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Le burn-out parental

  • Session : 2021-2022
  • Année : 2022
  • N° : 485 (2021-2022) 1

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  • Question écrite du 20/05/2022
    • de PECRIAUX Sophie
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Le burn-out parental est un syndrome qui touche les parents exposés à un stress parental chronique en l'absence de ressources suffisantes pour compenser. 150 000 parents souffriraient de burn-out parental. Les principales caractéristiques de ce burn-out sont :
    - l'épuisement dans son rôle de parent ;
    - la saturation et la perte de plaisir dans le rôle de parent ;
    - la distanciation affective d'avec les enfants ;
    - le parent prend conscience qu'il n'est plus le parent qu'il était et encore moins celui qu'il voulait être.

    Madame la Ministre a-t-elle connaissance de cette problématique ? Cette problématique qui impacte autant les enfants que les parents a-t-elle été évoquée avec ses collègues Ministres en charge de la Santé au sein de la CIM ?

    Les adultes ne sont pas toujours conscients de leur état, ce burn-out n'est pas à confondre avec une dépression, un burn-out professionnel ou le baby blues.

    Que peut-elle envisager ou qu'a-t-elle envisagé de diffuser comme informations de prévention concernant le burn-out parental ?
  • Réponse du 21/06/2022
    • de MORREALE Christie
    J’ai en effet connaissance de cette problématique particulière qui, comme l’honorable membre le mentionne, n’est pas à confondre avec la dépression et le burn-out professionnel. Le burn-out parental est en effet un trouble à part entière dont le processus de développement et les conséquences lui sont propres. Négliger les particularités qui y sont liées serait une erreur.

    J’ai ainsi suivi avec intérêt le travail de deux chercheuses de l’université de l’UCLouvain (Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam), qui ont travaillé sur le développement des connaissances sur le sujet, d’une formation pour les professionnels et d’un module de prise en charge de groupe de parents (« parents sur le fil »).

    Comme elles l’expliquent si bien (Mikolajczak et Roskam, 2021), le burn-out parental apparait lorsque les ressources dont disposent les parents ne leur permettent pas de faire face aux différents stresseurs liés à leur situation de parents. C’est un syndrome d’épuisement, dans le sens où les parents font face pendant longtemps à ces stress parentaux trop importants. C’est le caractère long et répété qui amène une personne à développer ce syndrome. À force de faire face à ces stresseurs, les parents s’épuisent et développent les différents symptômes du burn-out parental.

    Ces symptômes se développent selon 4 phases.

    1- Le parent se sent d’abord épuisé et au bout du rouleau dans son rôle de parent. L’épuisement se manifeste au niveau émotionnel, cognitif et physique.

    2- Le parent perd petit à petit le plaisir d’être parent et ressent un sentiment de trop plein.

    3- L’étape suivante consiste pour le parent à développer une distanciation affective par rapport à ses enfants : il n’a plus l’énergie d’investir la relation, s’intéresse moins à eux et à leur vécu, et n’arrive plus à montrer qu’il les aime. Les seuls aspects de la parentalité qu’il arrive encore à assumer sont les aspects pratiques.

    4- Il ressent alors de façon tangible l’écart qui s’est creusé entre son image idéale et passée en tant que parent, ce qui l’amène à développer un sentiment d’inefficacité quant à son rôle, ainsi que de honte et de culpabilité.

    Cette problématique est un sujet de préoccupation majeure pour plusieurs raisons que je souhaite lui détailler. En effet, avec une prévalence de 8 % de parents touchés chaque année (Mikolajczak et Roskam, 2021), il semblerait que la Belgique soit particulièrement concernée. C’est également une préoccupation étant donné les conséquences tant sur les parents que sur les enfants.

    Concrètement, les conséquences pour les parents sont des troubles du sommeil, des problèmes de santé, et une envie de fuir la parentalité, ce qui peut aller jusqu’à des pensées suicidaires. Les études semblent suggérer que le burn-out parental est également associé à des symptômes dépressifs, un risque de comportement addictifs, des conflits de couple. Les conséquences du burn-out parental sont donc importantes.

    On notera que, dans le cas du burn-out professionnel, il existe la possibilité du recours au congé pour maladie, mais ce n’est pas le cas pour le burn-out parental, alors que les conséquences néfastes sur les enfants sont d’autant plus élevées que le trouble s’installe et évolue dans les phases mentionnées plus tôt.

