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La mise en place d’une "police" du climat pour vérifier la tenue des engagements de la Région wallonne

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 266 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 18/11/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    La COP27 est un catalogue de bonnes intentions. Ce grand rassemblement qui vise à prendre des décisions pour protéger le climat se voit décrié de toute part pour son manque de résultats et d'efficacité.

    Lors d'un entretien à la RTBF, le climatologue Xavier Fettweis a suggéré qu'il faudrait l'instauration d'un organisme de contrôle si on veut que les changements s'opèrent réellement sur le terrain. Selon lui, « Techniquement, ces contrôles sont possibles. Les satellites pourraient mesurer les émissions de gaz à effets de serre émises par chaque pays et en cas de non-respect, on pourrait les condamner ».

    Il précise aussi qu'à « l'horizon 2050, on visait une limitation d'augmentation des températures à 1,5 degré et nous n'y sommes pas du tout ». « Nous serons sans doute à une hausse de 2,5 degrés pour 2050 et sans doute au-dessus des 3 degrés en 2100 ».

    La proposition de M. Fettweis est pertinente tant elle vise à être beaucoup plus ambitieuse que le travail déjà réalisé par les obligations de rapportage de la Commission nationale Climat.

    Rappelons que cette instance veille à coordonner la préparation des rapports, à faciliter l'échange d'informations et à harmoniser les méthodes et les procédures au sein des différentes parties concernées (les Régions et l'État fédéral).

    Légalement parlant, l'on entre dans une toute nouvelle dimension de la judiciarisation du respect des obligations climatiques.

    Qu'en pense Monsieur le Ministre au niveau régional face à la suggestion de M. Fettweis ? Serait-il judicieux d'élaborer des propositions au niveau régional ?

    Quelle est sa sensibilité sur la question ? Partage-t-il le constat au regard des compétences dont il a la charge ?

    Quelles seraient, au niveau opérationnel, les implications politiques et économiques d'un tel « organisme de contrôle » climatique ?

    En quoi cela serait-il différent du travail de rapportage effectué par la Commission nationale Climat ?

  • Réponse du 23/12/2022
    • de HENRY Philippe
    Avant de répondre aux différentes questions, il semble important de rappeler certains éléments liés à nos obligations en matière d’objectifs et de rapportages climatiques.

    Les émissions de gaz à effet de serre sont calculées par les différentes Régions pour la Belgique ou les différents Pays via les inventaires. Ces inventaires sont particulièrement encadrés par des lignes directrices du GIEC ou des documents européens. Ensuite, des mécanismes de contrôle appelés « review » en assurent la qualité de ces inventaires.

    Il existe différentes méthodes pour réaliser ces inventaires d’émission de gaz à effet de serre. La plus commune consiste à utiliser les données des consommations énergétiques. En effet, l’incertitude liée à cette méthode est particulièrement limitée et en tout état de cause, il est peu probable qu’une donnée satellitaire puisse être meilleure que cette méthode. À ce stade, il faut rappeler que les émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie représentent une part très importante (+/- 80 %) des émissions.

    Pour les autres types de sources d’émissions de gaz à effet de serre, les méthodes de calcul peuvent être diverses. On peut utiliser des facteurs d’émission spécifiques liés à des études ou tirés des lignes directrices du GIEC. On peut aussi faire des mesures directes et continues comme dans le cas du N2O dans l’industrie … Il faut par ailleurs noter que l’approche conservatrice doit être généralement retenue.

    Cette variation des méthodes peut effectivement aller à l’encontre de l’idée d’harmonisation, mais elle vise bien à essayer d’avoir la meilleure donnée possible pour un secteur donné dans une Entité spécifique.

    Ces inventaires sont ensuite à mettre en lien avec nos obligations climatiques en particulier l’« effort sharing decision » (ou ESD) qui nous impose une trajectoire de réduction des émissions pour le secteur non ETS. Les obligations pour le secteur ETS se font au niveau de chaque installation concernée même si la quantité totale de quotas disponibles est lui aussi limité (cap) ce qui permet ainsi de définir l’objectif environnemental du système. Des pénalités financières seront alors émises en cas de non-respect de ces obligations européennes.

    L’utilisation de données satellitaires peut être intéressante pour une série d’éléments comme par exemple l’estimation des puits de carbone, le calcul des surfaces forestière ou agricole en particulier pour de très grands territoires ou encore à des contrôles d’émissions accidentelles ou volontaires comme cela peut arriver au niveau pour le méthane dans les pipelines ou les installations d’exploitations pétrolières. L’utilité de telles mesures en Wallonie est actuellement plus restreinte même si ces données peuvent être complémentaires aux données déjà disponibles. Par ailleurs, la précision des données satellitaires s’améliore au cours du temps et pourrait être plus utilisable dans le futur.

    Actuellement, la Région wallonne comme les autres Entités ont l’obligation de respecter les règles prévues lors de la confection des inventaires d’émission de gaz à effet de serre. Il n’est donc pas possible d’utiliser uniquement des données satellitaires.

    Par ailleurs et à l’exception des secteurs soumis à l’ETS, les obligations de respecter une limite d’émissions de gaz à effet de serre se situent au niveau d’un État (ou les Régions pour la Belgique). En conséquence, il est difficile d’imaginer un contrôle si ce n’est les contrôles déjà existants.

    Enfin, quelle que soit la manière avec laquelle les inventaires seront calculés, il faudra toujours agréger les données nationales et approuver le rapportage belge ce qui est un des rôles de la Commission nationale climat.