/

La proposition néo-zélandaise de taxe sur les gaz émis par les vaches et moutons

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 148 (2022-2023) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 10/11/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    En Nouvelle-Zélande, le Gouvernement de Jacinda Ardern vient de proposer de mettre en place une taxe sur les émissions de méthane et d'oxyde nitreux produites par les vaches et les moutons du pays, souhaitant aider les agriculteurs à pratiquer une agriculture plus respectueuse de l'environnement.

    Le Gouvernement néo-zélandais souhaite également encourager les agriculteurs du pays à faire mieux, notamment avec des avantages financiers s'ils utilisent des additifs alimentaires qui contribuent à réduire les gaz. Selon le Ministre, James Shaw, « un système efficace de tarification des émissions pour l'agriculture jouera un rôle clé » dans lutte contre le changement climatique.

    Chez nous, la ferme pilote de Flobecq ambitionne de produire de l'hydrogène vert grâce à la valorisation des déchets animaux, notamment à partir de l'urine de cochon.

    Un projet de subvention a été officiellement déposé afin de mettre en place une unité de production d'hydrogène à base d'urine de cochons. Une fois que l'hydrogène et l'azote sont scindés, le premier servira à la production énergétique et le second devrait encore pouvoir servir d'engrais sur les champs.

    Qu'en est-il des recherches pour réduire les émissions de méthane et d'oxyde nitreux produites par les vaches ?

    Qu'en pense la Fédération wallonne de l'agriculture (FWA) de cette première mondiale ?

    Qu'en est-il de la ferme de Flobecq ?

    Monsieur le Ministre est-il au courant de cette initiative ? Est-ce une initiative pertinente dans un cadre plus large ? Devrions-nous penser plus loin ?
  • Réponse du 01/12/2022
    • de BORSUS Willy
    Si le financement de projets de recherches visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre par les filières d’élevage n’est pas chose courante au sein de la Direction des Projets de Recherche, on peut néanmoins souligner différents projets en cours actuellement (Ruminov, Blanc Bleu Vert), qui font intervenir des acteurs très actifs sur cette thématique (awé groupe, CRA-W, Dumoulin, et cetera), qui ont développé ou mènent encore actuellement des projets visant à réduire l’émission de gaz à effet de serre par le secteur.

    Nos universités wallonnes ne sont pas en reste non plus : plusieurs laboratoires/instituts universitaires s’intéressent à la question, au travers de leurs travaux de recherche et publications : Y. Larondelle (Earth and Life Institute, UCLouvain), Ph. Baret (SYTRA, UCLouvain), Y. Beckers (Ingénierie des productions animales et nutrition, Gembloux AgroBioTech, ULiège).

    Ainsi, mené par la société Dumoulin, le projet de recherche « Ruminov » traite de l’alimentation des bovins et plus spécialement de la vache laitière haute productrice.

    Ce projet de recherche vise à étudier en profondeur le métabolisme azoté de la vache laitière, des fermentations ruminales aux performances zootechniques qui y sont liées, en passant par l’efficience d’incorporation de l’azote alimentaire dans les protéines laitières et la qualité du lait produit, avec un accent plus particulier sur la valorisation de matières premières protéiques européennes alternatives au tourteau de soja. À terme, nous entrevoyons que RUMINOV conduise à la mise au point d’un concept alimentaire basse teneur en protéine permettant des performances laitières élevées et des rejets azotés réduits par rapport à des rations classiques.

    L’objectif du consortium Blanc Bleu Vert est d’améliorer la durabilité de la production bovine, d’une part, à travers une offre d’aliments permettant d’augmenter l’efficience et de réduire les émissions de gaz à effet de serre (Dumoulin) et, d’autre part, via une caractérisation raciale du Blanc Bleu Belge (BBB) par le biais de critères environnementaux (Inovéo), rendant possible la mise en place d’une sélection future des animaux sur la base des critères de durabilité, soit d’orienter la sélection vers des animaux plus efficients et moins émetteurs de gaz à effet de serre.

    De son côté, le CRA-W mène depuis longtemps de nombreux projets de recherche portant sur les liens entre l’alimentation animale et son impact sur l’environnement : autonomie alimentaire (alimentation de précision : protéines, acides gras polyinsaturés, tanins hydrolysables), stratégies alimentaires et fourragères. Ces projets se focalisent essentiellement sur les ruminants (vache laitière, bovin allaitant), qui sont plus incriminés que les monogastriques en ce qui concerne leur faible efficience de transformation (générant des rejets azotés) et leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), notamment en raison des émissions de méthane (CH4) en lien avec leur spécificité digestive. Ces projets visent à étudier à la fois les relations alimentation - performance animale et les impacts directs sur l’environnement (ex : CH4 entérique, émissions d’ammoniac (NH3) liés aux déjections en étables, etc.) mais également les effets indirects en incluant le coût environnemental de la production des aliments.

