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Les chiffres relatifs à l'écart salarial en Belgique et en Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 88 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 26/10/2022
    • de GAHOUCHI Latifa
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Dans notre pays, l'égalité des chances est une compétence transversale. Ainsi, l'État fédéral tout comme les entités fédérées sont compétents pour œuvrer en faveur de l'égalité des chances.

    Des normes ont donc été adoptées par l'État fédéral et les entités fédérées, et des politiques concrètes sont menées. C'est pourquoi je pose cette question à Madame la Ministre. Je l'ai également adressée à la Secrétaire d'État à l'Égalité des genres, à l'Égalité des chances et à la Diversité. La question est régulièrement posée : existe-t-il encore un écart salarial entre les hommes et les femmes ?

    Si on en croit les chiffres publiés très récemment par l'office national de statistique, cet écart serait quasi nul. En effet, en Wallonie, le salaire moyen des femmes serait effectivement 0,6 % plus élevé que celui des hommes. En Flandre, les hommes gagneraient en moyenne 1,1 % de plus que les femmes, contre 5,4 % à Bruxelles.

    L'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes serait pour sa part plus sceptique à ce propos.... Apparemment, l'étude de Statbel ne s'intéresserait qu'aux employés à temps plein et seulement dans certains secteurs. Beaucoup de femmes en effet travailleraient à temps partiel, et ce pour diverses raisons. Si elles sont présentes dans la grande distribution, les femmes sont aussi surreprésentées dans des secteurs comme les soins de santé ou les services aux personnes, peu valorisés financièrement. Selon l'Institut, s'intéresser uniquement aux travailleurs temps plein dans certains secteurs ne rend donc pas réellement compte de la situation.

    Des avancées sont bien observées… certes, mais on noterait cependant que la situation s'est surtout améliorée pour les emplois plus qualifiés. Par contre, les personnes peu qualifiées qui n'ont pas beaucoup d'opportunités, qui travaillent plus souvent à temps partiel et dans des contrats précaires ne connaitraient pas cette amélioration. Les femmes sont particulièrement concernées dans ce cadre.

    Ainsi, d'après les chiffres de l'Institut pour l'Égalité des femmes et des hommes, « l'écart salarial entre les hommes et les femmes étaient donc, en 2020, de 21,6 %, en défaveur des femmes. Si on transforme artificiellement les temps partiels en temps plein et qu'on adapte les salaires en conséquence, l'écart serait de 8,5 %. Ces pourcentages sont en diminution par rapport en 2019. » Il conviendrait également de tenir compte du fait que beaucoup de femmes faiblement qualifiées sont en réalité « sorties » du fait de la pandémie.

    Madame la Ministre dispose-t-elle d'informations complémentaires quant à ce dossier ?

    Quel est l'état de la situation ?
  • Réponse du 29/11/2022 | Annexe [PDF]
    • de MORREALE Christie
    L’écart salarial entre les sexes est en théorie inexistant, en vertu de la législation qui garantit une égalité de droits entre hommes et femmes. L’égalité de traitement entre hommes et femmes est également assurée par l’arsenal légal anti-discrimination en vigueur en Belgique. Or, force est de constater que ces différences de salaires existent bel et bien ; elles constituent l’un des marqueurs des inégalités de genre.

    Nous parlons ici de la différence de rémunération perçue par un homme ou une femme, à travail égal. Or sous une simplicité apparente, approcher cette réalité est complexe. Il existe plusieurs indicateurs d’écart salarial, et différentes méthodes de calcul reposant sur plusieurs sources de données. Pour appréhender une évolution dans le temps, il convient donc de se fier à une méthodologie stable avec ses avantages et limites.

    L’enquête européenne, organisée en Belgique par le SPF Économie (Statbel), calcule un salaire annuel moyen pour femmes et hommes, de même qu’un salaire horaire moyen. Cette précision a son importance, car le salaire par heure de travail – et l’écart salarial horaire – permettent de constater qu’une partie des écarts de salaires entre les genres est due au travail à temps partiel plus fréquent parmi les femmes.

    L’écart salarial repose sur la comparaison des salaires moyens par sexe. Il correspond à la différence entre le salaire moyen des hommes et le salaire moyen des femmes, exprimée en pourcentage du salaire moyen des hommes. Les chiffres que fournit Statbel pour la Belgique permettent la comparaison internationale, car ils sont issus d’une méthodologie harmonisée entre les États membres de l’UE.

    Pour avoir un éclairage sur la situation wallonne, la prise en compte des chiffres publiés par l’IWEPS semble la méthode la plus adéquate. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) produit également, en collaboration avec le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, un rapport annuel très fourni sur l’écart salarial.

    Etat des lieux pour la Wallonie :

    A noter que, dans l’enquête à la base des chiffres fournis par l’IWEPS, le salaire mesuré est lié au lieu de travail. Cela signifie que toute donnée relative à la Wallonie ne concerne pas les habitants de Wallonie, mais ceux qui y travaillent, quel que soit leur lieu de résidence. En d’autres termes, les travailleurs faisant la navette vers Bruxelles ou la Flandre ne sont pas inclus dans les chiffres wallons, alors que (bien que moins nombreux) les frontaliers entrants et les navetteurs provenant de Bruxelles ou de la Flandre en font partie.

