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La nouvelle politique industrielle stratégique du Benelux

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 222 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 07/12/2022
    • de MAUEL Christine
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    À l'issue du sommet Benelux qui se tenait lundi 28 novembre au château de Bourglinster, au Grand-Duché, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg veulent renforcer la coopération régionale, notamment en matière d'innovation et de technologie.

    Tous trois souhaitent améliorer la compétitivité de leur pays et s'investir dans l'autonomie stratégique de secteurs tels que celui des semi-conducteurs. Ils ont ainsi convenu, lors de leurs discussions, d'explorer ce qu'ils pourraient faire de plus. Il conviendrait d'intensifier les efforts non seulement au niveau européen, mais aussi au niveau national et régional, afin de réduire la dépendance à l'égard des États-Unis ou de la Chine. D'autant plus que le Gouvernement américain menace d'attirer les grandes entreprises industrielles hors d'Europe avec un ensemble de subsides et de mesures fiscales.

    L'Union européenne n'est à l'origine que de 10 % de la production mondiale de semi-conducteurs et dépend en grande partie d'un nombre très limité de fournisseurs extraeuropéens. Pourtant, les semi-conducteurs sont essentiels dans divers domaines tels que l'automobile, les smartphones ou encore dans les soins de santé.

    Monsieur le Ministre en charge de l'économie wallonne a-t-il d'ores et déjà obtenu une feuille de route suite à cet accord ? Si oui peut-il nous en dire plus ?

    La stratégie est européenne, mais qu'est-ce que la Wallonie peut améliorer pour accroître l'autonomie du secteur des semi-conducteurs ?
  • Réponse du 21/12/2022
    • de BORSUS Willy
    Lors du sommet Benelux du 28 novembre, le point sur les semi-conducteurs a été abordé (parmi d’autres) quant au besoin de sécuriser les chaînes d’approvisionnement européennes (y compris en termes d’énergie), la transition énergétique et les politiques industrielles régionales et nationales pour assurer la compétitivité du Benelux et, plus généralement, de l’Europe.

    Une des principales caractéristiques des semi-conducteurs est d’appartenir à une chaîne de valeur particulièrement fragmentée et de faire l’objet d’une spécialisation extrême de différentes régions du monde. Les Etats Unis sont ainsi plutôt spécialisés dans les outils de conception des composants (les logiciels notamment), l’Asie dans la fabrication et l’assemblage. L’Europe compte elle aussi quelques références mondiales, notamment au sein du Benelux avec ASML aux Pays-Bas qui conçoit les outils de gravure indispensables à la fabrication des puces et l’IMEC en Belgique qui est une référence mondiale pour l’innovation sur les semi-conducteurs.

    La Wallonie est une région dont les entreprises sont plutôt positionnées dans la conception des puces électroniques, d’une part, et, d’autre part, plus en aval, plus proche des applications, sur des marchés de niche tels que le spatial, l’aéronautique, la défense et le médical. Cela reflète la capacité de nos entreprises à développer des composants électroniques de pointe.

    Les intérêts de l’Europe, qui souhaite renforcer son autonomie, et de grands groupes internationaux, qui veulent diversifier leur stratégie de croissance – Intel et TSMC pour n’en citer que deux –, ont conduit à la recherche de sites d’installation pour des capacités de production importante sur le continent. La Wallonie a étudié les possibilités de les attirer sur notre territoire, mais les exigences ne pouvaient être rencontrées à de trop nombreux égards : superficie de terrain de plusieurs centaines d’hectares, disponibilité et coût de la main-d’œuvre, contreparties financières publiques en milliards d’euros et, à terme, une très importante consommation d’eau et d’électricité.

    Par contre, à l’image de l’annonce faite il y a quelques jours en vue de soutenir la filière « New Space » wallonne (https://borsus.wallonie.be/home/communiques-de-presse/communiques-de-presse/presses/le-gouvernement-wallon-donne-un-coup-daccelerateur-au-secteur-du-spatial.html), les entreprises de notre région sont capables de s’intégrer dans des consortiums comportant des grands groupes internationaux tels que Safran Aero Boosters et Thalès.

    La présence dans ces consortiums de grandes entreprises permet de sécuriser indirectement l’accès aux semi-conducteurs nécessaires du fait des volumes de commande qu’ils passent aux principaux producteurs de composants asiatiques. En matière de « new space », les entreprises wallonnes sont présentes notamment grâce à leurs compétences dans le domaine de capteurs spécifiques pour l’observation de la Terre et au développement de logiciels dédiés.

    Par ailleurs, la Wallonie devra se connecter aux possibilités qui vont s’ouvrir dans le contexte du Chips Act européen qui vise une réflexion globale (création de centres de compétence dédiés, développement de composants de nouvelle génération et création de lignes de production partagées entre les pays). Ainsi, la Wallonie sera vigilante à se rapprocher des régions qui accueilleront les projets annoncés d’Intel en Europe : l’implantation d’une usine de production de semi-conducteur en Allemagne, ainsi que d’autres sites dédiés à la recherche et aux tests dans d’autres pays, en France et en Italie notamment.

    À l’image du Chips Act, la stratégie est européenne. C’est grâce à la connexion à des réseaux continentaux que la Wallonie peut s’assurer un approvisionnement en composants critiques. Le texte final du Chips Act qui doit être approuvé courant 2023 sera ainsi une occasion unique de structurer un outil industriel commun dans le domaine des semi-conducteurs.

    Par ailleurs, à l’image de l’initiative de la SRIW, associée aux invests Noshaq et Sambrinvest qui ont investi dans le fonds de capital-risque de l’IMEC (https://www.sriw.be/fr/nos-actualites/la-sriw-noshaq-et-sambrinvest-rejoignent-la-structure-dinvestissement-de-limec/), la Wallonie doit davantage soutenir les relations avec des écosystèmes existants. Outre celui qui gravite autour de l’IMEC en Flandre, on peut aussi penser aux écosystèmes de la région de Grenoble en France et à Dresde en Allemagne qui sont des pôles d’excellence mondiaux.

    Des exemples d’écosystèmes connectés pour mettre en commun des outils industriels au niveau des semi-conducteurs existent dans des régions d’une taille comparable à la Wallonie, tels que le centre Micro-Packs en région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le C2MI au Québec. Ces centres regroupent des universités, des lignes d’assemblage, des entreprises.

    Pour l’heure, une enquête, menée récemment auprès des entreprises wallonnes du secteur de la micro-électronique pour connaître leur exposition à la pénurie des semi-conducteurs, d’une part, et les stratégies de résiliences dans lesquelles la Wallonie pouvait les soutenir, d’autre part, a fait apparaître le fait que l’écosystème wallon est plus orienté sur l’innovation pour des applications de niche que sur les capacités à s’intégrer dans un schéma de production de masse pour des stratégies d’autonomie européenne.