Le remboursement du précompte immobilier indu
- Session : 2017-2018
- Année : 2018
- N° : 293 (2017-2018) 1
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Question écrite du 06/06/2018
- de TZANETATOS Nicolas
- à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget, des Finances, de l'Energie, du Climat et des Aéroports
En Région wallonne, en matière de précompte immobilier indu, la règle veut qu’on puisse faire valoir le vide locatif dès le mois qui suit sa survenance - et avec une rétroactivité de 5 ans maximum - pour autant que ce vide soit effectif 180 jours au moins pour l'année concernée.
Sans remettre en cause la règle établie, de nombreuses sociétés se plaignent de la difficulté rencontrée liée au processus administratif mis en place au niveau de l’administration wallonne qui pose en effet question.
À titre d’exemple, le Brabant wallon est géré administrativement depuis Charleroi. Or, en cas de demande de cadastre, l’administration doit revenir vers la Commune du Brabant wallon pour obtenir les informations nécessaires qui doit lui-même faire valider ses calculs par un service basé à Bruxelles et ce, sans compter que les intérêts sont ensuite calculés par un service basé à Liège. D’après certaines sociétés, la durée de réclamation peut prendre en moyenne 18 mois. Ce délai est d’autant plus interpellant lorsque l’on compare cette situation avec le traitement réservé en Région flamande pour le même type d’indu. Là, le délai serait en moyenne de 90 jours.
Monsieur le Ministre partage-t-il l’analyse faite par ces sociétés quant à l’inefficacité du modèle opérationnel mis en place jusqu’à maintenant par l’administration ?
Existe-t-il selon lui d’autres raisons qui pourraient expliquer cette différence de délai de traitement entre la Flandre et la Wallonie ?
Envisage-t-il de revoir le processus opérationnel afin d’améliorer les délais de traitement de l’administration pour ce type d’indu ?
Réponse du 03/07/2018
La question posée est donc la suivante : « en matière de précompte immobilier indu, la règle veut que l’on puisse faire valoir le vide locatif dès le mois qui suit sa survenance - et avec une rétroactivité de cinq ans maximum - pour autant que ce vide soit effectif 180 jours au moins pour l’année concernée ».
La situation décrite fait référence à la notion d’exonération du précompte immobilier pour cause d’inoccupation et d’improductivité telle que visée à l’article 257, alinéa 1er, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR92).
Dans ce cadre, à tire liminaire et sans entrer dans tous les détails de la matière, il m’apparaît opportun de rappeler ici les conditions d’application d’une telle exonération et les exigences légales requises en vue d’obtenir gain de cause dans le cadre d’une réclamation fiscale introduite par le contribuable.
L’article 257, alinéa 1er, 4° du CIR92 prévoit une remise ou une modération du précompte immobilier pour cause d’inoccupation et d’improductivité si les conditions suivantes sont réunies :
1. Une demande portant sur un immeuble bâti, non meublé.
La remise ou la modération du précompte immobilier ne s’applique qu’aux immeubles bâtis non meublés en ce compris les immeubles à usage industriel, commercial ou artisanal.
2. Un immeuble resté inoccupé et improductif pendant au moins 180 jours dans le courant de l’année.
3. Une période d’inoccupation ne dépassant pas 12 mois, compte tenu de l’année d’imposition précédente.
Principe :
À partir du moment où il n'a plus été fait usage du bien depuis plus de 12 mois, compte tenu de l'année d'imposition précédente, le bénéfice de la remise ou de la réduction proportionnelle du précompte immobilier de l’immeuble ne peut plus être accordé dans la mesure où la période d’inoccupation dépasse 12 mois.
Autrement dit, si la durée de l'improductivité dépasse 12 mois, il n'est plus accordé de réduction ou de remise au-delà de ce terme.
Dans le cas d’une inoccupation dépassant un an, à cheval sur deux années, la réduction pourra être appliquée la première année où l’inoccupation est, par exemple, de 182 jours, et la réduction pourra également être appliquée l’année suivante, mais alors seulement à concurrence du solde de 183 jours admissibles de l’inoccupation totale dépassant un an.
