Méthode appliquée pour l'exercice de la tutelle - Suivi différencié donné aux dénonciations anonymes et aux interpellations ou questions parlementaires.
- Session : 2007-2008
- Année : 2008
- N° : 310 (2007-2008) 1
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Question écrite du 23/06/2008
- de CHERON Marcel
- à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique
J'ai déjà eu l'occasion, ainsi que mes collègues, d’interpeller à plusieurs reprises Monsieur le Ministre sur l'état général de la gouvernance en Wallonie et sur les moyens mis ou à mettre en œuvre pour sortir notre Région de cette crise structurelle, notamment au niveau des pouvoirs locaux.
Il apparaît opportun d'examiner de façon approfondie la méthode qui est la vôtre dans l'exercice de la tutelle.
J’ai transmis, ou transmettrai à Monsieur le Ministre, plusieurs questions écrites en la matière et souhaite aborder aujourd'hui, en particulier, les éléments qui fondent le déclenchement d'une enquête administrative dans votre chef.
Lors d'une interpellation de mon collègue en date du 4 mars dernier sur le sujet, Monsieur le Ministre avait répondu que, je cite : « L'attente par rapport à un Ministre de tutelle est qu'il ne joue pas au justicier, qu'il ne représente pas son Parti politique ou encore donne son sentiment. Un Ministre de tutelle se doit d'être impartial et de trancher sur base d'éléments objectifs. Soyez sûr que je resterai impartial. ».
Je ne vais évidemment pas contredire cette déclaration d'intention à laquelle je peux pleinement adhérer.
Je souhaite donc interroger Monsieur le Ministre sur la ligne de conduite qui est la sienne quant aux éléments fondant l'ouverture d'une enquête administrative.
Il appartient à mon sens à un Ministre, et j'espère que Monsieur le Ministre sera d'accord avec moi, d'adopter une méthode proactive, rigoureuse et transparente lorsqu'il s'agit d'exercer son pouvoir de tutelle.
A différentes reprises, Monsieur le Ministre a cependant déclaré ne pas pouvoir/vouloir intervenir aussi longtemps qu’il n'avait pas reçu une plainte ou un recours.
Par ailleurs, il a expliqué avoir déjà mobilisé ses services pour le suivi de dénonciations, qu'elles soient signées, voire même anonymes.
Monsieur le Ministre peut-il me confirmer que toutes les dénonciations anonymes font l'objet d'un suivi par vos services ? Dans la négative, pouvez-vous me préciser quels sont les critères qui président à l'ouverture d'une investigation ?
L'instruction de dénonciations anonymes a quelque chose de surprenant au premier abord. En même temps, il est vrai qu'un certain nombre de situations ne permettent sans doute pas à des témoins de tels agissements problématiques ou de telles pratiques illégales de s'exprimer de façon libre, par exemple en cas de position subordonnée à la personne qui se livrerait à cet agissement ou à cette pratique.
Il est surtout un autre élément plus encore surprenant : C'est d’entendre Monsieur le Ministre dire qu'une plainte, fut-elle anonyme, est nécessaire pour qu’il déclenche l'ouverture d'une enquête administrative. Cela signifie donc qu'une intervention parlementaire, ou même un article de presse étayé par exemple, suscite chez Monsieur le Ministre un zèle moins grand qu'une dénonciation anonyme. Il avouera que c'est pour le moins paradoxal. Peut-il expliquer ce paradoxe ?
Monsieur le Ministre peut-il par ailleurs confirmer que, par voie de conséquence, il ne décide jamais l'ouverture d'une enquête administrative en dehors d'une plainte, c'est-à-dire de manière proactive ?
Ne considère-t-il pas, vu l'ampleur et le nombre des dossiers en cours et déjà évoqués en cette enceinte, que l'exercice de la tutelle devrait en tout état de cause se faire de manière systématique et davantage proactive ?
Réponse du 26/06/2008
La question posée par l’honorable Membre relative à la méthode appliquée pour l’exercice de la tutelle et au suivi différencié donné aux dénonciations anonymes et aux interpellations ou questions parlementaires a retenu ma meilleure attention.
La première question de l’honorable Membre porte sur le traitement des dénonciations anonymes. Je me permets de rappeler à l’honorable Membre à cet égard la réponse que j’ai donnée en son temps à la question de Madame Cornet relative à l’exercice de la tutelle et le suivi des enquêtes administratives.