    En termes de conséquence pour les enfants, le burn-out parental augmente les risques de négligences des parents envers les enfants et la violence parentale (Mikolajczak, Gross et Roskam, 2018). La négligence peut concerner les besoins affectifs de l’enfant ainsi que les besoins éducatifs et physiques dans le cas de burn-out les plus graves. La première violence dont risquent de pâtir les enfants est souvent d’ordre verbal. Elle peut se muer en violence physique, y compris chez des parents non violents avant que le burn-out ne les submerge.

    Il me parait important de prendre en charge correctement cette problématique. En effet, je suis tout à fait consciente des conséquences que peut engendrer ce trouble, mais aussi du fait qu’elles peuvent alimenter un cercle vicieux dans l’aggravation du trouble et l’installation de blessures relationnelles, affectant parfois irrémédiablement le développement émotionnel et affectif des enfants.

    Plusieurs facteurs participent à augmenter le risque de burn-out parental et certains de ses facteurs de risque sont importants d’un point de vue de santé publique. Parmi ces facteurs de risque, le fait de manquer de soutien du co-parent et du réseau social, d’avoir un enfant à besoins spécifiques, de travailler à mi-temps ou d’être parent au foyer augmentent le risque de burn-out parental (Mikolajczak, Gross et Roskam, 2019).

    Ces éléments doivent nous indiquer le chemin de pratiques visant la réduction des risques et la prévention auprès des parents plus exposés. Mettre en place des mesures d’accompagnement spécifiques peut être très utile en termes de prévention. À titre d’exemple, et dans notre champ d’action, des mesures sont mises en place pour aider les parents ayant un enfant porteur d’un handicap ou les parents seuls, ce qui constitue, bien qu’indirectement, des mesures de prévention. Ces mesures visent en effet à réduire les stress qui pèsent sur ces parents.

    Il me semble enfin qu’il ne faut pas hésiter à aborder le caractère encore tabou de la négligence et de la violence parentale, qui sont pourtant présentes de manière importante dans les familles où un des parents souffre de burn-out parental. Étant donné ce caractère tabou, et le sentiment de honte qui peut y être associé, le risque supplémentaire est bien réel de retarder le recours aux soins pour ces parents. Il est donc intéressant de pouvoir rendre audible ce sujet pour augmenter le recours aux aides existantes par les personnes concernées.

    Une grande part des compétences du soutien et de la prévention liées à la parentalité se trouve entre les mains de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de l’ONE. Ils ont travaillé, il y a quelques années, à une campagne de prévention dans ce domaine avec la Ligue des Familles. Il s’agit du projet « parent à bout ». J’ai suivi et continue de suivre le travail qui est réalisé dans ce domaine par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

    Je ne dispose donc pas des compétences sur l’ensemble de ces enjeux, comme l’honorable membre le sait, d’où l’importance d’une concertation renforcée.

    En ce qui concerne la Wallonie, plusieurs opérateurs déjà financés par la Région interviennent dans l’accompagnement du burn-out parental et plus largement de la parentalité. Nous avons notamment les services de santé mentale et les centres de planning familial qui font de l’accompagnement à la parentalité. De plus, certains services spécialisés en assuétudes et d’autres bénéficiant d’une subvention facultative concernant les assuétudes font de l’accompagnement pour des parents consommateurs de substances ou pour des parents ayant un enfant consommateur. Ce n’est qu’un cas de figure, mais la consommation de substance peut faire partie de ces fameux « stresseurs » que je mentionnais ci-dessus et qui à long terme peuvent mener au burn-out parental.





    Sources :
    - Mikolajczak, Moïra ; Gross, James J. ; Roskam, Isabelle. Parental Burn-out: What is it and why does it matter?. In: Clinical Psychological Science, Vol. 7, no. 6, p. 1319-1329 (2019) http://hdl.handle.net/2078.1/215783
    - Roskam, I., Brianda, M. E., & Mikolajczak, M. (2018). A step forward in the conceptualization and measurement of parental burn-out: The Parental Burn-out Assessment (PBA). Frontiers in Psychology, 9.
    - Mikolajczak, Moïra ; Roskam, Isabelle. Le burn-out parental. In: Medi-Sphere, no.694, p. 6-9 (2021) http://hdl.handle.net/2078.1/254609