Bilan après 18 mois de langue bleue dans nos régions.
- Session : 2007-2008
- Année : 2008
- N° : 155 (2007-2008) 1
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Question écrite du 03/01/2008
- de CASSART-MAILLEUX Caroline
- à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme
Voilà maintenant plus de 18 mois que la fièvre catarrhale, communément appelée langue bleue, sévit dans nos campagnes. Il semble désormais acquis que cette maladie ne revêt pas un caractère éphémère. Elle s’insinue et s’incruste dans les élevages de bovins et d’ovins. Bien qu’aucun impact ne soit possible sur la santé humaine, les conséquences sont aujourd’hui bien réelles.
L’an passé, à la même époque, j’avais mis Monsieur le Ministre en garde contre les conséquences désastreuses que pouvait causer cette maladie si elle perdurait au-delà de l’hiver 2006. Aujourd’hui, je ne puis que constater que, sans faire de bruit, une crise profonde s’est installée. Divers secteurs sont touchés et les implications au niveau des exportations sont nombreuses.
Les impacts économiques ne sont toujours pas chiffrés, le manque à gagner des producteurs wallons n’est pas encore connu avec précision, le marché subit des perturbations importantes et les prix ne cessent de fluctuer.
Le 5 novembre dernier, une réunion rassemblant des acteurs du secteur se sont retrouvés avec des représentants du cabinet de Monsieur le Ministre. Lors d’une précédente intervention, Monsieur le Ministre a précisé que ses collaborateurs se chargeaient d’analyser et de trouver une solution à l’ensemble des demandes qui avaient été formulées. Actuellement, où en est ce travail ? Quelles sont les demandes précises qui avaient été émises ? Un agenda est-il précisé ?
Un appel à projet thématique a été lancé par l’administration Monsieur le Ministre auprès des équipes universitaires spécialisées afin d’estimer les pertes économiques directes et indirectes liées à la fièvre catarrhale ainsi que le coût-bénéfice d’une vaccination. Cet appel a-t-il été entendu ? Une étude est-elle déjà lancée ? Un agenda a-t-il été avancé ?
Réponse du 14/01/2008
Avec 6.598 cas recensés au 18 décembre 2007 (2.466 en Région wallonne dont 75 % de bovins), le secteur de l’élevage belge est fortement touché par la fièvre catarrhale ovine(FCO), encore appelée « maladie de la langue bleue » et ses conséquences sur les marchés.
Pour rappel, cette maladie virale est transmise par un insecte du genre Cullicoïdes. Elle touche les ovins, les bovins, les caprins et d’autres espèces de ruminants.
Elle entraîne une morbidité et une mortalité importantes chez les ruminants domestiques (en particulier chez les ovins). Parmi les signes cliniques rencontrés, les vétérinaires de terrain ont constaté de très gros problèmes de fertilité-fécondité, ainsi qu’une forte diminution temporaire de la quantité de lait produit par les vaches atteintes.
Un des principaux moyens de lutte contre cette maladie est la vaccination. Cependant, la mise sur le marché et l’utilisation d’un vaccin inactivé contre cette maladie ne pourront se faire, au plus tôt, qu’à partir de mi-2008 (la première année, les vaccins (à 100%) et vacations vétérinaires (à 50%) payés par l’Union européenne, le reste (50% des vacations vétérinaires) par le Fonds !
Le 5 novembre dernier, j’ai organisé en mon Cabinet une réunion rassemblant l’ensemble des acteurs du secteur. Depuis lors, mes collaborateurs analysent et tentent de trouver des solutions adaptées aux principales demandes qui ont été formulées.
Conscient que certaines exploitations se trouveront dans l’impossibilité de respecter les obligations réglementaires de maintien d’un nombre minimum d’animaux ou d’un volume de production dans le cadre de règlement comme celui des vaches allaitantes, des quotas laitiers ou des MAE, j’ai chargé sans attendre mon administration d’analyser cette situation particulière et exceptionnelle et de prendre les mesures nécessaires pour tenir compte des cas suivants et éviter les sanctions :
- les exploitations qui bénéficient des primes « vaches allaitantes » et qui ne peuvent justifier un nombre de naissances et donc de veaux enregistrés dans SANITEL (égal ou supérieur à 70% du nombre de vaches allaitantes retenu pour la prime) à la suite des problèmes de fertilité ;
- les exploitations laitières qui ne pourront livrer le minimum requis de quantité de lait par rapport à leur quota laitier à la suite de la réduction de la production laitière ;
- les éleveurs de moutons (Roux ardennais) qui risquent d’éprouver certaines difficultés à remplacer leurs moutons morts suite à cette maladie et à répondre aux exigences des MAE ;
- les éleveurs de bovins engagés dans un programme de conservation des races en voie de disparition et qui ne pourront pas répondre à leurs engagements à la suite de la perte de certains de ces bovins.
