Les règles applicables en m atière d'affectation des bâtiments officiels des villes et communes.
Session : 2005-2006
Année : 2006
N° : 185 (2005-2006) 1
3 élément(s) trouvé(s).
Question écrite du 07/06/2006
de CHERON Marcel
à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique
La presse audiovisuelle a récemment rendu compte de nouvelles pratiques scandaleuses dans la gestion de plusieurs structures autour d'une ville importante de notre Région, à savoir Charleroi.
A cette occasion, il est également apparu que l'ancien bourgmestre, par ailleurs chef de la section communale du parti majoritaire au pouvoir dans cette ville, bénéficiait d'un bureau au sein de l'hôtel de ville ! Il y aurait donc au sein de cet hôtel de ville, à côté des lieux affectés à divers services officiels ou autorités communales, un bureau pour une personne qui n'est, aujourd'hui et depuis plus d'une dizaine d'années, ni bourgmestre, ni échevin, ni fonctionnaire communal.
Je dois reconnaître ma surprise devant cette information.
Une telle pratique me semble en effet poser de lourdes questions en termes de respect de notre démocratie et me semble participer à une confusion des genres de grande ampleur.
L'hôtel de ville, également appelé maison communale, est, par principe, le siège officiel des autorités communales. Il accueille généralement le conseil communal, représentation de la population, voire également diverses autorités ou services communaux, autant d'autorités ou de services qui sont ceux de tous les citoyens de la ville ou de la commune concernée. Je ne peux pas imaginer qu'il y ait place, à ce niveau, pour quelque location à des tiers ou quelque représentation partisane que ce soit.
Au-delà de la légitimité et des principes démocratiques, je m'interroge également sur la légalité d'une telle pratique.
Je souhaite dès lors interroger Monsieur le Ministre à ce sujet.
Suite aux révélations de la presse, Monsieur le Ministre a-t-il demandé un rapport à son administration quant à cette occupation de l'hôtel de ville de Charleroi ? Peut-il m'indiquer à quel titre cette occupation est exercée ? Peut-il me préciser si une convention lie le locataire - ou l'organisation qu'il représente - à la ville de Charleroi et comment celle-ci, le cas échéant, fixe les obligations de la partie locataire ?
Comment Monsieur le Ministre apprécie-t-il la confusion qui apparaît immanquablement dès lors que l'intéressé est également président de la section communale de son parti ? Plus largement, une telle pratique est-elle habituelle ? A-t-il connaissance d'autres situations de ce type ? Une telle
pratique est-elle à ses yeux admissible ? Quelles sont les limites ?
Une telle pratique est-elle tout simplement légale ? Quelles sont les règles applicables ?
Plus largement, quelles sont les conditions auxquelles les autorités communales peuvent, le cas échéant, louer un lieu officiel à une tierce partie ?
Dans pareille hypothèse, la tierce partie peut-elle s'exprimer au sein de ce bâtiment officiel en tant que chef de la section locale du parti, notamment en termes médiatiques ?
Le cas échéant, je souhaite également connaître les mesures que Monsieur le Ministre va prendre pour mettre un terme à ces dérives ?
Réponse du 07/07/2006
de COURARD Philippe
La question posée par l'honorable Membre a retenu toute mon attention.
Sur le plan des principes, je me permets de renvoyer l'honorable Membre à la réponse fournie par mon prédécesseur le 29 avril 2004, réponse à laquelle j'estime pouvoir me rallier, à une question similaire posée le 30 janvier 2004 par M. le Député Jean-Pierre Dardenne (Bulletin des questions et réponses n° 4 (2003-2004), p. 66).
Je rappelle les principes qui président à la mise à disposition de locaux communaux à des personnes extérieures à la commune :
- soit le conseil communal détermine, en toute autonomie, par un règlement d'ordre intérieur, l'affectation et les conditions d'utilisation d'un bien communal. Dans ce cas, le collège agit en exécution dudit règlement ;
- soit aucun règlement communal ne règle cette matière. Dans ce cas, aux termes de l'article L1123-23, 3° et 8°, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, le collège échevinal et chargé de l'administration des établissements communaux, des propriétés de la commune, ainsi que de la conservation de ses droits. Dans cette hypothèse, le collège est habilité à accorder l'usage précaire et momentané d'un bien communal dans la mesure où cela ne porte pas atteinte au bon fonctionnement des services communaux. Il appartient par contre au conseil communal de décider d'une occupation et de définir le mode de rémunération y afférent.
