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L'évolution du leasing automobile et l’annonce de la conclusion d’un possible accord de coopération

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 64 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 17/11/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à DOLIMONT Adrien, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    Depuis longtemps, le leasing automobile est un trou dans la balance des recettes liées à la fiscalité automobile en Wallonie, un accord de coopération permettant aux Région flamande et bruxelloise de jouer l'intransigeance, les sociétés de leasing y ayant leur siège, tout en voyant la manne fiscale continuer à gonfler.

    Comment faire pour que ce trou ne devienne pas un cratère face aux nouveaux comportements développés par les automobilistes ?

    En effet, le mode de consommation de l'automobiliste s'est modifié en privilégiant l'usage plutôt que la propriété et l'électrification du marché ne faisant qu'accélérer la généralisation du phénomène.

    Monsieur le Ministre dispose-t-il de données chiffrées qui permettent d'évaluer l'évolution du leasing automobile sur les dix dernières années ?

    Quel est le nombre de Wallons qui recourt au leasing ?

    Que représente la perte fiscale pour le budget wallon, sur les dix dernières années ?

    Est-il d'avis que ce phénomène risque de s'accentuer encore à l'avenir ?

    Qu'en est-il de l'examen annoncé en mars 2022 ? Y a-t-il du progrès dans ce sens-là ?

    A-t-il eu l'occasion d'évoquer l'accord de coopération avec ses collègues flamands et bruxellois ? Quel en est le résultat ? Sent-il une inflexion ?

    Considère-t-il qu'il existe une quelconque marge de manœuvre ? Laquelle le cas échéant ?

    À défaut, comment pense-t-il pouvoir faire face à l'exode fiscal qui pourrait s'aggraver au regard des nouvelles pratiques des consommateurs ?

    À combien évalue-t-on la perte fiscale aujourd'hui ? Est-on toujours à 47 millions d'euros ?
  • Réponse du 27/01/2023
    • de DOLIMONT Adrien
    Tout d’abord, il est important de rappeler que la question du leasing est complexe et que depuis 20 ans, aucun Ministre wallon des Finances n’est parvenu à la solutionner.

    Lorsque le législateur fédéral a modifié en 2001 la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, il a soumis l’exercice des nouvelles compétences en matière de taxes de circulation et de mise en circulation par les sociétés de leasing à la conclusion préalable d’un accord de coopération entre les trois régions afin d’éviter, tel qu’exposé dans les travaux préparatoires de la loi spéciale susmentionnée, le risque de migration fiscale, de délocalisation et de concurrence fiscale malsaine entre les diverses entités du pays.

    Aucun accord de coopération n’ayant été conclu à ce jour, le régime juridique applicable aux sociétés à activités de leasing est celui dont les régions ont hérité de l’autorité fédérale tel qu’il existait le 1er janvier 2002 : les taxes sont localisées dans la Région où est établie la personne morale ou physique au nom de laquelle le véhicule est ou doit être immatriculé.

    Cette situation, créée historiquement par le législateur fédéral, engendre un préjudice pour la Région wallonne en raison de la domiciliation des sociétés de leasing essentiellement en Flandre et à Bruxelles. Les opérateurs offrant des véhicules en leasing opérationnel immatriculent à leur nom, dans 90% des cas, les véhicules qu’ils mettent en location au profit de leurs clients. Dès lors, en dépit de l’établissement en Wallonie du preneur en leasing et/ou de l’utilisateur d’un véhicule en leasing, c’est bien la Région où est établie la société de leasing qui bénéficie des recettes des taxes de circulation et de mise en circulation.

    Une analyse de la fiscalité relative au leasing a été réalisée par la Cellule fiscale d’Expertise et de Support stratégique du Gouvernement wallon, en partenariat avec l’ULiège (Tax institute) et l’ULB (Dulbea) en 2021. Cette étude juridique et économique a effectivement chiffré le manque à gagner pour la Région wallonne à 47 millions d’euros par an par rapport à une fiscalité du leasing applicable dans le chef du bénéficiaire du véhicule (92 889 voitures de leasing seraient utilisées par des résidents wallons, chiffres septembre 2020) ou de 34 millions d’euros par rapport à une imposition dans le chef de l’employeur preneur du leasing.

    Une proposition de modification du régime d’exception devrait donc faire l’objet d’un accord de coopération (mais les Régions flamande et de Bruxelles-Capitale n’y ont pas particulièrement intérêt) ou, alternativement, d’une modification de la Loi spéciale de financement. Sur la base de ce constat, une modification du régime actuel de taxation des véhicules des sociétés de leasing en Région wallonne paraît délicate à obtenir, mais je continuerai à mettre tout en œuvre et à maintenir le sujet à l’agenda des rencontres avec mes collègues des autres régions.

    D’ailleurs, la volonté wallonne d’obtenir une compensation comme préliminaire à toute discussion sur un accord de coordination permettant aux régions d’appliquer leur propre fiscalité au leasing (demande des deux autres régions depuis 2015) fut encore rappelée l’année passée lors d’une rencontre avec le Ministre flamand des Finances. Malheureusement, le principe même d’un transfert financier Nord-Sud (alors que le leasing incarne exactement le contraire) semble impossible à envisager pour mon homologue.

    Dans l’analyse de la Cellule fiscale et des universités, le seul scénario alternatif pouvant être envisagé de manière autonome est celui de la mise en place d’une imposition propre à la Région wallonne. Celle-ci pouvant revêtir la forme d’une taxe, d’une contribution, d’un prélèvement ou d’une redevance, l’objectif étant d’atteindre l’utilisateur du véhicule domicilié ou résident en Région wallonne.

    Si de nombreuses questions juridiques entourent cette hypothèse, notons déjà qu’une taxe propre aux véhicules en leasing, tout en maintenant une autre fiscalité pour les véhicules ordinaires ne passerait vraisemblablement pas le cap du Conseil d’Etat qui devrait invoquer le principe d’égalité et de non-discrimination.

    Une approche plus générale, englobant tous les véhicules (y compris les véhicules de leasing), permettrait d’envisager un système de taxation reposant sur un objectif général (qui pourrait s’écarter de ce qui caractérise les TC et les TMC qui pourraient être neutralisées par une mise à zéro), à l’instar du projet bruxellois SmartMove. Il s’agit d’une hypothèse qui peut s’envisager, mais elle relève clairement d’un projet de gouvernement. Or, si la Déclaration de politique régionale de 2019 prévoit bien une réforme profonde de la fiscalité automobile, qui relève par ailleurs de la compétence du Ministre de la Mobilité, elle ne comprend pas d’orientation en ce sens.

    Enfin, et comme ce fut rappelé dans l’étude juridique susmentionnée, il est intéressant de constater que des leviers existent pour changer quelques pratiques wallonnes en la matière. Et effet, et dès lors que l’article 10 de l’arrêté royal du 20 juillet 2001 relatif à l’immatriculation de véhicules permet clairement que la demande d’immatriculation d’un véhicule est introduite au choix par le propriétaire ou l’utilisateur du véhicule, il me semble que la Région, pour l’ensemble de son activité publique, en ce compris la dimension communale, pourrait imposer le principe de l’immatriculation en Wallonie par le preneur de leasing lorsqu’une entité publique recourt à ce type de mise à disposition d’un véhicule. Ceci est déjà de facto d’application en cas de leasing financier, mais ne l’est pas lors de la conclusion d’un leasing opérationnel.