La production d'électricité par l'incinération de déchets
Session : 2022-2023
Année : 2022
N° : 142 (2022-2023) 1
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Question écrite du 04/11/2022
de ANTOINE André
à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
Notre pays traverse une crise énergétique historique tant sur les tarifs pratiqués que sur les sources d'approvisionnement menaçant la rentabilité de nos entreprises, affolant le portefeuille des ménages belges et surtout wallons.
Pour y faire face, le recours aux centrales nucléaires divise la majorité fédérale, les centrales turbines-gaz-vapeur suscitent mobilisation et refus des citoyens tandis que son combustible est au centre des conflits armés entre la Russie et l'Ukraine, tandis que son plafonnement tarifaire, lui, secoue la solidarité européenne !
Chez nous, la « pax eolienica » voulue par Philippe Henry vient, semble-t-il, d'emporter l'adhésion de ses collègues du Gouvernement, mais sous conditions restrictives sur la distance de 500 mètres + une demi-hauteur d'un mât éolien.
Quant aux panneaux photovoltaïques, leur multiplication trop rapide causera de gros problèmes à court terme sur le réseau de basse tension. C'est pourquoi certains gestionnaires intercommunaux relancent l'idée et l'intérêt de valoriser les déchets par incinération. Là au moins, le gisement de matières premières ne fait pas défaut et la rentabilité financière est flamboyante !
En effet, pour de nombreux spécialistes, lorsque le prix de l'énergie flambe, incinérer des déchets rapporte gros. Isvag, une intercommunale anversoise en charge de la gestion des déchets, qui produit de l'électricité pour 25 000 ménages, engrangera cette année un bénéfice de 8 millions d'euros, 4 fois plus que l'année précédente. Un quart environ de ce montant sera avancé à ses actionnaires directs ou indirects. Une trentaine de communes pourront ainsi venir en aide à leurs administrés.
Un cercle quasi vertueux à leurs yeux : moins de déchets, plus d'électricité, d'activités industrielles et même de dividendes pour les communes.
C'est en s'appuyant sur ce type de raisonnement que l'inBW a outrepassé vos mises en garde en rénovant l'incinérateur d'Ittre. Reconnaissons qu'Ipalle, ICDI et Intradel tiennent peu ou prou le même discours même si le volume de déchets tend à se réduire. Reste pour ces unités de régler la pénurie d'ammoniaque que risque d'entraîner le dépassement des normes fixées par l'UE, sans oublier les fâcheuses conséquences sur l'environnement.
Madame la Ministre a d'ailleurs elle-même indexé début de cette année la taxe sur l'incinération de 14,69 la tonne, mais il n'empêche, la panne d'électricité éventuelle cet hiver ou à l'avenir, couplée avec l'augmentation tarifaire d'électricité, relance le débat sur l'intérêt de l'incinération.
Quelle est son analyse de la situation ?
Le Gouvernement compte-t-il revoir à la hausse les objectifs du volume d'incinération réduits qu'il s'était fixé dans la DPR ?
Compte tenu de l'actuelle crise énergétique, envisage-t-elle de subventionner certains investissements, notamment en matière d'exigence environnementale ? Ou, au contraire, envisage-t-elle de relever la taxe d'incinération pour la rapprocher de celle de nos amis flamands, aujourd'hui à 25 euros/la tonne ?
Enfin, va-t-elle revoir les volumes de déchets incinérés ?
Réponse du 14/12/2022
de TELLIER Céline
En ce qui concerne la volonté de certains acteurs de maintenir, voire de renforcer le développement de l’incinération des déchets (ménagers et professionnels), pour des raisons essentiellement économiques, je me réfère aux objectifs du Gouvernement wallon en la matière, tels qu’énoncés dans la Déclaration de politique régionale 2019-2024, à savoir : 1. « La Wallonie mettra en œuvre une politique permettant d’atteindre à l’horizon 2027 une diminution de l'incinération des déchets de minimum 50 % des niveaux actuels » ; 2. « Pour stimuler l'économie circulaire et le « zéro déchet », le Gouvernement entend renforcer les priorités de l'échelle de Lansink en matière de gestion des déchets-ressources » et ; 3. « Au niveau des infrastructures, le Gouvernement mettra fin aux subsides aux nouveaux investissements dans les installations d'incinération (à l’exception des investissements d’éléments indispensables qui visent à réduire la pollution atmosphérique ou qui augmentent la performance environnementale des installations existantes), afin d'inciter et de financer les alternatives écologiques de traitement, notamment une installation de biométhanisation des déchets organiques, les initiatives de compostage à domicile ou par quartier, ainsi que les conteneurs collectifs en milieu urbain dense ».
À ce stade, le Gouvernement ne prévoit pas de revoir ces objectifs ou ces principes, qui sont par ailleurs repris ou déclinés, d’une part dans la récente stratégie de déploiement de l’économie circulaire Circular Wallonia (voir pages 16 et 51 et mesure 22 de l’ambition 10 : Concrétiser l'interdiction de mise en centre d’enfouissement technique (CET) et d’incinération de déchets recyclables) et d’autre part, dans le plan wallon des déchets-ressources (voir notamment les mesures du chapitre 4.4 du cahier 4 du PWD-R : Réduire la mise en CET et l’incinération).
En outre, ces objectifs régionaux sont totalement en phase avec les objectifs imposés par la législation européenne, auxquels on ne peut déroger. En effet, en son article 10, la directive-cadre déchets 2018/851 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets stipule que : « Les États membres prennent des mesures pour faire en sorte que les déchets qui ont été collectés séparément pour la préparation en vue du réemploi et le recyclage en vertu de l’article 11, paragraphe 1, et de l’article 22 ne soient pas incinérés, à l’exception des déchets issus d’opérations de traitement ultérieures de déchets collectés séparément pour lesquels l’incinération produit le meilleur résultat sur le plan de l’environnement (ndlr sur le plan environnemental strictement et pas sur le plan économique) conformément à l’article 4. ».
À noter également que la directive 2008/98/CE relative aux déchets énonce clairement 1. que « La hiérarchie des modes de gestion déchets doit s’appliquer par ordre de priorité dans la législation et la politique des États membres en matière de prévention et de gestion des déchets, à savoir dans l’ordre suivant : a) prévention, b) préparation en vue du réemploi, c) recyclage, d) autre valorisation, notamment valorisation énergétique et e) élimination (article 4). et 2. Que « Les États membres devraient soutenir l'utilisation des matières recyclées, telles que le papier recyclé, conformément à la hiérarchie des déchets et afin de mettre en place une société du recyclage, et, dans la mesure du possible, ne devraient pas soutenir la mise en décharge ou l'incinération des matières recyclables ».
En ce qui concerne la taxe sur l’incinération en Région wallonne, son indexation est automatique et annuelle, en application de l’article 45 du décret fiscal du 22 mars 2007 favorisant la prévention et la valorisation des déchets en Région wallonne et portant modification du décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales directes. Dans le cadre de l’élaboration du budget 2023 de la Région wallonne, le Gouvernement a décidé de ne pas augmenter la taxe sur l’incinération des déchets, au regard des difficultés générées par les crises successives auxquels les citoyens et les secteurs d’activité ont été confrontés (Covid, inondations, crise énergétique).