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La prise en compte des risques de "greenflation" en Région wallonne face à sa transition énergétique

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 205 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 31/10/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    La transition énergétique représente un défi stratégique et existentielle majeure pour nos sociétés. Il s'agirait donc de mieux appréhender la géopolitique de la greenflation.

    Pour atteindre nos objectifs en matière de climat, la demande de technologies propres et des ressources sur lesquelles elles reposent devront augmenter de façon spectaculaire. Les coûts d'emprunt pour les investissements clés augmentent également.

    Il est difficile de prévoir l'ampleur de la greenflation, mais il ne faut pas la sous-estimer. L'environnement politique et économique actuel et l'importance systémique des technologies vertes signifient que la hausse des coûts est susceptible de se répercuter sur l'inflation globale.

    Selon un récent article du Journal Survival, la greenflation aura trois conséquences géopolitiques principales, exacerbant les tendances que nous observons déjà :
    (1) l'alimentation des politiques populistes, en se nourrissant des craintes liées aux coûts de la transition énergétique,
    (2) l'aggravation des inégalités de la transition énergétique entre les pays riches et les pays pauvres, au niveau des efforts d'électrification et d'industrialisation, et
    (3) la pression accrue pour les grandes économies vis-à-vis de l'accès aux ressources minérales essentielles à la transition.

    Selon l'article, la perspective de l'inflation verte ne justifie pas un ralentissement de la transition énergétique. Mais les gouvernements doivent reconnaître la probabilité de l'inflation verte, préparer leur public à ses conséquences et prendre des mesures pour les atténuer.

    Monsieur le Ministre est-il au courant de ce concept ainsi que les pressions potentielles, voire actuelles que la Région subit au niveau de sa transition énergétique ?

    Mis à part les prix de l'énergie, est-ce que les industries wallonnes ont exprimé des craintes ou même des cris d'alarme face à cette évolution macroéconomique majeure ?

    Y a-t-il des pistes de réflexion au niveau régional face aux dangers de la greenflation ?
  • Réponse du 09/02/2023
    • de HENRY Philippe
    Avant de répondre, j’aimerais m’assurer que nous sommes bien en phase quant à la définition du néologisme.

    La « greenflation » désigne l’aggravation de la hausse des prix des matières premières et de l’énergie, liée à la transition écologique.

    Si nous sommes bien d’accord sur cette définition, nous voyons d’emblée qu’il s’agit d’une aggravation d’un phénomène préexistant. Le prix des matières premières augmente de façon tendancielle, même sans prendre en compte une transition énergétique.

    On peut comprendre le phénomène par le fait qu’une demande accrue fait peser sur un secteur déjà sous contrainte un poids supplémentaire. C’est en effet un principe économique de base.

    Toutefois, j’ai tendance à penser qu’il y a un mouvement vertueux dans le mécanisme.

    L’énergie augmente : investir dans l’efficacité énergétique et dans la production localisée et renouvelable est une évidence : la demande accrue et soudaine fait monter les prix.

    L’effet qui en résulte est une accélération de la transition énergétique que nous appelions de tous nos vœux, mais qui tardait à se mettre en place. La cause est bien l’augmentation des prix de l’énergie, la transition énergétique accélérée est l’effet positif d’une situation non désirée, non anticipée et désastreuse par ailleurs. Ne nous trompons pas de coupable à une situation qui en effet doit être monitorée de près dans ses évolutions.

    Sans avoir pu trouver l’article auquel l’honorable membre fait spécifiquement référence, je relève particulièrement dans les effets annoncés l’aggravation des inégalités.

    Certes entre pays riches et pays pauvres, mais également au sein de notre population où, pour échapper aux fluctuations incontrôlées des prix de l’énergie, du capital financier et du capital social importants sont nécessaires.

    Nous travaillons dans le sens d’un rattrapage des logements les plus énergivores, qui ont fréquemment comme corolaire une population plus précaire.

    Du point de vue de la pression exercée sur les matières premières de la transition, je remarque que la hausse des prix généralisée par ailleurs, permet à des technologies et des matériaux européens, belges, wallons, de gagner en compétitivité et des filières se consolident et se développent grâce à cette demande en hausse.

    De l’emploi spécialisé se crée. La perspective d’une demande de plus en plus élevée sur une durée longue permet de se former à des techniques, à l’utilisation de matériaux qui n’avaient pas jusqu’ici l’attention qu’ils méritent. Des entreprises se créent et investissent dans du matériel de pointe, la recherche scientifique se focalise, des initiatives fleurissent.

    Mon but n’est pas de minimiser la question qu’il souligne, mais d’apporter un éclairage positif à un phénomène économique bien connu aussi : la destruction créatrice (la « destruction créatrice » désigne le processus continuellement à l'œuvre dans les économies qui produit la création de nouvelles activités économiques de façon simultanée à la disparition de secteurs d'activité économique.).

    Nous ne pouvions certainement pas prévoir le conflit en Ukraine et son cortège de conséquences. Toutefois, la transition énergétique et environnementale est un souci ancien pour lequel trop peu a été fait trop lentement.

    Il faut imaginer un instant la situation dans laquelle nous nous trouverions si, il y a 20 ans, nous avions commencé à isoler tous les logements en produisant notre propre énergie renouvelable, si notre industrie, nos entreprises avaient pris massivement le virage de la transition.

    Nous serions aujourd’hui dans une tout autre position pour affronter ce qui se prépare. La transition est la solution, pas la responsable du marasme.