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L'hydrogène wallon

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 125 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 04/11/2022
    • de LENZINI Mauro
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Voilà plusieurs mois que j’interroge Monsieur le Ministre sur l'opportunité pour notre région de se tourner résolument, avec efficacité et détermination, vers une production d'hydrogène en Wallonie non seulement comme source d'énergie par elle-même, mais aussi comme étape amont de la production de biokérosène ou kérosène vert.

    Aujourd'hui, la situation internationale oblige les responsables politiques mondiaux à non seulement imaginer, mais à mettre en œuvre rapidement l'exploitation de sources énergétiques alternatives et crédibles.

    Voici quelques jours, le Premier Ministre a communiqué sur la priorité totale que son Gouvernement donnera au développement de la filière hydrogène en Belgique.

    Depuis des mois, voire des années, la Flandre s'est largement engagée dans cette voie hydrogène, mais aussi dans les technologies de capture de CO2 qui, en association avec de l'hydrogène, peuvent générer des molécules à haut potentiel énergétique, voire produire des molécules comme carburant alternatif et donc en mesure de substituer les combustibles fossiles.

    Où en est la Wallonie dans son approche et dans sa mise en œuvre d'un plan hydrogène wallon ? Quelles sont, non pas les perspectives, mais plus concrètement les objectifs visés et quelle sera l'échéance de la mise sur le marché d'un produit énergétique wallon à base d'hydrogène ?

    Sachant que la production d'hydrogène nécessite beaucoup d'énergie, quelle source d'énergie Monsieur le Ministre préconise-t-il d'utiliser pour la filière hydrogène ?

    La Wallonie est-elle en capacité seule de produire de l'hydrogène, sinon pourrait-elle faire partie d'un groupement de régions (ou de pays) européen ayant nos mêmes objectifs ?
  • Réponse du 01/12/2022
    • de BORSUS Willy
    Il me semble tout d’abord essentiel de préciser que c’est mon collègue, le Ministre Philippe Henry qui est principalement en charge de la préparation et présentation d’un plan wallon relatif à l’hydrogène, ou roadmap. Je me permets en tous les cas de renvoyer l’honorable membre vers celui-ci afin qu’il lui réponde plus en détail sur l’état d’avancement de ce dossier.

    Cela étant, la Wallonie, via notamment le Cluster Tweed, procède à la structuration d’un écosystème dédié à l’hydrogène vert : le H2Hub Wallonia.

    L'objectif du H2Hub Wallonia est de permettre une vision transversale sur les initiatives en développement en Wallonie, de fédérer celles-ci, de donner aux acteurs concernés une bonne visibilité sur la thématique, qu'ils soient universitaires, publics ou privés, de susciter l’innovation et l’investissement en catalysant la mise en œuvre des projets sur le marché, d’activer les échanges, de mettre en rapport les acteurs avec les stakeholders et surtout, de valoriser les développements wallons sur le territoire et plus largement en Europe et le monde.

    La mise en place de partenariats à l'échelle belge et internationale est également un des objectifs principaux de H2Hub Wallonia.

    Trois horizons sont envisagés concernant l’hydrogène. Le premier concerne la période 2021-2030. Cette période doit essentiellement viser à l’ancrage de l’hydrogène dans le paysage énergétique wallon.

    La période 2031-2040 doit permettre le développement concret d’une économie de l’hydrogène. La préparation de cette deuxième phase devrait débuter vers 2028 et se basera sur l’analyse de la situation à ce moment, sur les acquis de la première phase et sur le « benchmarking » avec les pays et régions voisins.

    Sur cette base, des objectifs chiffrés de production pourront être fixés. Aussi, le développement d’un backbone de transport d’hydrogène et de CO2 devra permettre l’acheminement de ces deux vecteurs, en import comme en export, en vue de satisfaire aux besoins wallons ainsi que ceux de nos voisins.

    La dernière étape couvrira la période 2041-2050. Celle-ci devra permettre de finaliser le « fuel shift ». À l’issue de cette phase, la filière hydrogène aura atteint sa maturité et celle-ci, en combinaison avec d’autres vecteurs énergétiques, devront permettre d’atteindre la neutralité carbone souhaitée par la Wallonie et l’Europe.

