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La prise en charge des personnes ayant souffert d'expériences traumatisantes répétées durant leur enfance

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2021
  • N° : 126 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 18/11/2021
    • de PECRIAUX Sophie
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Récemment, un collectif de professionnels de l'enfance en danger et de spécialistes du trauma a publié une carte blanche adressée à l'ensemble de la société et plus particulièrement aux Ministres de la Fédération Wallonie-Bruxelles en charge de l'enfance et de la jeunesse.

    Toutefois, comme l'a soulevé la Ministre Linard en Commission enfance du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Madame la Ministre est en en charge de la compétence de santé mentale en Wallonie et donc, de ce fait, elle est compétente pour la création d'un lieu de reconnaissance officiel et public dédié à toutes les personnes qui ont souffert d'expériences traumatisantes répétées durant leur enfance.

    Dans ce texte, les auteurs soulignent les conséquences nombreuses et terribles des expériences traumatiques répétées chez les enfants.

    En effet, on peut notamment citer : la difficulté de nouer des relations sociales, la perte de l'estime de soi, forte anxiété ou troubles psychologiques persistants plusieurs années, mais aussi un stress toxique qui peut accroître le risque de développer des maladies auto-immunes, des maladies cardiovasculaires ou encore un cancer.

    Face à ce constat, les spécialistes sollicitent donc la création d'un lieu de reconnaissance officiel et public dédié à toutes les personnes qui ont souffert d'expériences traumatisantes répétées durant leur enfance.

    La solidarité étant souvent le meilleur remède, ce type de lieu permettrait aux victimes de s'y rendre, d'y trouver une écoute, mais aussi de pouvoir échanger avec d'autres personnes ayant vécu ce type d'épreuves extrêmement difficiles.

    Madame la Ministre a-t-elle pu prendre connaissance de cette carte blanche ? Le cas échéant, quelle en est son analyse ?

    Dans le cadre des budgets disponibles en santé mentale, la création d'un lieu de reconnaissance dédié aux enfants ayant vécu des expériences traumatiques répétées est-elle envisagée ?

    Et pour terminer, a-t-elle eu l'occasion d'en discuter avec ses collègues de la FWB qui ont été directement interpellées par cette carte blanche ?
  • Réponse du 09/12/2021
    • de MORREALE Christie
    À la suite de la question de l’honorable membre, j’ai effectivement eu l’opportunité de prendre connaissance de la carte blanche de Mme Hilde Boeykens et du collectif de cosignataires demandant la création d’un lieu de reconnaissance dédié aux enfants ayant vécu des expériences traumatiques répétées.

    Avant toute chose, je suis convaincue de devoir insister sur le fait que la santé mentale, telle que définie par l’OMS, est une notion qui engage toutes les politiques (Cf. www.who.int Need for Health in all policies ... « complete physical, mental and social well-being. »). Elle ne se limite pas aux compétences axées sur les soins de santé mentale. On aurait tort de continuer à confondre santé mentale et maladie ou trouble mental.

    Ceci m’amène à soutenir des pistes pour aider dès qu’il est possible les enfants qui souffrent de traumatismes liés à des maltraitances ou à d’autres expériences douloureuses émotionnellement marquantes, engageant par ailleurs l’ensemble des adultes responsables de leur éducation, mais aussi tous les professionnels qui ont pour vocation de les accompagner dans leur croissance - depuis la naissance jusqu’à l’âge de la transition vers l’âge adulte.

    Néanmoins, ces pistes, et la carte blanche en propose deux, doivent être explorées par tous les responsables politiques ayant des compétences concernées par l’enfance, depuis les aspects préventifs jusqu’aux plus spécialisés dans l’aide, l’accompagnement et les prises en charge thérapeutiques.

    Je ne doute pas que mes collègues de la Fédération Wallonie Bruxelles partagent cette vision holistique de la santé dans toutes ses dimensions : physique, psychique et sociale.

    Il est, dans tous les cas, nécessaire de mettre en avant les compétences qui visent à renforcer la santé des citoyens, avec une attention particulière pour les plus jeunes et qui plus est, ceux d’entre eux qui vivent des expériences traumatisantes.

    S’agissant d’une compétence dédiée à l’enfance et aux jeunes, mes collègues de la Fédération Wallonie Bruxelles à qui la carte blanche est adressée ne m’ont pas interpellée à ce sujet jusqu’à présent.
    Néanmoins, il est nécessaire d’envisager une approche collective du travail entre « entités », et singulièrement entre entités francophones dans les compétences de la prévention de l’enfant et de l’adolescent.

    Un des axes et des outils de cette collaboration se situe au cœur du Plan d’Action relatif aux Droits de l’Enfant. Mais il en est d’autres comme les programmes de détection et d’intervention précoces développés par les réseaux en santé mentale - pour les enfants et les adolescents, et le projet plus récemment mis en chantier en collaboration avec le Cabinet de ma collègue, Madame Glatigny, au bénéfice des jeunes à la croisée des problématiques d’éducation, de handicap et de santé mentale (au sens de la pédopsychiatrie cette fois).

    Que penser de la requête portée par ce collectif ? Pour s’en faire une idée plus concrète, il nous serait utile de mieux appréhender le dispositif de « reconnaissance » situé en un lieu où les personnes pourraient trouver une aide, un soutien, un partage d’expérience bénéfique. Il faudrait peut-être développer cette suggestion pour comprendre et estimer si elle pourrait répondre, et sous quelle forme alors, à la demande des personnes visées, elles-mêmes en définissant plus avant de quelles personnes il s’agit. Les hôpitaux psychiatriques, les IPPJ, les institutions pour personnes handicapées, les institutions de défense sociales et les prisons connaissent malheureusement un public fragilisé et ayant vécu des traumas durant l’enfance. Est-ce qu’un lieu tel qu’imaginé par ce collectif aurait pour vocation d’apaiser la souffrance autant que de rompre une chaine de violence ?

    Peut-être que la piste initiée par ce collectif a une vocation « réparatrice ».
    Mais là encore il serait bon de creuser un peu les objectifs et de laisser les personnes visées s’exprimer sur leurs besoins et leurs attentes.

    Sans me détourner de cet aspect, je voudrais mettre en avant des projets tels ceux du Comité pour la Santé mentale des enfants et adolescents (COMSMEA). Il s’agit du groupe de travail périnatalité très sensibilisé à la nécessité d’agir auprès des tout-petits et de leur entourage. Je soutiens aussi certaines initiatives comme « seconde peau », à Liège, qui permet aux professionnels de partager et de renforcer leurs expériences pour s’adapter aux besoins des personnes et l’ASB étincelle qui agit auprès des enfants dont la croissance est marquée par leur vie avec un parent qui est en souffrance psychique. La chaire « psychiatrie de transition » de l’ULB travaille avec des perspectives qui vont aussi dans ce sens.

    Et pour conclure, je voudrais souligner que :
    - la prévention des violences ou des situations de traumas de toutes natures, des violences intrafamiliales jusqu’aux injustices sociales ou violences institutionnelles, constitue un des axes primordiaux de l’intervention des acteurs publics, dans un sens social, mais aussi de santé publique ;
    - l’écoute et l’accueil de la parole restent essentiels ;
    - la souffrance peut trouver des canaux et des modalités d’expression qui sont aussi nombreux et divers que les personnes ;
    - la solidarité est une des ressources essentielles pour trouver sa place dans la vie affective et sociale, chaque « personne » trouvant les ressources qui lui conviennent, qu’il s’agisse de partage d’expérience entre pairs ou auprès d’une ressource soutenante.