La grande misère des travaux d'infrastructures en Wallonie
- Session : 2015-2016
- Année : 2016
- N° : 1042 (2015-2016) 1
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Question écrite du 20/05/2016
- de NICAISE Marie-Françoise
- à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine
Depuis trois ans, l’ADEB, Association des entrepreneurs belges de grands travaux, interroge les grandes entreprises de construction du pays sur leur moral. Ce qui ressort de ce baromètre est plutôt alarmant puisqu’il constate qu’en quatre ans, les investissements dans les grands travaux ont chuté de 32 %.
Les exemples de l’état dramatique des infrastructures sont nombreux : tunnels, routes défoncées, bretelles d’autoroutes fermées, RER ou encore tram. En 10 ans, la Belgique est passée de 10e à 20e mondiale en terme de qualité des infrastructures publiques. Il semblerait, de plus, que les travaux d’entretien ne soient même pas assurés en temps et en heure. Cela est plutôt inquiétant !
En cause, d’après l’ADEB, un manque de vision politique, un manque de courage, trop de dépenses courantes, une vision à court terme et une politique du moins-disant trop systématique.
Face à ce constat, l’ADEB pointe cinq mesures urgentes afin de redresser la situation : construire une vraie politique d’investissement sur le long terme visant à améliorer le bien-être des citoyens et la relance économique ; faire appel au secteur privé ; veiller à l’entretien systématique des infrastructures sans arbitrage budgétaire ; revoir les procédures et critères d’attribution des marchés publics en veillant à privilégier, non plus le prix le plus bas, mais un dialogue compétitif et des procédures négociées ; réaliser un tax-shift pour le secteur de la construction dans le but de réduire le « gap » entre la Belgique et les autres pays en matière de coût horaire, et ce pour réduire le dumping social qui tue le secteur à petit feu.
Ce baromètre et les mesures qui l’accompagnent dressent un bilan inquiétant des infrastructures publiques en Wallonie. Le fait qu’il traduise l’inquiétude d’acteurs expérimentés issus du terrain le rend d’autant plus crédible à mes yeux. Qu’envisage la Wallonie pour redresser la barre et rattraper le retard accumulé ces 10 dernières années ? N’est-il pas de la compétence de Monsieur le Ministre d’assurer une meilleure gouvernance en matière de travaux publics ?
Concrètement, des actions sont-elles en place ? Monsieur le Ministre compte-t-il s'inspirer des cinq mesures présentées par l’ADEB ?
Réponse du 08/06/2016
De manière générale, je trouve l'honorable membre sévère dans son jugement.
À titre d’exemple et non des moindres, le Plan Infrastructures 2016-2019 que j’ai présenté en janvier de cette année est la meilleure preuve de ce qui doit être fait pour les infrastructures, ce que reconnait l’ADEB elle-même.
En effet, ce Plan à 640 millions d’euros est le plus gros investissement jamais réalisé sur les infrastructures (auto)routières et fluviales wallonnes. En outre, je rappelle que l’ensemble des dossiers repris dans ce Plan Infrastructures est prévu sur une période de 2016 à 2019, et ce afin d’éviter justement une vision à trop court terme que l’ADEB dénonçait. La préparation de ce plan réalisée sur l’ensemble de l’année 2015 a permis par ailleurs d’objectiver les choix et prioriser les dossiers retenus en fonction des budgets disponibles
Je précise également que des échanges ont déjà eu lieu avec cette Association des entrepreneurs belges et, à leur grande satisfaction, une présentation du Plan Infrastructures 2016-2019 leur a d’ailleurs été faite ce 26 février dernier.
Je rappelle également que chaque Direction territoriale de mon Administration possède des budgets d’entretien annuels qu’ils affectent en fonction des travaux d’entretien requis et des urgences rencontrées.
Ensuite, il est opportun de préciser que j’ai pris la décision de réserver un montant budgétaire de 10 millions d’euros en vue de lancer un accord-cadre pour confier au secteur privé des études techniques de plusieurs dossiers du Plan Infrastructures. Actuellement, tous les soumissionnaires ont remis leurs offres et celles-ci sont à l’étude.
Enfin, concernant le dumping social et le tax-shift, ces matières ne dépendent pas directement de mon ressort. Toutefois, des réunions de travail entre mon Cabinet et celui de Monsieur le Ministre fédéral BORSUS ont déjà eu lieu en vue d’aborder le sujet du dumping social le plus efficacement possible. Diverses réflexions sont également déjà en cours et d’autres sont en cours d’implémentation en matière de marché public pour lutter contre les prix bas remis par certains soumissionnaires.
Des mesures spécifiques pour lutter contre le dumping social ont déjà été approuvées par le Gouvernement depuis le mois d’avril dernier, notamment au travers d’une note présentant un guide pratique pour les marchés publics de travaux.
Ce guide propose trois outils pratiques, indissociables, qui peuvent être intégrés dans les cahiers spéciaux des charges de travaux des pouvoirs adjudicateurs qui souhaitent lutter contre le dumping social, à savoir :
* des extraits de clauses à copier/coller dans les différentes parties du cahier spécial des charges : ces extraits abordent les thématiques de la sous-traitance, la langue, le logement, les clauses sociales, les pénalités, etc. qui, ensemble, permettent de contribuer à promouvoir une concurrence loyale et lutter contre le dumping social ;
* un acte d’engagement du pouvoir adjudicateur pour promouvoir une concurrence loyale et lutter contre le dumping social : cet acte constitue une annexe du cahier spécial des charges et précise les engagements qu’un pouvoir adjudicateur prend pour lutter contre le dumping social. Il est présenté sous forme de « liste » des actions à mener aux différents stades du marché ;
* une déclaration des entrepreneurs pour une concurrence loyale et contre le dumping social : cette déclaration constitue également une annexe du cahier spécial des charges et doit être signée par tout entrepreneur participant au marché (adjudicataire et sous-traitants). Elle rappelle les principales dispositions à respecter en matière de conditions de travail, de rémunération et d’emploi.
Comme l'honorable membre peut le voir, le panel d’actions est assez large et une bonne gouvernance est, de l’aveu général, mise en place dans la gestion des infrastructures régionales en Wallonie.