Le nouveau Code du patrimoine et la protection des biens classés
- Session : 2015-2016
- Année : 2016
- N° : 1010 (2015-2016) 1
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Question écrite du 13/05/2016
- de KNAEPEN Philippe
- à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine
3 957 biens sont classés en Wallonie, ce qui représente un patrimoine particulièrement riche. Un quart de ces biens, au minimum, nécessite une intervention d’entretien ou de restauration. Dans certains cas, cette intervention est d’une extrême urgence, sous peine de perdre définitivement le bien détérioré. Nous pensons notamment au cas de l’Amicale Solvay dans l’entité de Charleroi, dont nous savons que Monsieur le Ministre est parfaitement au fait. Cependant, ce précieux vestige de l’ère industrielle carolorégienne n’est pas le seul en phase de devenir irrécupérable.
Conscients de la législation existante, tant au niveau des fiches d’état que des mesures possibles et existantes en la matière (allant de l’avertissement, à l’injonction de conscientisation, jusqu’à l’expropriation d’utilité publique), nous sommes toutefois dubitatifs quant à la législation en place, longue et lourde, d’autant plus quand la collaboration du propriétaire fait défaut.
Monsieur le Ministre a évoqué, en ce début d’année, une législation en la matière qui serait reformulée et renforcée pour permettre une action plus efficace de la part des acteurs du paysage structurel du patrimoine. Cette nouvelle législation serait en cours d’écriture en vue de figurer dans le nouveau Code du patrimoine.
Sous quelle forme envisage-t-il ce renforcement ?
Prévoit-il une mesure d’urgence, ne nécessitant pas, comme c’est le cas aujourd’hui, plus de dix ans pour intervenir (dans les cas de biens classés privés à tout le moins) ?
Envisage-t-il une liberté communale plus grande, permettant au niveau local d’intervenir plus efficacement afin de conserver un patrimoine précieux ?
La rédaction du nouveau Code du patrimoine ne sera clôturée, dans le meilleur des cas, que fin 2016. A-t-il prévu une mesure transitoire ou d’urgence qui permettrait d’intervenir si l’état d’un bien le nécessitait ?
Enfin, le droit à l’expropriation, mesure extrême, mais parfois nécessaire, n’a, selon nos informations, encore jamais été invoqué. Si cela a certainement un lien avec la difficulté de mesurer l’urgence collective face au droit à la propriété, le nouveau Code du patrimoine tiendra-t-il compte de cette donnée afin de faciliter l’application d’une expropriation, si elle s’avère nécessaire ?
Réponse du 30/05/2016
Sur le plan purement normatif, le classement d’un bien immobilier au titre de monument constitue avant tout une mesure de protection. La présence d’éléments relevants du patrimoine (un bien étant rarement entièrement classé : extérieur et intérieur) doit donc être respectée en cas de demande de permis d’urbanisme de modification, d’agrandissement voire de démolition totale ou partielle du bien concerné.
Deux autres dimensions sont liées au classement d’un bien au titre de patrimoine. D’une part, ce statut spécifique implique qu’il est fait obligation au propriétaire, vis-à-vis de la collectivité, de respecter son bien, c’est-à-dire qu’il a le devoir de le maintenir en bon état de conservation pour le transmettre aux générations futures. D’autre part, la Région est, par son intervention financière en cas de travaux d’entretien ou de restauration, en quelque sorte coresponsable du maintien des conditions qui ont justifié le classement de ce bien.
Encore faut-il que le propriétaire initie la démarche, non seulement vis-à-vis de son propre bien, mais également quant à solliciter la Région pour le conseiller et le soutenir.
Ce n’est qu’en cas d’une carence manifeste, délibérée et continue du propriétaire qui pourrait conduire à la perte irrémédiable du bien classé que la législation organise le recours à l’expropriation de ce dernier. Cette disposition est une démarche ultime, le but d’un classement n’étant pas de voir systématiquement les biens classés devenir propriété de la Région.
À cet égard, les modifications législatives telles que je les envisage visent non pas à maintenir des procédures longues, qui pourraient même paradoxalement se révéler préjudiciables au maintien en bon état du bien lui-même, mais à asseoir davantage les interventions d’entretien ainsi que les projets qui assurent à un bien classé son avenir, quitte à lui faire abriter des fonctions autres que celles qui étaient à l’origine de sa construction.
Cette orientation me conduit à une remobilisation de la structure administrative et des moyens budgétaires disponibles non plus à se consacrer aux seules restaurations complètes, longues à élaborer et coûteuses à mettre en œuvre, mais bien à ce que chaque bien classé puisse être suivi et être entretenu notamment par des opérations dites de « maintenance ». Il s’agit de lui porter une attention soutenue, de ne pas hésiter à en évaluer l’état physique et le statut afin que ce bien puisse évoluer dans le temps en fonction des besoins de notre société qu’il pourrait contribuer à rencontrer.
Dans ce cadre, le rôle des communes reste aujourd’hui très important, notamment dans les processus de délivrance de permis visant des biens partiellement classés. La concertation avec les experts de l’Administration régionale peut certainement encore être optimisée vu la spécificité des problématiques rencontrées en la matière et la nécessaire liaison à opérer avec les matières urbanistiques.
Enfin, il n’y a pas lieu d’envisager des mesures transitoires puisque le Livre III du CWATUP est et restera d’actualité tant que le nouveau Code du patrimoine ne sera pas opérationnel.