Pour assurer une cohérence aux programmes de lutte, j’ai demandé que les dérogations ne soient accordées que pour les producteurs qui ont dûment déclaré la maladie auprès des autorités sanitaires.
Une deuxième demande formulée concernait plus particulièrement les entreprises wallonnes de négoce et de transport d’animaux (leurs activités relèvent plutôt des règles régissant les aides aux TPE et PME). Elles ont été et restent particulièrement touchées par cette épidémie, les frontières des pays du sud de l’Union européenne étant fermées depuis de longues semaines. A ce sujet, des contacts ont été pris avec mon Collègue le Ministre Marcourt, qui analyse actuellement les dossiers sur base des bilans d’entreprises.
Nous examinons également la possibilité d’indemniser les pertes d’animaux (ovins et bovins) sur base d’une aide par « cadavre déclaré » auprès de l’AFSCA, dans les limites des aides « de minimis » dont le plafond était de 3.000 euros par agriculteur sur une durée de trois ans, porté à 6.000 euros à partir de ce 1er janvier 2008. Un plafond de 24 millions d’euros est fixé pour la Belgique et doit encore faire l’objet d’une répartition entre la Flandre et la Wallonie. Il faut savoir, cependant, que le maximum d’aide autorisé intègre aussi d’autres types d’aides, par exemple l’intervention de la Région pour l’enlèvement et la destruction des cadavres d’animaux de ferme. Les montants d’intervention possible sans autorisation préalable de l’Europe sont donc limités.
Enfin, une instruction a été envoyée à mon administration (DGA) afin qu’elle établisse une proposition d’aide, basée sur les crédits de soudure-subvention intérêt, en faveur des exploitations touchées par la F.C.O. Une proposition concrète est attendue pour le mois de janvier.
Les conséquences économiques, pour les exploitations touchées sont, dès à présent, importantes mais ne sont pas facilement chiffrables. Une première estimation prévisionnelle, grossière, a été réalisée par la DGA début 2007 et chiffrait les pertes à près de 30 millions d’euros. Cependant, actuellement, les évaluations sont très difficiles à réaliser. L’impact, qui sera très important (problèmes de fertilité-fécondité, de retour en chaleur), est encore difficilement chiffrable. Si les effets sur la production laitière furent directement visibles et limités dans le temps, les effets sur le taux de naissances viables commencent seulement à se faire sentir. Ces effets sont particulièrement hétérogènes d’une exploitation à l’autre. Ces pertes risquent de peser très lourd dans la balance. Dans 8 à 10 mois, le nombre de bovins mis sur le marché du maigre sera plus faible et les rentrées financières seront réduites. Cette diminution risque toutefois d’être tempérée par une hausse des prix due au déséquilibre entre l’offre et la demande.
J’ai dès lors demandé à mon administration de faire un appel à projet thématique auprès des équipes universitaires spécialisées afin d’estimer :
- quantitativement les pertes économiques directes et indirectes liées à la F.C.O. ;
- le coût-bénéfice d’une vaccination contre la F.C.O. (disponible mi 2008 au plus tôt).
Les propositions ont dû être introduites auprès de la Direction de la Recherche au plus tard le 17 décembre 2007. Dès lors, la DGA fera une évaluation des projets qui auront été introduits et le meilleur projet pourra rapidement être sélectionné afin que l’étude soit lancée dès le mois de janvier 2008. L’appel à projet précisait que la durée de l’étude ne pouvait excéder 12 mois.
Enfin, je demande à la Ministre fédérale de l’Economie, des Indépendants et de l’Agriculture qui est compétente en matière de calamité agricole, de rechercher tous les moyens nécessaires pour faire reconnaître comme calamité agricole par le Gouvernement fédéral les pertes de cheptel dues à la fièvre catarrhale en application de la loi du 12 juillet 1976 relative à la réparation de certains dommages causés à des biens privés par des calamités naturelles. Cette loi précise, en son article 2, § 1er, que « sont retenus comme faits dommageables [indemnisables] … 2°, les phénomènes naturels de caractère ou d’intensité exceptionnels ou l’action massive et imprévisibles d’organismes nuisibles … ainsi que les maladies et intoxications de caractère exceptionnel ayant provoqué, par mortalité ou abattage obligatoire, des pertes importantes et généralisées d’animaux utiles à l’agriculture ».
La situation actuelle répond pleinement à cette définition.