    En 2019, l’écart salarial en Wallonie, basé sur les salaires annuels bruts moyens par genre, et selon le calcul rapportant la différence au salaire masculin, est de 20,9 % (19,6 % en Belgique). Avec le salaire féminin comme dénominateur, en Wallonie, l’écart salarial annuel serait de 26,5 % (24,4 % pour la Belgique). Soit autant d’augmentation nécessaire pour atteindre l’égalité.

    Au niveau du salaire horaire, l’écart salarial en Wallonie en 2019 était de 7,3 %. Il est plus important au niveau belge : 10,0 %.

    En Wallonie comme en Belgique, l’écart salarial annuel et l’écart salarial horaire se sont réduits au cours des vingt dernières années. Cependant, cette réduction diminue ces dernières années, au point que l’IWEPS évoque une stabilisation. Entre 2013 et 2019, en Wallonie, l’écart salarial annuel n’est passé que de 22,4 % à 20,9 %. L’écart salarial horaire est quant à lui passé de 9,4 % à 7,3 % sur la même période.

    Facteurs explicatifs :

    L’estimation de l’écart salarial révèle d’autres inégalités sur le marché du travail : la plus forte représentation de femmes dans des secteurs et/ou fonctions moins bien rémunérées, et la répartition non équitable entre les sexes des activités non professionnelles, et son incidence sur la durée du travail.

    Le tableau en annexe montre, concernant la partie expliquée de l’écart salarial, qu’en Belgique, 46,4 % sont attribuables à la forte influence des différentes positions des hommes et des femmes sur le marché du travail, comme la forte présence des femmes dans des secteurs moins rémunérateurs ou leur plus courte ancienneté sur le marché du travail. Ces différences peuvent être constatées objectivement, mais ne sont pas légitimes pour autant. Si les femmes gagnent moins, parce qu’il y a moins de femmes aux fonctions dirigeantes, c’est là une partie de l’inégalité. Les femmes n’ont pas une préférence « naturelle » pour le temps partiel, mais des contraintes - notamment en lien avec le travail domestique et l’éducation des enfants - reposent encore aujourd’hui très largement sur elles.

    De plus, 31,7 % de l’écart salarial serait lié à des caractéristiques individuelles du travailleur en lien avec le travail : niveau d’instruction, ancienneté dans l’entreprise et de carrière. Enfin, 21,9 % de cet écart aurait trait à des caractéristiques personnelles du travailleur qui ne sont pas directement liées au travail : situation familiale (état civil et présence d’enfants dans le ménage) ou la nationalité.

    En Wallonie, l’âge, l’ancienneté, le niveau de diplôme, la profession, le type de contrat (CDI, CDD, à temps plein, à temps partiel), la taille de l’entreprise, le type d’entreprise expliquent ensemble environ la moitié de l’écart salarial horaire. Cependant, ces « explications » ne sont pas des justifications, car elles résultent, pour partie, d’autres inégalités et discriminations, par exemple dans l’accès à certaines professions ou de répartition du travail domestique.

    Pour l’IEFH aussi, la partie expliquée de l’écart salarial contient également des éléments de discrimination. « Lorsque, par exemple, une femme, parce qu’elle a des enfants, voit ses chances de promotion réduites (parce qu’on suppose qu’elle est moins disponible) alors qu’un homme voit justement ses chances augmenter (parce que l’on suppose qu’il a atteint une certaine maturité), cela engendre des différences de salaire explicables qui font suite à une discrimination ».

    Il reste en outre la partie inexpliquée de l’écart salarial : une femme ayant la même ancienneté, le même âge, travaillant dans le même secteur, avec la même profession et le même niveau d’instruction qu’un homme gagnera en moyenne moins que celui-ci.

    Selon le rapport de l’IEFH, la partie inexpliquée de l’écart salarial peut être subdivisée en deux parties : « la partie non encore expliquée, qui pourrait être expliquée sur base de données complémentaires, et la partie en essence inexplicable, qui est la conséquence d’une « pure » discrimination salariale. L’écart salarial pourrait en effet être encore mieux expliqué si certaines données étaient plus détaillées encore. Ainsi, il apparaît par exemple qu’un diplôme universitaire est moins rentable pour les femmes au niveau du salaire. Néanmoins, tant que nous ne savons pas si cela dépend de la différence de diplôme (ingénieur ou historien) ou si c’est au contraire la conséquence d’une discrimination flagrante, il est difficile de se prononcer sur ce sujet. […] le fait d’intégrer des variables supplémentaires n’a pas toujours pour effet d’augmenter la part expliquée. Lorsqu’une variable joue à l’avantage des femmes, cela diminue justement la partie expliquée. Les travailleuses de certains pays d’Europe de l’Est sont par exemple en moyenne plus hautement scolarisées que les hommes. Lorsque l’analyse contrôle le niveau d’instruction, la partie inexpliquée de l’écart salarial est plus importante, car ces femmes – vu leur niveau d’instruction – auraient dû gagner plus que les hommes. ».