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La préservation des intérêts wallons lors des négociations internationales sur le taux d'impôt minimal mondial sur les sociétés

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 546 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 18/06/2021
    • de CORNILLIE Hervé
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Lors de leur dernière rencontre, les dirigeants du G7 se sont engagés sur l'objectif d'un taux d'impôt minimal mondial sur les sociétés d'au moins 15 %, d'après leur déclaration commune, qui mentionne aussi l'engagement envers une meilleure répartition des droits d'imposer les bénéfices des grandes multinationales.

    Cet accord a été qualifié d'historique et salué par la majeure partie des acteurs internationaux. Le cheminement vers l'établissement de ces mécanismes devrait néanmoins durer plusieurs années encore.

    La cible de cette réforme mondiale est les grandes entreprises technologiques et numériques, souvent américaines, que l'on accuse de payer des impôts dérisoires malgré des profits de dizaines, voire de centaines de milliards de dollars, notamment amplifiés lors de la crise sanitaire que nous traversons.

    Bien que les impacts directs concernent en particulier les matières relevant de l'autorité fédérale, la Wallonie peut y gagner indirectement en bénéficiant des effets de ces modifications importantes en attirant davantage d'entreprises sur notre territoire.

    Comment Monsieur le Ministre accueille-t-il ces discussions notamment en termes d'impact sur l'économie wallonne ?

    Quels en seraient les avantages et désavantages pour notre Région ?

    Considère-t-il que la Wallonie va préserver ses intérêts économiques dans cette discussion ?

    S'est-il déjà entretenu avec ses homologues fédéral et régionaux à ce sujet ?
  • Réponse du 29/06/2021
    • de BORSUS Willy
    Théoriquement, sur la base des annonces effectuées par le G7, l’impact de l’annonce que l’honorable membre évoque devrait être positif pour l’économie wallonne et belge, car c’est une démarche qui vise à arrêter deux spirales négatives que sont (a) l’évasion fiscale et (b) la compétitivité fiscale entre les pays et régions. Cela devrait mettre fin à la course vers le bas en matière de taxation mondiale. Le principe du taux minimal mondial sur les bénéfices des sociétés fera en sorte que les grandes entreprises ne pourront plus se soustraire à leurs obligations fiscales en transférant astucieusement leurs bénéfices vers des pays à faible fiscalité.

    Avec ce taux minimal et global, cette régulation devrait :
    - être un « Level the Playing Field » positionnant la compétition fiscale entre les régions en arrière-plan et les réels atouts endogènes économiques et sociaux des territoires en avant-plan ;
    - freiner la chute des recettes fiscales entamée depuis les années 80.

    Les impacts positifs sur le tissu wallon sont :
    - des recettes nouvelles pouvant financer notamment l’avenir des actions de plan de relance ;
    - un changement de paramètres pour s’installer en Wallonie ou y rester, basé sur les attraits du territoire et non sur un comparatif des coûts fiscaux ;
    - des recettes pour la relance, mais, potentiellement, une réduction du taux de taxation grâce à une meilleure équité entre les contributeurs.

    Pour la Wallonie, c’est une bonne nouvelle, car l’impact le plus tangible serait une augmentation des recettes pour les pouvoirs publics. En effet actuellement, d’une part, nous perdons de la base imposable notamment parce que certaines de nos bases imposables se retrouvent dans des pays peu taxés, comme les paradis fiscaux. Il serait désormais interdit d’appliquer ce genre de mécanisme, et donc cela nous aiderait à protéger aussi les entreprises d’origine belge.

    Selon certaines études de la Commission européenne, la Belgique pourrait récolter 10,5 milliards avec un taux de 15 % d’imposition minimum sur les bénéfices des sociétés.

    Les avantages et désavantages pour la Wallonie se résument comme suit :

    Avantages :
    - la signature au niveau européen aura un bénéfice important sur la régulation intereuropéenne, qui est le premier problème dans le contexte de la compétition territoriale dans la recherche d’investisseurs étrangers ;
    - le risque de retrait d’activité est limité, car les entreprises ne peuvent pas se priver d’un marché européen dans lequel se trouve la Wallonie et elles n’excluront pas un/plusieurs territoires européens ;
    - un retrait potentiel d’un acteur international pourrait faire émerger de nouveaux acteurs locaux (wallon ou européen avec un composant wallon) ;
    - « Un poids et deux mesures » ou « certaines entreprises financent leurs compétiteurs » ne seraient plus d’application. Certaines entreprises subsidient l’écosystème wallon alors que d’autres entreprises profitent de cet écosystème sans y contribuer.

    Désavantages :
    - il est difficile de prédire les réponses des territoires voisins ;
    - les entreprises wallonnes, ou étrangères en Wallonie, exportatrices pourraient voir leur marge nette se réduire de par cette fiscalité mondiale, pour autant que notre taux soit en deçà de 15 %, ce qui n’est pas le cas.

    Quant à la préservation des intérêts économiques de la Wallonie, je peux indiquer que :
    - cela va préserver nos intérêts, car la compétition fiscale est en défaveur de la Région wallonne. Nous avons un handicap de moyens par rapport à certains autres pays, dont nos pays limitrophes. Le « Level the Playing field » jouera en faveur de la Wallonie et, car cela introduira une juste rétribution fiscale sur base de l’endroit de l’activité, spécialement dans le cadre d’une relance post-Covid ;
    - nous avons un taux nominal de 25 %, mais on sait que par toute une série de niches, le taux effectif peut être plus bas. Pour que la Belgique ne perde pas davantage, il faut changer de modèle, mais il faut que tout le monde joue le jeu pour que cela fonctionne. Mais la contrepartie qui est de pouvoir recevoir de l’impôt des revenus générés sur notre sol sera très avantageuse pour des pays comme la Belgique, et donc pour la Wallonie.

    Je me permets enfin d’insister sur le fait que ces annonces, basées sur le postulat que chacun doit jouer le même jeu, ne doivent pas nous rendre naïfs, sur la recherche, notamment par nos voisins et concurrents, d’autres avantages comparatifs pour renforcer leur attractivité. La concurrence risque naturellement de glisser du taux facial vers d’autres formes d’encouragement (déductions à l’échelle nationale, rapidité de traitement, ruling, optimisation fiscale encouragée, voire financièrement soutenue, non fiscal assets, et cetera).

    La clé sera en tout cas d’étendre cette vision au G20 ainsi qu’aux membres de l’OCDE, pour diminuer au maximum la concurrence entre pays développés. Ce processus risque d’être encore très long, au minimum quelques années.