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Les risques sismiques liés au développement de la géothermie

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 180 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 07/01/2021
    • de LENZINI Mauro
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    De plus en plus de projets générant de l'électricité par la géothermie (énergie non polluante et renouvelable) voient le jour en Europe. La géothermie est un vrai levier de développement énergétique avec un potentiel qui est encore assez peu exploité dans notre pays, même s'il existe divers projets à l'étude en Wallonie.

    La presse se faisait l'écho que, à la suite de divers incidents sismiques (une dizaine depuis novembre 2019) et au nom du principe de précaution, la France abandonnait le projet de centrale Géoven, l'un de ses projets emblématiques de géothermie profonde au nord de Strasbourg, dans une zone urbanisée.

    L'arrêt définitif de Géoven représente un frein non négligeable au projet « 100 % énergie renouvelable en 2050 » affiché par la municipalité strasbourgeoise. Certains craignent même que cet échec ne remette en cause l'ensemble des projets en cours en France.

    Monsieur le Ministre peut-il faire le point sur les différentes études en cours en Wallonie sur cette technologie innovante ?

    Les risques de tremblements de terre y sont-ils étudiés et pris en compte ? Certains incidents sismiques liés à des projets géothermiques ont-ils déjà été constatés dans notre région ? D'autres formes de risques ont-elles déjà pu être constatées dans ces différentes études ?

    Lors d'une de mes précédentes questions parlementaires, Monsieur le Ministre avait annoncé demander à son administration une actualisation des données relatives aux aléas sismiques en Wallonie. Peut-il faire le point à ce sujet ?

    En effet, certaines de nos provinces (Liège et le Hainaut) sont plus exposées aux aléas sismiques que d'autres, alors même que des projets de géothermie s'envisagent notamment dans ces provinces puisque d'anciens bassins miniers sont concernés.

    Des études en lien avec le développement de cette technologie nouvelle que constitue la géothermie sont-elles envisagées au sein du Gouvernement et en particulier avec son collègue en charge de l'Énergie ?
  • Réponse du 29/01/2021
    • de BORSUS Willy
    Je souhaite dans un premier temps définir ce que l’on entend par risque sismique. Le risque sismique visé tant par l’Eurocode 8 que par les normes NBN qui en découlent est lié à des statistiques établies sur la base de séismes d’origine naturelle, essentiellement d’origine tectonique, et à des contraintes géotechniques induites par l’accélération liée à la magnitude des séismes concernés.

    Ces normes ne s’appliquent donc pas aux séismes trouvant leur origine dans des phénomènes induits par tel ou tel projet, telle ou telle activité.

    À défaut d’autres normes applicables à ces activités, je pense plus particulièrement aux tirs de mines en carrière, ce sont les normes NBN qui sont utilisées à titre de référence sans qu’elles ne disposent d’aucune obligation légale à l’échelle du territoire wallon.

    Quant aux séismes induits par la géothermie, le principe de base, à savoir la circulation d’un fluide, n’induit en principe aucun « départ » de « matériaux » du sous-sol. Il n’est donc pas susceptible d’induire un quelconque mouvement.

    Il en irait tout autrement si ladite géothermie impliquait un pompage, y compris profond, avec rejets en eau de surface plus particulièrement dans des zones dont le sous-sol est constitué, peu ou prou, par des matériaux solubles tel le gypse (voir la « subsidence » du bassin de la Haine).

    Dans de tels cas de figure, mon administration est évidemment très attentive à ce genre de projet puisque, comme l’honorable membre a pu le lire précédemment, dans le cadre du traitement des dossiers de permis d’urbanisme, lorsque l’autorité administrative est face à une question en lien avec ce genre de projet, il lui est loisible d’adresser une demande d’avis à la Direction des Risques industriels, géologiques et miniers - Cellule Risques d’accidents majeurs.

    En ce qui concerne le projet spécifique de Mons (cfr communiqué de presse du 9/12/2020), le risque sismique ne faisait pas partie du contenu minimum de l’étude d’incidence sur l’environnement tel que décrit en annexe VII. L’auteur de projet a cependant formulé une série de recommandations pour le sous-sol, à savoir :
    - entamer dès que possible l’écoute sismique « à blanc » grâce aux six sismomètres disposés au droit du bassin de Mons ;
    - poursuivre, lors des phases ultérieures de tests du doublet géothermique, l’examen attentif du développement des connaissances scientifiques relatives aux phénomènes sismiques générés par l’exploitation géothermique afin de pouvoir adopter d’éventuelles normes de prévention ou de contrôle de ces phénomènes.

    Le SPW-ARNE disposant d’une expertise dans la matière au sein de la Direction des Risques industriels, géologiques et miniers ainsi que je l’ai mentionné préalablement a été consulté dans le cadre de ce projet de Mons.

    Il existe en Wallonie trois forages qui sont exploités dans la zone du Hainaut depuis plus de 40 ans et il n’y a jamais eu aucun risque sismique dans la région.

    Pour sa bonne information, le contexte géologique du sous-wallon est fortement différent de celui de l’Alsace, car en Wallonie nous n’avons pas besoin de fracturer la roche, l’exploitation géothermique se fait sur nappe d’eau chaude et donc il n’y a aucun risque sismique en Wallonie.

