individu n’est connu comme étant en cours d’installation.
Il ne fait aucun doute que le Loup, en tant que super prédateur, est une espèce clé dans les écosystèmes. Comme vous l’expliquez bien, il peut, par son impact sur les populations d’herbivores, limiter la surconsommation des semis et favoriser la régénération et la diversification de nos forêts. Cette diminution de la pression des herbivores engendrée par la présence du loup stimule de facto tout un pan de la biodiversité et rééquilibre les écosystèmes.
Si son impact sur les herbivores est bien documenté, le Loup peut également réguler les mésos carnivores comme le Renard, ou encore certaines espèces invasives problématiques comme le raton laveur, le ragondin ou le muntjac. Cette régulation aurait elle-même un effet positif sur de nombreuses espèces animales ou végétales, y compris rares et menacées comme le Tétras-lyre dont le principal prédateur est le renard. Amateur de castors, le loup pourrait par ailleurs participer localement à une meilleure cohabitation avec l’espèce en régulant ses populations.
Mais la présence du Loup ne se limite pas uniquement à ces effets en cascade sur la chaîne alimentaire. Son rôle en termes de santé et de régulation des maladies infectieuses ne doit pas être négligé. En effet, les loups sont des prédateurs endurants, mais également opportunistes. S’ils sont capables d’attraper tout type de proie, ce sont principalement les individus les plus faibles, soit les jeunes, les âgés ou les malades, qui sont touchés. Par cet impact sur des proies potentiellement porteuses de maladies infectieuses, le Loup joue un rôle sur la prévention et la régulation de celles-ci. Dans les Asturies par exemple, une étude a démontré que la prédation sur les sangliers par les loups peut conduire à une réduction marquée de la prévalence de la tuberculose bovine. L’augmentation du nombre de prédateurs peut diminuer le risque de transmission zoonotique en diminuant la prévalence de l’infection lorsque la transmission dépend du taux de contacts au sein de la population de proies. De la même manière, les loups peuvent limiter la transmission du virus de la peste porcine africaine en éliminant les carcasses infectieuses, puisque leur processus de digestion détruit le virus. Cet impact sur le plan sanitaire est d’autant plus important que les deux maladies prises en exemple peuvent se transmettre de la faune sauvage au bétail et générer des pertes économiques considérables.
Les loups, en abandonnant leurs proies sur place, fournissent également de la nourriture au « nécrobiome », c’est-à-dire la très importante communauté d’espèces se développant sur les cadavres animaux. Bactéries, champignons, insectes, oiseaux, mammifères profitent de cette source de nourriture et enrichissent les sols par le mécanisme de décomposition. Parmi les charognards impactés positivement par ces carcasses figurent certaines espèces protégées comme le grand corbeau ou le Milan royal.
D’autres types de retombées financières de la présence du loup sont sans doute largement sous-estimés, voire insoupçonnés. Je pense notamment aux bénéfices générés par l’écotourisme ou encore aux économies réalisées grâce à la diminution des collisions de voitures avec le gibier. Aux États-Unis, ce nombre aurait chuté de 24 % dans les zones occupées par le Loup.
On l’aura compris, je rejoins le constat selon lequel la présence d’un grand prédateur, pour les services écosystémiques qu’il rend, peut impacter positivement les finances publiques. Ces services rendus à l’échelle de la Wallonie sont toutefois encore difficiles à chiffrer précisément.