Les modifications du règlement européen relatif à l'organisation des marchés des biens agricoles suite au Conseil agricole du 26 mars 2024
- Session : 2023-2024
- Année : 2024
- N° : 438 (2023-2024) 1
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Question écrite du 10/04/2024
- de DESQUESNES François
- à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
Lors de la dernière séance de commission, j’interrogeais Monsieur le Ministre sur la modification du règlement européen relatif à l'organisation des marchés des biens agricoles.
Dans sa réponse, portée par son collègue du Budget, il m'indiquait que les États membres auraient des discussions, le jour même de notre commission, soit le 26 mars, sur des mesures proposées par la Commission européenne visant à améliorer la position des agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire.
Je viens donc faire le point sur ce dossier essentiel pour assurer une juste rémunération de nos agriculteurs.
Les États membres ont-ils pu se positionner sur les propositions formulées par la Commission européenne ?
Ont-ils validé celles-ci ou les ont-ils amendés ? Dans ce dernier cas, quelles sont les modifications proposées ?
Quelles sont les prochaines étapes pour la mise en œuvre de ces mesures ?
Dans sa dernière réponse, Monsieur le Ministre portait le focus sur l'article 210 bis de l'OCM, mais celui-ci ne vise que des accords dans lesquels l'agriculteur applique une norme de durabilité supérieure à celle imposée par le droit positif.
Ce type d'accord ne vise qu'une partie des agriculteurs, alors qu'il faut viser à améliorer la rentabilité de l'ensemble de ceux-ci.
Pourquoi ne plaide-t-il pas pour une amélioration de la rémunération pour tous les agriculteurs ?
Il est urgent de renforcer la capacité pour les agriculteurs de négocier des prix collectivement face aux acheteurs. Or le règlement OCM contient plusieurs obstacles à cette négociation sur les prix (articles 209 et 210). Défendra-t-il un élargissement clair du règlement OCM sur la négociation collective des prix des produits agricoles (ou de leur mode de calcul) ?
Réponse du 08/05/2024
Lors du Conseil du 26 mars, la Commission a présenté son document relatif à l’amélioration de la position des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Elle y envisage principalement 3 pistes :
1) Des mesures directes non législatives, comme la mise en place d’un observatoire et un rapport sur la mise en œuvre de la directive UTP - Unfair Trading Practices - (pratiques commerciales déloyales) ;
2) Une modification ciblée du règlement OCM ;
3) Le respect et le renforcement de la directive UTP (y compris un nouveau règlement sur l’application transfrontalière de cette directive d’ici 2025).
Avec les mesures proposées, la Commission espère trouver des solutions pour les agriculteurs à court, moyen et long terme. Elle ajoute que les propositions ne compromettent pas le principe fondamental de l’orientation vers le marché.
Les États membres se sont montrés positifs à l’égard de l’initiative de la Commission, réalisée dans des délais très courts. Plusieurs États membres se félicitaient de la création d’un observatoire, qui permettra d’évoluer vers plus de transparence, notamment en matière de prix. Il faudra toutefois que des initiatives concrètes en découlent et prévoir un mécanisme de protection des données. D’autres délégations se sont montrées plus réservées, notamment à l’égard de la bureaucratie que cela pourrait entraîner.
L’accent était aussi mis sur l’importance des contrats écrits et le développement des organismes de producteurs (OP) pour renforcer la position des agriculteurs. De nombreux États membres se réjouissent également que la Commission se penche sur la mise en œuvre de la Directive UTP et son éventuelle révision (en 2025).
Enfin, plusieurs États membres ont insisté sur le fait que la Commission devait considérer ces propositions en conjonction avec la simplification recherchée et les autres initiatives en cours à cet égard. Plusieurs ministres ont également rappelé qu’il faut garder l’orientation de marché.
Il est à noter que le Conseil Agriculture du 29 d’avril s’est penché notamment sur le suivi des propositions annoncées par la Commission dans ses diverses et récentes initiatives.