    Dans le cadre du projet FEDER « GEOTHERWALL_DOUBLET 1 », toutes les précautions ont été prises avant le début des travaux de forages et seront prises pendant et après l’installation des deux forages. Le permis octroyé en décembre dernier a été accordé sous conditions : notamment la prise en compte des recommandations de l’étude d’incidences sur l’environnement, la protection des eaux souterraines et la mise en place d’un comité d’accompagnement avec les riverains.

    Au regard des objectifs de la DPR, le Gouvernement soutient le développement de réseaux de chauffage public urbain et la géothermie, via un renforcement du cadre, toujours dans la logique d’efficience et de la maîtrise du coût global.

    Dans le cadre du Plan wallon Energie Climat (PWEC) adopté par le Gouvernement wallon en novembre 2019, parmi les efforts additionnels à fournir entre 2020 et 2030, la géothermie profonde représente 233GWh, soit environ 20 doublets géothermiques, à l’horizon 2030.

    Actuellement, en Wallonie, il existe 3 forages profonds géothermiques (Saint-Ghislain, Douvrain et Ghlin) exploités par l’Intercommunale IDEA depuis 1985. Ces forages ont été réalisés par le service géologique de Belgique (SGB) dans les années 70 dans le but d’exploration du gaz ou du pétrole. Faute de trouver ces deux énergies fossiles, on a découvert de l’eau chaude à 73°C, les forages réalisés ont été ainsi reconvertis en puits géothermiques pour l’exploitation de la chaleur.

    Le SPW-Energie, en matière géothermique, a réalisé ou est en train de réaliser différents travaux de recherches, d’établissement de cadre juridique ou même de réalisation. Je propose un aperçu :

    1. Le Gouvernement wallon a décidé, en sa séance du 21.05.2015, d'approuver deux projets en géothermie profonde :
    - le projet GEOTHERWALL_DOUBLET 1 ou projet de la Porte de Nimy à Mons que je viens d’évoquer, visant la création d'un réseau de chaleur alimenté à partir d'un doublet géothermique à implanter à proximité de l'hôpital Ambroise Paré, en vue de subvenir à ses besoins en chauffage et en eau chaude sanitaire. J’ai pu, à cet égard, conjointement avec la Ministre Celine Tellier, délivrer le permis unique de l’installation lors de la procédure de recours, en décembre 2020 ;
    - le projet de recherches MORE-GEO, centré sur les énergies renouvelables et l'utilisation durable des ressources de la Terre, comprenant la modélisation dynamique du réservoir géothermique des calcaires carbonifères et aboutissant, en le complétant notamment d'un volet économique, à un modèle de gestion de la ressource géothermique.
    Ces deux projets sont en cours.

    2. Concernant le projet relatif à la détermination du potentiel géothermique des anciennes mines de charbon en Wallonie. L’objectif du projet est de montrer que les mines désaffectées disposent d’un potentiel géothermique suffisant pour être exploitées. Techniquement, l’eau de nos anciennes mines pourrait être utilisée pour répondre à nos besoins énergétiques futurs, non seulement pour chauffer des bâtiments (en utilisant les eaux souterraines profondes), mais aussi pour le refroidissement lorsque cela s’avère nécessaire. De même, cette initiative mettra en exergue les avantages d’une telle approche sur le plan de l’environnement et de l’emploi (exemple le projet Heerlen au Pays Bas-2005). Ce dernier est clôturé et les résultats montrent qu’il y a un réel potentiel minier dans les trois zones : Liège, Mons et Charleroi. Une étude de préfaisabilité sera prochainement lancée dans le bassin de Charleroi dans le but de définir une zone potentielle pour le lancement d’un projet pilote. L’exploitation de la géothermie minière sera une première en Wallonie.

    3. Le projet Interreg DGE ROLLOUT, auquel la Wallonie participe, c’est un projet très ambitieux puisqu’il couvre une grande partie de l’Europe du Nord-Ouest, où l’exploitation des réservoirs géothermiques de son sous-sol permettra de répondre de manière significative à la demande énergétique de régions à forte demande. Ce projet permettra d’approfondir les connaissances du sous-sol wallon dans la région liégeoise (2 profils sismiques 2D sont prévus). L’étude est en cours.

    4. Le projet relatif à la détermination du potentiel de la géothermie peu profonde (inférieure à 500 m) pour la production de chaleur et de froid en Wallonie. Actuellement, les capacités géothermiques très basse énergie en Wallonie sont très peu connues par le manque de connaissances précises du sous-sol wallon, ce qui empêche le dimensionnement adéquat de ces systèmes et l’analyse de la rentabilité des investissements dans les projets de plus grande envergure. L’étude démarre prochainement.

    5. Le cadre juridique relatif à la géothermie profonde a été intégré dans l‘avant-projet de décret sous-sol mené par le SPW ARNE et le SPW Énergie. Le projet est actuellement en cours et n’a pas encore été adopté par le GW.

    L’exploitation de la géothermie profonde est la compétence de l’Administration de l’Énergie, mais c’est une matière transversale et stratégique de la gestion du sous-sol wallon. Actuellement, il y a une étroite et parfaite collaboration entre le SPW-Energie et le SPW ARNE dans la gestion et le suivi des différents projets géothermiques en cours.