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Les améliorations de l'enquête publique

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 147 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 10/11/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    L'aménagement du territoire identifie l'enquête publique comme le processus qui permet à la population de s'exprimer à l'égard d'un projet qui pourrait attenter à la propriété d'autrui ou au bien commun.

    Pour l'historien de l'environnement au CNRS, Frédéric Graber, « l'enquête publique s'apparente de nos jours à une formalité administrative ». Il en appelle donc à en faire de vrais outils de décision en fonction de critères objectifs !

    Force est de constater que l'enquête publique se limite bien souvent à rendre un projet plus acceptable en termes de développement, sans que les impératifs sociaux et environnementaux que sont le bien public ne soient pris en compte.

    Face aux excès qu'a parfois connus et subit le territoire wallon, Monsieur le Ministre ne considère-t-il pas que c'est l'appareillage juridique du projet d'enquête publique, dans son équilibre actuel, qu'il convient de revoir ?

    L'enquête publique ne doit-elle pas devenir un vrai lieu de débat et un outil de décision en capacité d'autoriser ou d'interdire des projets en fonction de critères environnementaux et sociaux objectifs ?

    Ne devons-nous pas changer la façon dont nous décidons trop facilement du bien commun ?

    Quelles sont les améliorations procédurales qui pourraient y contribuer ?
  • Réponse du 01/12/2022
    • de BORSUS Willy
    L’enquête publique est l’un des éléments garantissant la participation citoyenne dans le processus décisionnel. Depuis les dernières décennies, ce droit de la participation a fait l’objet de l’attention des législateurs tant internes qu’internationaux.

    « D’un point de vue strictement juridique, la participation du public constitue un régime d’exception en droit administratif : imposant une prise en compte plus grande, par l’autorité, des intérêts individuels des particuliers, elle implique par ailleurs une réduction du caractère traditionnellement unilatéral des actes administratifs. » (M. Delnoy, La participation du public en droit de l’urbanisme et de l’environnement, Larcier, 2007, p. 9). Néanmoins, la décision finale revient à l’autorité légalement habilitée à la prendre : cette autorité prendra en considération les résultats issus de la participation du public, mais c’est bien elle qui doit décider, en tenant compte des différents intérêts en jeu, dans le respect de l’article 1er du CoDT, qui porte que « l’objectif du Code du Développement territorial (...) est d’assurer un développement durable et attractif du territoire. Ce développement rencontre ou anticipe de façon équilibrée les besoins sociaux, économiques, démographiques, énergétiques, patrimoniaux, environnementaux et de mobilité de la collectivité, en tenant compte, sans discrimination, des dynamiques et des spécificités territoriales, ainsi que de la cohésion sociale. (...) La Région, les communes et les autres autorités publiques, chacune, dans le cadre de ses compétences et en coordination avec la Région, sont acteurs, gestionnaires et garantes de ce développement ».

    Ce même article prévoit également que : « Les habitants et les acteurs publics et privés contribuent au développement durable et attractif du territoire, par leur participation à l’élaboration de ces outils, par le développement de projets et par les avis qu’ils émettent ».

    D’une manière indirecte, mais réelle, le CESE Wallonie, assemblée consultative régionale qui rassemble en un seul lieu les représentants des organisations patronales, syndicales et environnementales, et plus particulièrement en son sein le Pôle « Aménagement du territoire », représente différents segments de la population qui peuvent y défendre leurs intérêts. Il en va de même, à l’échelon local, des commissions consultatives communales d’aménagement du territoire et de mobilité.

    L’enquête publique et l’annonce de projet constituent deux possibilités pour le public de faire valoir ses observations, commentaires, ou réclamations sur un projet. L’enquête publique et l’annonce de projet ne sont pas de simples formalités administratives, c’est une étape importante du projet. Les opposants ne s’y trompent pas : certains qualifient même l’enquête publique de « mère de toutes les batailles ». Sur ce point, la réalité française diffère de la réalité wallonne. L’accomplissement de ces formalités engendre corrélativement une obligation de prise en compte par les autorités administratives avec pour corolaire une incidence sur la validité de l’acte administratif délivré en fin de procédure. Au demeurant, les critères sociaux ou environnementaux sont bien au cœur de la décision, c’est bien le sens de l’article D.I.1 du CoDT qui assigne à l’aménagement du territoire la fonction d’arbitrage entre tous les intérêts légitimes qui traversent la société.

    Pour les projets dont l’impact environnemental est plus important, la réunion d’information préalable ouvre au public la possibilité de s’exprimer et de proposer des alternatives, ou de mettre en évidence, le cas échéant, les points particuliers qui pourraient être abordés dans le l’étude ou le rapport sur les incidences environnementales. Ce mécanisme s’impose en amont des projets puisqu’il intervient avant le dépôt de la demande afin, précisément, de pouvoir nourrir le projet des attentions relevées par le public à l’occasion de cette réunion. Le demandeur doit d’ailleurs se justifier de la manière dont les observations et propositions d’alternatives suscitées par la réunion ont été intégrées dans son projet.

    En ce qui concerne l’information du public, la réunion d’information préalable, l’enquête publique et l’annonce de projet sont l’occasion de consulter l’avant-projet ou le projet, et, le cas échéant, l’étude ou le rapport d’incidences sur l’environnement, de s’informer et de demander des explications. Pour des outils planologiques d’importance régionale, d’autres formalités supplémentaires sont prévues comme les séances de présentation du schéma de développement du territoire ou encore la mise à disposition de documents consultables sur le site Internet du SPW TLPE. Certaines décisions sont également publiées pour assurer un très large spectre de diffusion.

    Enfin, les dispositions concernant l’accès à l’information en matière d’environnement permettent également au public de prendre connaissance des documents qu’il souhaite.

    En outre, notre arsenal juridique permet aux autorités qui le désirent d’adopter des formes de participation plus étendues que celles que les textes normatifs prévoient.

    La crise sanitaire a contraint les autorités et les porteurs de projet à tester de nouvelles modalités de participation du public. La possibilité pour le public de participer au processus sans être contraint de se déplacer semble avoir, dans certains cas, facilité et accru la participation. Le projet de CoDT adopté en première lecture prévoit donc d’élargir l’information accessible sur Internet, et de rendre obligatoire la possibilité d’envoyer une réclamation par courrier électronique. De même, l’avant-projet permet que les réunions d’information du public et les séances de présentation du SDT puissent être filmées et diffusées ensuite pour permettre à quiconque le souhaite de visualiser à distance, y compris pendant toute la période pendant laquelle des observations et des suggestions peuvent être formulées, la réunion telle qu’elle se déroule.

    Face au phénomène NIMBY à l’acceptabilité sociale des projets de plus en plus compromise, il faut se garder de laisser croire que toute décision sur un projet d’urbanisme ou d’aménagement peut être négociée ou que la décision sur un projet se muerait en une forme de co-décision. C’est aussi une mission intrinsèque d’une autorité publique de prendre ses responsabilités même dans un contexte non consensuel. Le sens de la législation wallonne est, dans cette perspective de permettre à cette autorité de le faire en parfaite connaissance de cause : nourrie par la participation citoyenne et éclairée par la consultation des instances spécialisées.