    À ce jour, on peut dénombrer 90 publications relatives aux émissions de méthane, ammoniac ou gaz à effet de serre par les chercheurs du CRA-W. On doit également au CRA-W le développement de « DECiDE, » outil informatique gratuitement mis à disposition des fermes wallonnes leur permettant de réaliser des bilans de consommation énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre. On doit aussi au CRA-W le développement de « Proterat », outil de formulation alimentaire permettant aux producteurs et conseillers d’analyser les rations vaches laitières dans les deux systèmes d’alimentation utilisés en Belgique. Enfin, le CRA-w a également développé « AlimPorc » une application Excel permettant la formulation alimentaire pour les porcs. Ces deux outils permettent d’optimiser l’efficience d’utilisation des aliments par les animaux et de ce fait limiter leurs émissions.

    Je n’ai pas été saisi d’une expression de la FWA quant à la proposition néo-zélandaise. De mon point de vue, eu égard à la pression financière pesant déjà sur nos éleveurs, et compte tenu de la pression fiscale importante existant chez nous, le réflexe « taxatoire » ne peut être la réponse à ce problème. Par contre, je soutiens fortement la construction de réponse concrète, telle qu’évoquée ci-dessus.

    Concernant la ferme de Flobecq, une demande de subvention a été officiellement déposée afin de mettre en place une unité de production d’hydrogène à base d’urine de cochons, avec une technologie qui ne sera développée nulle part ailleurs. Le projet verrait le jour grâce à un partenariat entre la commune de Flobecq, la ferme de Rudy Beelprez et avec le concours de Materia Nova (laboratoire actif dans la production d’hydrogène vert), de l’Université de Mons, d’Ipalle, d’Ideta, et de la Haute École Condorcet, section agronomie.

    Concrètement, le projet pour Flobecq n’en est qu’à ses balbutiements, sa mise en place actuelle visant une première installation physique en 2027, au plus tôt. Pour l’heure, deux actions ont été mises en place (Materia Nova – UMons) :

    1- Un projet a été déposé au Fonds Roi Baudouin (Fonds Claire et Michel Lemay, pour le développement de la Wallonie picarde) afin de soutenir une thèse de doctorat hybride visant à l’accélération du procédé d’élecrocatalyse eau-urée déjà en développement pour atteindre un stade prototype transposable sur des électrocatalyseurs industriels et à la création d’un jumeau numérique simulant la Commune de Flobecq (intrants et productions attendues) permettant une évaluation de la rentabilité du système global.

    2- L’un des piliers du projet Feder 21-27, « Decarbowal », intitulé « Walbiopower » vise à développer des matériaux catalyseurs particuliers pour accroitre les rendements de l’électrolyse.

    De manière plus générale, les réflexions relatives à la réduction de l’émission des gaz à effet de serre liés à l’alimentation humaine ne se limitent pas à la réduction des émissions directes par les bovins, mais incluraient également potentiellement :
    - le rééquilibrage alimentaire humain (révision de la part de produits animaux dans nos assiettes) ;
    - la sélection d’aliments locaux pour l’alimentation animale (réduisant ainsi l’empreinte environnementale liée au transport des matières) ;
    - l’accroissement de l’efficience alimentaire (augmenter la production viandeuse et/ou la production laitière pour un même cout environnemental revient à réduire l’empreinte).

    Hors de nos frontières, le groupe Danone s’est engagé en février 2018 en faveur d'une agriculture régénératrice. Dans le cadre du programme « Les 2 Pieds sur Terre » avec plusieurs partenaires, l'objectif est d’accompagner les producteurs partenaires dans la réduction de l’empreinte carbone de leur élevage de 15% et de développer des pratiques d’agriculture régénératrice d’ici à 2025. Avec Miimosa (plateforme de financement participatif dédié à la transition agricole et alimentaire), Danone co-finance, aux côtés des citoyens, des projets concrets en faveur de la santé des sols, la séquestration carbone, la biodiversité ou encore le bien-être animal.

    Aussi, on recense une centaine de projets/groupes opérationnels/actions innovantes européens en cours visant à la réduction de l’émission des gaz à effets de serre par les filières agricoles.