Les risques de pollution liés à la biométhanisation agricole
- Session : 2018-2019
- Année : 2019
- N° : 639 (2018-2019) 1
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Question écrite du 06/03/2019
- de KNAEPEN Philippe
- à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de la Transition écologique, de l'Aménagement du Territoire, des Travaux publics, de la Mobilité, des Transports, du Bien-être animal et des Zonings
Un article du journal Le Monde daté du 29 janvier fait état de sérieuses craintes quant à l’épandage de digestat sur les terres agricoles. En effet, le digestat, obtenu à partir de déchets agro-industriels et résidu du processus de méthanisation (qui contient des métaux lourds), présenterait des risques non négligeables en milieu calcaire.
Dans son article, Le Monde met en avant des problèmes rencontrés par les agriculteurs et les citoyens allant de l’odeur nauséabonde et très incommodante à la mort de milliers d’abeilles et vers de terre. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s’est notamment penchée sur la question et émet également quelques réserves quant à cette pratique : « Nous ne sommes pas contre la méthanisation, mais contre l’épandage du digestat brut liquide, alors qu’une autre option, le compostage, certes plus onéreux, existait. (…) C’est une catastrophe écologique pour les sols karstiques [calcaires] très fissurés. Il s’infiltre facilement et va polluer les eaux souterraines et contaminer nos captages d’eau potable, déjà régulièrement souillés par les effluents de l’agriculture intensive. »
Monsieur le Ministre est-il au fait de ces risques ?
Des situations similaires ont-elles été rencontrées/constatées en Wallonie ?
Des études ont-elles été menées sur le sujet, et plus particulièrement en milieu calcaire ?
Dans l’affirmative, qu’en ressort-il ?
Des précautions particulières ont-elles été ou vont-elles être prises ?
Réponse du 28/03/2019
L’article cité fait référence à la situation française. Il existe en Région wallonne un cadre législatif strict, les digestats épandus sur les terres agricoles font l’objet d’un contrôle par lot. Les teneurs en métaux lourds et hydrocarbures sont notamment analysées. Les seuils de tolérance sont de l’ordre du milligramme par kilo (ppm), ce qui veut dire que les teneurs réelles sont souvent bien inférieures à ces seuils.
Aucune mortalité particulière d’abeille n’a été rapportée à l’administration suite à des épandages.
Concernant les odeurs, afin de limiter les nuisances au maximum, la réglementation interdit tout épandage de fertilisant à action rapide sur terre nue, s’il n’est pas incorporé au sol le jour même de son application.
Concernant la qualité de l’eau, un programme de surveillance de l’état des masses d’eau souterraine est mis en œuvre en application de la directive-cadre sur l’eau. Il est basé sur un réseau qui permet une évaluation cohérente et complète de l’état du patrimoine et des ressources hydriques.
Dans les milieux « calcaires » ou karstiques, pour tenir compte de l’hétérogénéité des écoulements de l’eau souterraine, l’emplacement et la fréquence d’analyse des stations sont adaptés.
Ce réseau dit "des émergences" est constitué de stations automatiques mises en place sur deux masses d'eau (RWM021-calcaires et grès du Condroz et RWM023-calcaires et grès de la Calestienne), avec des stations implantées sur des sources karstiques importantes non captées.
Par ailleurs, le milieu karstique wallon fait l’objet d’une attention particulière par la Commission wallonne d'Étude et de Protection des Sites souterrains (CWEPSS), une ASBL dont le but est de protéger l'environnement karstique et souterrain qui bénéficie d’un soutien public et qui assure la réalisation de l’atlas du karst de Wallonie.
Malgré ce suivi, il faut rester attentif aux nouveaux polluants et nouvelles problématiques qui apparaissent.
Fin 2018, une étude nommée « Microplastsoil » a été confiée à l’Université de Liège (Gembloux-Agrobiotech) pour se pencher sur l’identification et la quantification des microplastiques dans les sols, dans le contexte du recyclage des produits résiduaires organiques en agriculture. Elle est actuellement en cours et s’achèvera fin 2019.
Cette étude permettra à terme d’évaluer si des modifications du cadre réglementaire sont nécessaires.