    Il l’aura compris, actuellement nous nous trouvons dans la phase de mise en place et d’accompagnement de la filière.

    En vue de ces développements, le Gouvernement finance actuellement, via divers mécanismes, tels que le Plan de relance wallon, les Fonds Kyoto ou encore la procédure PIIEC (Projet important d’intérêt européen commun) de nombreux projets industriels relatifs à l’hydrogène.

    Quatre projets furent ainsi soutenus en 2021 pour un montant de 34,8 millions d’euros. Il s’agit des projets :
    - WalHyco – Le corridor hydrogène wallon pour le transport de fret : celui-ci vise la production locale d’hydrogène par électrolyse (5 MW) au départ d’électricité fournie par des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. L’hydrogène devra permettre l’alimentation de camions (fret) ;
    - H2C Mouscron – Hydrogène circulaire Mouscron : le projet vise à utiliser l’électricité excédentaire produite par des unités de cogénération pour faire de l’électrolyse d’eau ;
    - W2T – Wind2Truck : également fondé sur l’électrolyse en vue d’alimenter des camions en hydrogène ;
    - Zellie : l’objectif est de produire de l’électrolyse afin de décarboner deux barges opérant entre Liège et Anvers, pour lesquelles l’électrification n’est pas possible.

    Fin 2022, deux projets seront à leur tour soutenus via la procédure PIIEC. Il s’agit des projets « Columbus » porté par Engie, Carmeuse et John Cockerill, et « JCH2 » porté par John Cockerill. La totalité de l’aide octroyée s’élèvera à 88 millions d’euros. Je le renvoie aux nombreuses réponses aux questions parlementaires précédemment apportées sur ces projets.

    Il l’aura compris, actuellement les projets conservent une dimension locale et doivent permettre à brève échéance la production d’hydrogène wallon. Le développement de ces projets renforcera la position et l’expertise wallonne en vue d’une généralisation des expériences et du passage à une étape industrielle de la production au niveau régional.

    La question de la source d’énergie devant être utilisée en vue de la production d’hydrogène est compliquée. En partant du principe que nous ne visons que la production d’hydrogène décarboné, il me semble pertinent de ne pas avoir de biais technologie à ce stade, en vue de ne pas freiner l’émergence de la filière.

    Il serait donc envisageable de produire de l’hydrogène avec de l’énergie renouvelable, soit produite localement, soit importée (notamment via un mécanisme de garanties d’origine). Il s’agirait alors d’hydrogène vert. Il serait également envisageable de produire cet hydrogène avec de l’électricité nucléaire. Il s’agirait alors d’hydrogène rose.

    Il est important de préciser que, bien que la Wallonie souhaite rehausser, notamment via la révision du Plan Air Climat Energie (PACE), ses objectifs de production d’électricité renouvelable, l’énergie renouvelable produite devra principalement être utilisée afin de satisfaire et décarboner les besoins électriques wallons. L’électricité renouvelable destinée à la production d’hydrogène devrait ainsi se limiter à l’électricité excédentaire car toute opération de transformation (production d’hydrogène) implique une perte d’énergie (rendement). C’est notamment pour cette raison que, dans un premier temps, les trois options susvisées me semblent opportunes, du moins dans un premier temps.

    Finalement, pour répondre à sa dernière question, je pense que les deux options ne sont pas mutuellement exclusives. La Wallonie sera en capacité de produire seule de l’hydrogène. Cette production wallonne d’hydrogène pourra d’ailleurs prendre une dimension européenne par l’importation d’électricité verte en provenance des régions et pays voisins. Par ailleurs, la Wallonie n’étant pas une île, et les objectifs de production d’hydrogène étant fixés au niveau européen (10 millions de tonnes), il sera indispensable de développer des projets de production transnationaux.

    En vue de créer un marché Benelux intégré de l’hydrogène et d’anticiper les besoins en infrastructure pour le transport et la distribution, les pays du Benelux se sont d’ailleurs associés afin de réaliser une étude conjointe sur le développement d’une dorsale hydrogène transfrontalière, connectée aux régions européennes voisines. Cette étude a ainsi pour objectif de cartographier l’estimation de l’offre et de la demande, actuels et futurs (horizon 2050).