Sur la base des informations communiquées par la Commission et des orientations formulées par le Conseil européen lors de sa réunion des 17 et 18 avril 2024, les ministres ont également examiné d’éventuelles futures mesures visant à réduire la charge administrative de la politique agricole de l’UE pour les agriculteurs et les autorités des États membres et à renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Parmi ces mesures ont figuré le réexamen de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, la simplification du processus d’approbation des plans stratégiques relevant de la PAC, le report de la mise en œuvre du règlement sur la déforestation et le réexamen de certains des aspects les plus techniques du suivi dans le cadre de la PAC, comme la géolocalisation des photographies. En outre, un certain nombre d’États membres ont appuyé la demande de l’Allemagne visant à relever le seuil des aides d’État de minimis de 25 000 à 50 000 euros. Le Conseil devrait adopter les modifications proposées de la PAC le 13 mai 2024.
Certaines dérogations aux règles de la concurrence, dont la négociation collective des prix, sont possibles, sous certaines conditions, pour des OP reconnues selon l’article 152 du règlement OCM. Les restrictions des articles 209 et 210 ne s’appliquent pas dans ce cas. Ces dispositions manquent toutefois souvent de clarté et les agriculteurs sont en demande d’une sécurité juridique. J’ai donc déjà plaidé à plusieurs reprises pour une clarification de ces conditions d’exemption et je ne manquerai pas de le faire à nouveau.
Je rappelle que concernant le revenu des agriculteurs, au niveau fédéral, diverses mesures ont été retenues afin de garantir un meilleur pouvoir de négociation aux agriculteurs et producteurs wallons. La première mesure porte sur le développement d’indicateurs pour des relations équitables et transparentes dans la chaine agroalimentaire. Les indicateurs existants seront affinés et développés et de nouveau indicateurs seront établis.
Des seuils seront aussi établis par filière, sur le modèle du « tunnel ». Lorsque l’Observatoire des prix constatera un dépassement du seuil fixé, il enclenchera un mécanisme d’alerte. La concertation chaine et/ou les membres des accords de branche seront alors tenus de se réunir rapidement afin d’apporter des réponses adéquates. Il y a donc, ici, une responsabilité des pouvoirs publics de réunir l’ensemble de la chaîne et d’obtenir des résultats pour assurer la juste rémunération des agriculteurs.
En ce qui concerne la négociation collective, je souhaite que des accords de branche puissent être trouvés.
En outre, comme je l’ai soutenu à plusieurs reprises, le renforcement de l’interdiction de la vente à perte a été acté. Les agriculteurs demandent de vendre à un prix reflétant la juste valeur de leurs produits. Des arrêtés royaux sont en préparation au niveau fédéral.
Notons encore que la Commission devrait encore avancer sur d’autres points majeurs tels que :
- Budget de crise : libérer un budget important afin de répondre à la crise actuelle dans les meilleurs délais ;
- Contrôles aux frontières : intensifier et améliorer significativement les contrôles aux frontières portant sur la nature et la qualité des denrées importées ;
- Une solution pour le blé : apporter rapidement une solution quant au prix du blé actuellement catastrophique, notamment en réactivant et diversifiant certaines voies commerciales traditionnelles ;
- Accords de libre-échange : ceux-ci doivent être équilibrés avec de véritables clauses miroirs effectivement contrôlées ;
- Assouplissement : assouplir les contrôles et éviter les sanctions qui pourraient en découler.
La Commission a proposé des mesures concrètes en vue de répondre aux demandes urgentes exprimées par le secteur agricole. Mais le travail est loin d’être terminé. Nous devons encore poursuivre les discussions. L’objectif est bien d’obtenir plus de simplification de la PAC, de réalisme agricole, mais aussi et surtout d’aboutir à des prix corrects dans les différentes productions agricoles qui permettent à nos agriculteurs de travailler décemment.