L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Chili et ses impacts sur l'agriculture
- Session : 2023-2024
- Année : 2024
- N° : 435 (2023-2024) 1
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Question écrite du 10/04/2024
- de SCHYNS Marie-Martine
- à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
Le Parlement européen a validé le 29 février 2024 l'accord-cadre avancé entre l'Union européenne (UE) et le Chili. Le Conseil de l'Union indiquait en décembre dernier que cet accord vise à renforcer « les relations politiques et économiques entre l'UE et le Chili et approfondira leur coopération et leurs échanges ». On connait notamment l'intérêt de l'Union pour le lithium, le cuivre et l'hydrogène vert dont le Chili est grand exportateur. La crainte est que ce nouvel accord commercial ait des impacts négatifs sur l'agriculture européenne et wallonne en particulier si les mêmes normes ne sont pas appliquées au sein des deux espaces économiques.
Dans le contexte de crise du secteur agricole, Monsieur le Ministre a-t-il des chiffres rassurants quant à l'impact de cet accord pour l'agriculture wallonne ?
L'Union européenne et le Chili ont pris des engagements, notamment en matière agricole, par exemple sur les systèmes alimentaires durables, les normes sociales et environnementales, de concurrence équitable, et cetera. Des moyens sont-ils prévus pour faire respecter ces engagements ?
Un de ces engagements consiste à protéger 216 indications géographiques agricoles de l'Union européenne. Des indications wallonnes sont-elles incluses dans la liste des indications retenues ?
Réponse du 06/05/2024
Le 29 février, le Parlement européen a adopté l’accord-cadre avancé UE/Chili ainsi que l’accord intérimaire sur le commerce entre l’Union européenne et le Chili, l’objectif principal étant de moderniser et d’approfondir les relations politiques et économiques.
Le récent rapport d'étude d'impacts cumulatifs des accords commerciaux publié par la Commission européenne projette des données intéressantes jusqu'à l'année 2032 concernant nos relations économiques et commerciales avec dix pays partenaires (l'Australie, le Chili, l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie, le Mercosur, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, les Philippines et la Thaïlande), dont notamment le Chili.
Cette étude met en lumière la part relativement restreinte du Chili dans les exportations agroalimentaires de l'Union européenne. En effet, le Chili ne représente que 4,2 % de la valeur totale des exportations agroalimentaires de l'Union européenne vers ces 10 pays tiers étudiés, totalisant 526 millions d'euros. Parallèlement, les importations agroalimentaires en provenance du Chili s'élèvent à 1,805 milliard d'euros, soit 5,6 % du montant global des importations agroalimentaires des pays tiers identifiés. Ainsi, l'Union européenne affiche un déficit commercial projeté de 1,279 milliard d'euros dans ses échanges avec le Chili.
Pour la Wallonie, malgré des fluctuations, un excédent commercial a été maintenu avec le Chili passant de 73,3 millions d'euros en 2019 à 86 millions d'euros en 2022 selon les données de l’Agence pour le commerce extérieur. L’accord prévoit dans le secteur agricole la suppression des droits de douane pour certaines catégories de produits lors des exportations de l'Union européenne telles que les préparations alimentaires et les mélanges et pâtes de farine, ce qui est particulièrement bénéfique pour l'industrie alimentaire wallonne, un secteur majeur en termes de chiffre d'affaires et d'emplois dans la Région, ayant généré un chiffre d'affaires dépassant les 10 milliards d'euros en 2022 avec des exportations atteignant 4,5 milliards d'euros. Cependant, certaines inquiétudes subsistent quant à la protection des filières agricoles sensibles de la Wallonie face à l'ouverture accrue du marché chilien, notamment les viandes bovines, porcines et ovines. Il convient d’être particulièrement vigilant en ce compris concernant le contrôle du respect des normes de produits importés.
L'accord entre l’UE et le Chili intègre des engagements solides en matière de développement durable, notamment dans le domaine agricole, couvrant des aspects tels que les systèmes alimentaires durables, les normes sociales et environnementales, et la concurrence équitable. Pour garantir le respect de ces engagements, l'accord prévoit la mise en place d'un sous-comité dédié au commerce et au développement durable, ainsi qu'un point de contact chargé du suivi et du rapportage régulier de la mise en œuvre des engagements. En cas de désaccord, des consultations seront menées et, si nécessaire, un panel d'experts indépendants sera sollicité pour formuler des recommandations. Ces mécanismes renforcent la crédibilité des engagements pris et contribuent à assurer leur mise en application effective dans les relations commerciales entre l'Union européenne et le Chili.
Enfin, parmi les 216 indications géographiques agricoles protégées de l'Union européenne, celles attribuées à la Région wallonne dans le cadre de l'accord entre l'Union européenne et le Chili incluent des produits emblématiques de notre gastronomie tels que le beurre d'Ardenne, le fromage de Herve, le jambon d'Ardenne, le pâté gaumais et la plate de Florenville.
En dépit des 216 indications géographiques protégées par l’UE dans le cadre de cet accord, l’UE offrira un accès supplémentaire au marché sous la forme d’une augmentation des contingents en franchise de droits pour la viande de volaille, la viande de porc, la viande ovine, la viande de bœuf, l’ail et le poisson en conserve en provenance du Chili. De nouveaux contingents seront ouverts pour le Chili pour l’huile d’olive, les préparations de fruits et d’autres produits. L’accord libéralisera 96 % des lignes tarifaires agricoles non encore libéralisées du côté du Chili et 66 % du côté de l’Union, sur une période maximale de sept ans, y compris les contingents tarifaires existants pour le fromage de l'Union européenne et pour les céréales transformées chiliennes. Cet accès peut constituer un risque à la protection des filières bovines, ovines et porcines de la Wallonie.
Cependant, les conclusions nuancées de l'étude du SPF Économie de septembre 2023 concernant cet accord indiquent que les quotas agricoles élargis ne devraient pas impacter significativement le secteur agricole belge. En effet, ces quotas demeurent modestes par rapport à la production européenne, et la part du Chili dans les importations extracommunautaires devrait rester marginale. En sachant que les quotas actuels sont peu utilisés, l'incidence du nouvel accord sur les productions agricoles belges devrait être minime. Toutefois, nous devons également garder à l'esprit que les divers accords commerciaux peuvent avoir un impact cumulatif sur notre secteur agricole. Concernant les opportunités, les principaux produits agricoles belges exportés vers le Chili (gluten de blé, maïs doux, haricots et viande de porc) ne seront pas affectés par des changements dans les droits d'importation côté chilien.
De façon générale, comme l’honorable membre le sait, je souhaite que nos accords commerciaux incluent systématiquement des clauses miroir et n’autorisent que des contingents dont l’impact est faible pour nos productions agricoles.