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La nécessité de prévoir un moratoire sur la délivrance de permis de bâtir pour de nouvelles constructions

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 192 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 05/12/2022
    • de FREDERIC André
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La Déclaration de politique régionale indique que le Gouvernement wallon, pour freiner l'étalement urbain et y mettre fin à l'horizon 2050, poursuivra les objectifs de réduction de la consommation des terres non artificialisées, de préservation au maximum des terres agricoles et le maintien, la réutilisation et la rénovation du bâti existant, etc.

    Pour répondre à ces impératifs, Monsieur le Ministre a lancé plusieurs initiatives telles que la révision du Schéma de Développement du Territoire (SDT). Ce nouveau SDT prévoit des mesures de gestion et de programmation plus opérationnelles et notamment une nouvelle opérationnalisation de la stratégie régionale par le balisage des actions communales en vue d'encadrer les outils locaux et les permis.

    En complément, le Gouvernement wallon, sur base de sa proposition, a approuvé en première lecture la réforme du Code de développement territorial (CoDT) pour adapter celui-ci aux objectifs de réduction de l'étalement urbain et de l'artificialisation en créant notamment le concept novateur d'optimisation spatiale.

    Les actions envisagées sont salutaires, mais nous constatons en milieu rural que la politique en matière d'accès aux terrains et surtout, en matière de constructions neuves le long des routes principales est trop généreuse. Dans nombre de communes, il s'agit d'une attitude délibérée.

    Parallèlement, lors de la délivrance de ces permis par les collèges, des dérogations aux prescrits environnementaux ou urbanistiques sont souvent accordées pour, par exemple, permettre à un habitant de réaliser une allée de garage asphaltée ou de couper un arbre remarquable. L'étalement de constructions neuves comme des rubans et les dérogations de ce type nuisent au caractère rural de nombreuses communes wallonnes. Ils participent à cette « rurbanisation » qui va à l'encontre de la volonté politique du Gouvernement wallon.

    Dès lors, serait-il envisageable de prévoir un moratoire sur la délivrance de permis de bâtir pour les nouvelles constructions le long des routes entre les noyaux villageois ?

    Ce moratoire, au moins suggéré aux communes par la Région, ne pourrait-il être une mesure intermédiaire avant l'entrée en vigueur du CoDT réformé ?

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre ?
  • Réponse du 21/12/2022
    • de BORSUS Willy
    Avant toute chose, il importe de préciser les concepts, et pour ce faire les définitions utilisées par le groupe d’experts que le Gouvernement wallon avait mis en place en janvier 2020 en exécution de la Déclaration de politique régionale. Le groupe d’experts « données » (à savoir l’IWEPS et la CPDT) a ainsi précisé les concepts de la manière suivante :

    « L’imperméabilisation des sols consiste en la couverture du sol par des matériaux empêchant (plus ou moins) l’absorption de l’eau. Il s’agit d’un changement de l’occupation du sol qui accompagne fréquemment les processus d’urbanisation à l’origine de l’artificialisation. (...)

    L’artificialisation des sols est définie comme « l’augmentation de la quantité de terres agricoles, forestières, semi-naturelles et naturelles qui disparait en raison du développement de la ville et d’autres terres artificielles » (EEA, 2018). En d’autres termes, il s’agit de quantifier les changements d’utilisation du sol qui entrainent une régression progressive et relativement irréversible des superficies consacrées à l’agriculture, à la sylviculture et aux espaces naturels.

    Ce changement de l’utilisation du sol peut s’accompagner (ou non) d’un changement de l’occupation du sol : construction de bâtiments, d’infrastructures, etc. L’artificialisation peut cependant avoir lieu sans être associée à une imperméabilisation des sols, puisque par exemple, un jardin privé est considéré comme artificialisé (il est « pris » aux espaces agricoles, sylvicoles ou naturels et n’est donc plus disponible pour ces fonctions).

    L’artificialisation des sols est associée à des enjeux d’ordre environnemental tels que la préservation des ressources naturelles, la séquestration du carbone, la conservation de la nature et la lutte contre la fragmentation des paysages, mais également à des enjeux économiques tels que le maintien de l’activité agricole ou des enjeux sociaux et sociétaux comme l’autonomie alimentaire et la capacité de résilience face à diverses crises. L’imperméabilisation des sols est plus spécifiquement liée à l’augmentation du risque d’inondation et à la perte de la biodiversité du sol. (...)

    L’étalement urbain (...) est souvent défini comme la progression des surfaces urbanisées de façon plus rapide que la croissance démographique (EEA, 2006) et est associé à un usage peu parcimonieux du sol et à la périurbanisation, à savoir un mode d’urbanisation peu dense en dehors des centres urbains et villageois ».

    La Déclaration de politique régionale prévoit de freiner l’étalement urbain et d’y mettre fin à l’horizon 2050, notamment en réduisant la consommation des terres non artificialisées et en la plafonnant d'ici 2025.

    Elle souligne toutefois que « la croissance des terrains artificialisés a été la plus intense entre la fin des années 80 et la fin des années 90, avec une artificialisation moyenne de plus de 18 km²/an. Durant les années 2000, l’artificialisation est tombée à 16 km²/an et elle baisse encore entre 2010 et 2015 à 12,7 km²/an et pour la dernière période de trois ans (2015-2017) à 11,3 km²/an ».

    La « lutte contre l’étalement urbain », couplée à l’« utilisation rationnelle des territoires et des ressources», n’est en effet pas neuve. Elle est imposée par plusieurs articles du CoDT en tant que but à respecter, et elle traduit elle-même la stratégie d’« utilisation parcimonieuse du sol et de ses ressources » introduite dans la législation de l’urbanisme en 1997.

    La dynamique entamée va dans le bon sens, mais elle doit être confortée par la mise en place d’outils adéquats. Le Schéma de Développement du Territoire (SDT) doit être révisé pour y développer plus amplement et plus concrètement cet objectif, la manière de l’atteindre, et les mesures de suivi. Le SDT révisé devrait par la suite être décliné dans les schémas de développement communaux ou pluricommunaux, les communes étant libres de fixer leurs centralités et les mesures guidant l’urbanisation dans et hors ces dernières, dans le respect des critères établis par le SDT, et avec pour finalité l’optimisation spatiale. Le CoDT devrait également être adapté pour consacrer le principe d’optimisation spatiale, et pour articuler les différents outils planologiques entre eux et avec les permis. C’est le sens de l’avant-projet de décret que le Gouvernement a adopté en première lecture le 25 octobre 2022.

    Au sens du nouveau CoDT, «L’optimisation spatiale vise à préserver au maximum les terres et à assurer une utilisation efficiente et cohérente du sol par l’urbanisation. Elle comprend la lutte contre l’étalement urbain. » Ce concept, plus large que celui d’artificialisation, intègre aussi des réflexions relatives aux typologies d’urbanisation, telles la construction d’habitations ou encore la recherche de plus de mixité dans l’implantation des fonctions.

    Les communes, dans leur grande majorité, luttent contre l’étalement urbain, les chiffres repris dans la DPR en témoignent. Il n’est donc pas nécessaire d’installer un moratoire en la matière, les mesures proposées sont jugées suffisantes pour assurer la fin de l’artificialisation en 2050. Par ailleurs, le SDT prévoira bien entendu de monitorer les trajectoires d’artificialisation et d’étalement urbain, ce qui permettra au Gouvernement de prendre d’éventuelles mesures correctrices dans les années à venir si cela s’avère nécessaire.