Exceptions :
La limitation de 12 mois ne joue pas dans le cas d’un immeuble dont le contribuable ne peut exercer les droits réels pour cause :
- de calamité ;
- de force majeure : une circonstance indépendante de la volonté humaine que celle-ci n'a pu ni prévoir ni conjurer ;
- d’une procédure ou d’une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l’immeuble ;
jusqu’au jour où disparaissent ces circonstances entravant la jouissance libre de l’immeuble.
Pour bénéficier de ces exceptions, le redevable du précompte immobilier doit apporter une double preuve :
- d’abord, il doit prouver qu’il n’a pas pu exercer ses droits réels ;
- ensuite, que l’impossibilité d’exercer ses droits réels résulte soit d’une cause de calamité, soit de force majeure ou soit d’une procédure ou d’une enquête administrative ou judiciaire.
Il ne s'agit nullement d'une liste exemplative, mais d'une liste exhaustive et limitative.
La preuve de l’existence de l’exception incombe au redevable qui sollicite l’exonération d’impôt.
4. Caractère involontaire de l’improductivité.
L'improductivité doit revêtir un caractère involontaire et il incombe au propriétaire d’en rapporter la preuve.
À cet égard, le législateur wallon a légalement posé le principe en vertu duquel la seule preuve de la mise en location d'un immeuble et/ou de son offre en vente ne peut être considérée comme suffisante pour que soit démontré le caractère involontaire de l'improductivité. Autrement dit, le caractère involontaire de l'improductivité ne sera plus établi si le propriétaire se contente de mettre son bien en location ou en vente.
D’un point de vue pratique, outre la procédure d’instruction du litige administratif qui requiert souvent un certain temps compte tenu du fait que les éléments de preuve doivent être apportés par le redevable et que l’administration doit évidemment prendre le temps d’examiner ces éléments, je rappellerai que la compétence de gestion du précompte immobilier appartient toujours au SPF Finances qui en assure gratuitement le service au nom et pour le compte de la Région wallonne.
Dans ce cadre, ce sont évidemment les règles fédérales de procédure et d’organisation qui s’appliquent et la Région wallonne ne dispose d’aucun droit de regard sur la façon dont le SPF Finances organise le service de l’impôt.
Il ne lui appartient dès lors pas de « partager une analyse sur l’inefficacité du modèle opérationnel mis en place jusqu’à maintenant par l’administration » fiscale fédérale.
Quant à la comparaison avec la gestion flamande, elle ne me paraît pas opportune pour deux raisons au moins :
- les règles applicables en matière d’inoccupation et d’improductivité ne sont pas complètement identiques ;
- la Région flamande a repris le service du précompte immobilier qu’elle gère pour son propre compte depuis 1999 et a dès lors développé une méthode de gestion et d’organisation qui n’est plus, depuis longtemps, celle du SPF Finances.
L’honorable membre comprendra donc qu’il ne m’appartient pas de comparer « des pommes et des poires » et encore moins d’en tirer une quelconque conséquence ou critique.
Ce que je puis par contre lui dire, c’est que le Gouvernement wallon a officiellement notifié au Gouvernement fédéral son intention de reprendre le service du précompte immobilier à partir du 1er janvier 2020.
Dans cette perspective, tout est aujourd’hui mis en œuvre au sein des différentes administrations concernées par ce transfert pour que cette reprise puisse intervenir dans les meilleures conditions et à législation constante afin de garantir une sécurité juridique certaine. La matière est complexe et les processus IT exigent une réelle stabilité légistique pendant cette période de transfert.
Une gestion efficace des dossiers de réclamation en matière d’improductivité - et dans le domaine du contentieux en général - fera évidemment partie des questions sur lesquelles l’administration fiscale wallonne devra porter son attention, au même titre d’ailleurs qu’attention et efficacité devront caractériser la gestion des étapes génériques de l’établissement, de l’enrôlement et du recouvrement du précompte immobilier.