L'article L1123-30 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation
- Session : 2017-2018
- Année : 2017
- N° : 156 (2017-2018) 1
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Question écrite du 19/12/2017
- de LECERF Patrick
- à DE BUE Valérie, Ministre des Pouvoirs locaux, du Logement et des Infrastructures sportives
Dans les années 1990, Laurette Onkelinx, Ministre fédérale de l'Intégration sociale, de la Santé publique et de l'Environnement, a mis en place la possibilité de réquisitionner des immeubles manifestement inoccupés et non affectés à une activité appartenant tant à des personnes privées que relevant du domaine privé d’un pouvoir public pour reloger des sans-abris.
Cette disposition est contenue dans l’article L1123-30 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation et s’inscrit comme suit : « Sur requête motivée du président du conseil de l'action sociale, le bourgmestre dispose à partir de la mise en demeure du propriétaire d'un droit de réquisition de tout immeuble abandonné depuis plus de six mois, afin de le mettre à la disposition de personnes sans abri. Le droit de réquisition ne peut s'exercer que dans un délai de six mois prenant cours à dater de l'avertissement adressé par le bourgmestre au propriétaire et moyennant un juste dédommagement. (…) ».
Le succès de cette mesure a-t-il été évalué ? Dans l’affirmative qu’en ressort-il ?
Madame la Ministre peut-elle m’indiquer pour 2014, 2015 et 2016 combien d’immeubles manifestement inoccupés et non affectés à une activité ont été réquisitionnés pour reloger des sans-abris ? À combien se sont élevés les dédommagements versés aux propriétaires qui ont vu leurs immeubles réquisitionnés ?
De manière générale, peut-elle m’indiquer sur quels critères de sélection les présidents de CPAS se sont-ils appuyés pour choisir les immeubles destinés à reloger les sans-abris ?
Réponse du 11/01/2018
Le mécanisme de réquisition prévu à l’article L1123-30 du CDLD n’a pas connu le succès.
La seule expérience de « réquisition » connue est celle menée par la Ville de Philippeville il y a juste 20 ans, dans le cadre de la loi du 12 janvier 1993 contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire.
Ces dispositions en matière de réquisition constituent un outil dont peuvent se saisir les villes et communes. Je ne peux que constater qu’elles n’en font pas usage. Les freins à l’utilisation de ce mécanisme ont déjà été largement commentés.
Le premier tient au fait que la réquisition ne peut être engagée que si la commune et/ou le CPAS ne sont pas eux-mêmes propriétaires d’immeubles inoccupés pouvant être affectés au logement sans gros travaux.
Or il est rare que des pouvoirs locaux ne possèdent pas au moins un bâtiment inoccupé, ne fût-ce qu’à titre temporaire.
C’est un obstacle qui ne me semble pas insurmontable, mais force est de constater qu’il exerce un effet repoussoir sur les bourgmestres, qui craignent sans doute que le propriétaire concerné par une procédure de réquisition puisse trouver là argument à contestation dans le cadre d’une procédure judiciaire.
J’attends des villes et communes qu’elles puissent ne pas prêter le flanc à la critique en matière d’inoccupation, et qu’elles veillent à ce que l’ensemble de leurs bâtiments soit utilisé ou fasse à tout le moins l’objet d’un projet d’affectation à moyen terme.
En admettant qu’un pouvoir local ne soit propriétaire d’aucun immeuble inoccupé, il s’agit alors pour lui de trouver des immeubles vides, dans le parc privé, qui puissent être occupés moyennant peu de frais. Les villes et communes ne disposent en effet généralement pas de moyens importants à investir dans un bien ne leur appartenant pas, avec tous les aléas que comporte en outre la récupération de la mise.
Or, les immeubles vides nécessitent le plus souvent d’importants travaux de remise en état, qu’il faut pouvoir financer : tel est le second obstacle.
Le Code wallon du Logement et de l’Habitat durable prévoit, en ses articles 80 et suivants, un mécanisme de « réquisition douce » qui lui non plus n’a jamais connu de réel succès.
Il avait pourtant été mis en place afin d’éviter les obstacles relevés dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de 1993.
La dernière modification du Code vient en outre de lui adjoindre un mécanisme de « prise en gestion unilatérale ». Nul ne peut préjuger de l’éventuel succès de cette nouvelle disposition.
Mon opinion est néanmoins que si de tels mécanismes peuvent être efficaces dans le cadre d’opérations ponctuelles et ciblées, ils ne semblent pas être appelés à devenir des instruments permettant de remettre en nombre des logements inoccupés sur le marché.
Le principal instrument de lutte contre l’inoccupation reste la taxe communale sur les immeubles inoccupés.
Chaque ville et commune a l’opportunité de mettre en œuvre cet outil avec toute la rigueur voulue.
La récente modification du Code du Logement a également instauré une infraction administrative relative au maintien en état d’inoccupation. Sa mise en œuvre pratique doit encore être étudiée.
Il m’apparaît toutefois que la politique du bâton n’est jamais suffisante à elle seule. Il faut surtout créer un contexte porteur à la réoccupation des logements vides et propices à l’investissement.
À cet égard, je me dois de rappeler l’action menée en termes d’avances et de subventions aux propriétaires qui donnent en gestion leur bien, jusque-là inoccupé, à une agence immobilière sociale ou une association de promotion du logement.
En 10 ans, plus de 700 logements ont ainsi pu être remis sur le marché.
Je constate aussi que les garanties et avantages qu’offrent les agences immobilières sociales conduisent certains propriétaires à investir dans l’achat de logements vides, à les remettre en état, sur leurs fonds propres et sans aide, pour les donner ensuite en gestion à ces opérateurs.
Il s’agit là d’un axe de la politique de remise sur le marché qui fonctionne avec succès, et mon intention est donc de le consolider et de l’amplifier, notamment en termes d’accessibilité des loyers demandés.