Ces règles ne diffèrent pas selon la qualité de la personne qui jouit de l'occupation du bien communal.
A ces principes, il convient d'ajouter que la mise à disposition des biens concernés doit être faite dans le respect du principe d'égalité.
En outre, en matière culturelle, la loi du 16 juillet 1973 stipule, en son article 3, qu'aucune autorité publique ne peut mettre de manière permanente une infrastructure à la disposition d'un organisme qui représente une tendance idéologique ou philosophique que si elle est à même d'octroyer, dans un délai raisonnable, un avantage équivalent aux autres organismes qui en font la demande.
Enfin, il me semble que, s'agissant d'une mise à disposition d'un ou de plusieurs locaux au sein d'un bâtiment public, qui plus est lorsqu'il s'agit de l'hôtel de ville, les autorités communales doivent prendre toutes les précautions d'usage, par exemple par le biais d'une clause dans l'acte de mise à disposition, et ce, afin que les utilisateurs concernés ne mettent pas en péril le bon fonctionnement du service public, étant entendu que cette occupation ne doit pas introduire la confusion entre l'occupant et le service public local.
Concernant le dossier précis que l'honorable Membre évoque, j'ai effectivement chargé mon administration de s'informer auprès de la ville de Charleroi. Le rapport de mon administration ne m'est pas encore parvenu au moment de rédiger et de transmettre la présente réponse dans le délai qui découle de l'application de l'article 70, point 2, du Règlement d'ordre intérieur du Parlement wallon.
Réponse complémentaire du 23/11/2006
de COURARD Philippe
Suite à la question posée par l'honorable Membre, j'ai chargé mon administration de s'informer auprès de la ville de Charleroi qui vient de m'apporter les compléments d'information suivants :
- dans le cadre de l'aide apportée par la ville à la Communauté urbaine Pays de Charleroi, Val de Sambre et Sud Hainaut, le collège des bourgmestre et échevins a accepté de mettre gracieusement à la disposition de celle-ci un bureau pour son président qui est un élu de la ville ainsi qu'un bureau pour deux collaborateurs de l'ASBL Intranet Pays de Charleroi ;
- ces mises à disposition n'ont fait l'objet d'aucune convention particulière quant à la prise en compte des charges par cet organisme.
Des éléments précités, on peut en déduire que :
- la mise à disposition des deux locaux mentionnés a été effectuée à titre gracieux et pour une durée indéterminée ;
- deux organismes en sont bénéficiaires et non un comme l'affirme la ville ;
- aucune convention ne lie la ville et les occupants précités.
Selon la jurisprudence administrative, une mise à disposition gratuite ne peut être admise que pour autant qu'il s'agisse d'une occupation précaire ou ponctuelle. Ce qui n'est pas le cas ici. On a plutôt affaire à une aide en nature et à durée indéterminée.
Dans ces conditions, cette mise à disposition doit plutôt être considérée comme une subvention au sens de l'article L3331-2 du Code. Comme telle, elle doit respecter un certain nombre de conditions qui sont explicitées dans les articles L3331-3 et suivant du Code.
Au vu du contenu du courrier précité de la ville, au moins un des articles du Code relatifs à l'octroi des subventions n'est pas respecté à savoir l'article L3331-4 dans la mesure où la mise à disposition des bureaux précités ne précise pas la nature, l'étendue, les conditions d'utilisation et ne prévoit pas les justifications exigées du bénéficiaire.
Je demande dès lors à la ville de Charleroi de soumettre ce dossier au plus prochain conseil communal qui suivra son installation le 4 décembre prochain afin que celui-ci soit en mesure d'en décider et d'en fixer, s'il échet, les modalités conformément aux dispositions en vigueur.