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La fiscalité des crypto-actifs et les conséquences pour la Wallonie

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 54 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 04/11/2022
    • de GOFFINET Anne-Catherine
    • à DOLIMONT Adrien, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    De plus en plus, les crypto-actifs envahissent notre univers. D'abord sous la forme de crypto-monnaies, ceux-ci connaissent un développement exponentiel. Ainsi, selon Statista, la capitalisation boursière globale du marché mondial est passée d'environ 2 500 milliards $ en 2019 à 19 670 milliards $ en 2022, soit une multiplication des placements de l'ordre de 8 fois en moins de 3 années. De quoi se poser donc de sérieuses questions sur les conséquences financières qu'ont ces placements sur des entités étatiques.

    Bien évidemment, au vu de la structure institutionnelle de notre pays, les principales conséquences de ce changement de paradigme économique se fera essentiellement ressentir au niveau fédéral, où se pose la question des conséquences de ces actifs sur la taxe sur les opérations de bourse, sur le précompte mobilier ou encore sur la taxe sur les plus-values. Des questions qui trouveront sans aucun doute leurs réponses dans des directives européennes et qu'il conviendra de suivre de près.

    Cependant, depuis peu, les crypto-actifs prennent d'autres formes dans des pays limitrophes. Ainsi, par exemple, la question des bloc-homes se pose au Grand-Duché de Luxembourg, ou encore en France. Basées sur le concept des crypto-monnaies, des sociétés actives dans le domaine de l'immobilier proposent à des investisseurs l'achat de « token », leur permettant de capitaliser dans l'achat immobilier, sous la forme d'une participation à la Société. Cette tendance, si elle devait se développer, ne serait pas sans conséquence pour les finances de la Région. En effet, sans aucun doute des conséquences se feraient-elles sentir au niveau des droits d'enregistrement ou encore au niveau des droits de succession (puisque ces actifs ne sont pas déclarés par leurs détenteurs).

    Monsieur le Ministre a-t-il déjà des retours sur le développement des crypto-actifs en matière de fiscalité pour la Wallonie ? Quelles sont les craintes potentielles qu’il identifie ?

    Pense-t-il qu'une adaptation du cadre légal soit nécessaire ? Si oui, comment envisagerait-il cette adaptation ?

    A-t-il des retours de ce qui se passe fiscalement dans d'autres pays et des réponses qui y sont envisagées ?
  • Réponse du 20/12/2022
    • de DOLIMONT Adrien
    Tout d’abord, le phénomène des investisseurs crypto-actifs est effectivement assez nouveau dans notre écosystème. Ceux-ci représentent des actifs virtuels stockés sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs les acceptant en paiement de réaliser des transactions sans avoir à recourir à la monnaie légale. Et selon la définition de l'Autorité française des marchés financiers, une crypto-monnaie ou un crypto-actif désigne « des actifs numériques virtuels qui reposent sur la technologie de la blockchain (ou chaine de blocs) à travers un registre décentralisé et un protocole informatique crypté ». Les crypto-monnaies comme le BITCOIN constituent donc la majeure partie actuelle des crypto-actifs visibles pour tout un chacun.

    Toutefois, les possibilités pour les investisseurs sont immenses et la mécanique évoquée des Block-Homes en fait partie également. Pour simplifier ce qu’ils représentent, en achetant des tokens de type Block-Homes, on devient copropriétaire de la société qui possède les bâtiments immobiliers. Le token représente donc une part du véhicule financier qui possède l'immeuble, et représente clairement dans ce cas précis une partie de la propriété de la société concernée, via l’acquisition d’une participation dématérialisée.

    La différence par rapport à l’utilisation d’une immobilière classique provient notamment de la manière d’opérer la prise de participation, qui ne s’effectue donc pas via dépôt des actions ou de parts concernées de manière dématérialisée sur un compte-titre, mais bien via la possession directe et dématérialisée de celle-ci dans une sorte de code informatique unique.

    Sans aller plus loin dans les explications sur les blockchains et leur utilisation dans cette réponse, ce qui est repris ci-dessus est important, car cela illustre l’impact fiscal potentiel essentiellement fédéral, et non régional de ces pratiques. Le Service public fédéral des Finances (ci-après SPF Finances) est donc le principal garant fiscal de l’État belge sur ce sujet.

    Cela illustre également que le moyen de prise de participation dans une société immobilière a peut-être changé, mais cela n’impactera pas à l’heure actuelle la volonté de devenir propriétaire de son habitation. Il s’agit en effet clairement d’investissements financiers purs, et ceux-ci n’impactent pas les droits d’enregistrement dus à l’acquisition d’un immeuble ni le précompte immobilier par exemple, dès lors qu’une société sera la plupart du temps impactée fiscalement de la même manière qu’une personne physique.

    Une différence peut cependant se produire dans le suivi de la transmission de la propriété, car les tokens sont extrêmement volatils. Il n’empêche que leur transmission, dès lors qu’elle représente une valeur, fait partie intégrante d’une succession ou d’une donation, et que les délais sont longs (dix ans actuellement) pour rectifier une succession ou une donation éventuellement frauduleuse…

    Pour finir, le service de l’impôt est toujours actuellement exercé par l’état fédéral, et plus précisément le SPF Finances, en ce qui concerne ces deux fiscalités (droits de succession et droits d’enregistrement sur les donations). Le même SPF Finances est donc occupé à suivre les évolutions de ces outils financiers notamment dans le Code des Droits et Taxes divers pour ce qui concerne la taxe sur les opérations de bourses et la taxe sur les comptes-titres, et il est certain qu’ils seront attentifs pour l’ensemble des fiscalités dont ils assurent le service qu’elles soient de compétences fédérales ou régionales.

    Par ailleurs, les échanges d’informations aux fins fiscales feront certainement l’objet de modifications ultérieures du cadre européen de la directive de 2011 sur le sujet.

    Il n’y a donc actuellement aucune crainte pour la fiscalité sur le sujet des crypto-actifs au niveau de la Région wallonne. Il convient cependant d’y rester attentif et de suivre les évolutions dans les autres États membres, mais également au niveau de l’État fédéral dans les années à venir.