Pour chaque affaire, pour chaque dénonciation, j'adresse tout document que je reçois à mon administration et/ou au Procureur du Roi territorialement compétent. Je ne veux en effet à aucun prix prendre le risque de soustraire au traitement de la tutelle administrative et de la justice le moindre élément qui aurait mérité de l'être. Systématiquement j'assure la transmission de ces documents.
Mon administration instruit les dossiers essentiellement à partir de la notion de contrôle de légalité des actes ou des procédures. Rien de répréhensible à cet égard l’honorable Membre en conviendra, il s’agit de la simple application du décret tutelle.
Je rappelle toutefois que l’administration ne dispose pas des moyens d’investigations du pouvoir judiciaire et c’est heureux.
Le rôle de chacun est clairement défini et différent. Dans ce contexte, la qualification pénale des faits dévoilés dans le cadre d’une enquête administrative n’est pas toujours évidente et il appartient au pouvoir judiciaire d’apprécier.
Sur plusieurs dossiers, mon administration m'a fait parvenir des conclusions proposant parfois le classement d'un dossier qui, après enquête, paraissait infondé. A plusieurs reprises, par contre, l’administration m'a soumis la proposition de poursuivre ses démarches, en demandant, par exemple, des informations complémentaires aux instances visées par les dénonciations ou réclamations dont j’avais été saisi.
Que l’honorable Membre soit donc rassuré quant au traitement des dénonciations qui me sont transmises.
A de nombreuses reprises les Membres de la Commission des Affaires intérieures m’ont interrogé sur le suivi de tel ou tel dossier. J’ai, chaque fois, exposé ce qui l’en était.
Je poursuivrai dans cette voie, mais pas dans celle qui consisterait à entretenir sans cesse la suspicion ou un sentiment que tout est mauvaise gouvernance en Région wallonne.
Quand des problèmes se posent, on les règles sans en faire un roman.
Hormis les actes soumis à la tutelle générale d’annulation à transmission obligatoire et à la tutelle spéciale d’approbation, il est exact que l’instruction des dossiers est le plus souvent actionnée sur la base de réclamations. Telle était bien la philosophie qui a présidé à la confection des décrets organisant la tutelle depuis que cette matière est régionalisée.
En effet, il ne m’appartient pas de me substituer aux réclamants. Tel n’est pas non plus le rôle de mon administration.
Le législateur a entendu fixer les contours de l’exercice de la tutelle, et nous venons de le faire récemment, la Région n’entend pas soumettre les pouvoirs locaux à un monitoring constant et absolu et sous toutes les formes.
Les modalités d’exercice de la tutelle ont été longuement exposées et débattues à l’occasion des travaux parlementaires le projet de décret portant réforme de la tutelle.
Je renvoie l’honorable Membre aux documents parlementaires.
Je ne suis pas partisan d’une tutelle qui s’exerce sur la moindre information diffusée par un tiers intéressé ou non ou à travers la presse.
Comme l’honorable Membre le souligne, et d’autres m’en ont fait état avant lui, il n’est pas sans étonner, qu’une autorité de tutelle puisse systématiquement donner du crédit à des dénonciations anonymes au risque de perdre de sa substance.
Je sais, bien sûr, que l’anonymat est parfois la seule alternative pour dénoncer des faits. Je crois aussi que les situations dénoncées relèvent très souvent des autorités judiciaires et non administratives.
Je le répète encore une fois, la tutelle n’est pas le pouvoir judiciaire. Toute plainte, même anonyme, adressée à l’autorité de tutelle n’est pas pour autant de sa compétence.
Il n’est pas sain de faire croire que l’autorité de tutelle peut connaître de tous les litiges.
Cela étant, je me permets de rappeler à l’honorable Membre que je ne reste pas sourd aux interpellations, notamment de celles émanant des Parlementaires.
Ainsi, encore récemment, j’ai donné suite à une interpellation de votre Collègue, Madame Dethier-Neumann, sur un problème rencontré dans une Commune alors qu’aucun recours ne m’avait été transmis.
S’agissant de renseignements d’ordre statistique concernant les dossiers de tutelle depuis le début de la législature, je me permettrai de renvoyer l’honorable Membre aux précédents rapports annuels de tutelle.
S’agissant des dossiers de nature disciplinaire, j’ai déjà indiqué qu’il n’était pas dans mes intentions de médiatiser des dossiers à l’instruction.
Je ne jetterai pas en pâture l’identité de mandataires dont le bénéfice de la présomption d’innocence est pour moi une valeur essentielle dans notre démocratie au-delà d’une règle de droit.