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La dérive de la réglementation européenne concernant l'exclusivité de la voiture électrique et le rapport d'Etui

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 370 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 16/12/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Une étude sur « la dérive réglementaire européenne » menée par Etui, à savoir l'Institut syndical européen qui est le centre indépendant de recherche et de formation de la Confédération européenne des syndicats (CES), vient de paraitre.
    Le constat est édifiant !

    Selon celui-ci, « la proposition Fit for 55 est une reconnaissance lucide des échecs des paquets réglementaires sur le CO₂ de ces 30 dernières années (…) il est également important de souligner combien ce résultat répréhensible est la conséquence logique de l'institutionnalisation par l'Union européenne de la montée en gamme de l'industrie ».

    Le rapport fait aussi remarquer une certaine dérive concernant la production de voitures électriques, citant notamment la problématique du surpoids, de la pollution vis-à-vis de l'extraction des minerais nécessaire à la production, et de la forte consommation en électricité des véhicules.

    Ce tout à l'électrique à l'horizon de 2035 et d'une offre de plus en plus concentrée sur ce seul segment bien avant cette date chez certains constructeurs pose logiquement la question du côté abordable sur le plan financier d'un tel véhicule.

    Le rapport porte comme conclusion que ce sont les « citoyens européens qui devront supporter les coûts économiques et sociaux de conserver des voitures avec moteur à combustion vieillissantes qui seront de plus en plus pénalisées et taxées ».

    Quelle lecture fait Monsieur le Ministre face à ce rapport ?

    Quelle analyse fait-il de ce rapport et comment la Wallonie se positionne-t-elle au regard des développements au sein de notre région notamment au niveau des infrastructures telle que l'installation des bornes électrique ?

    Quel suivi politique et structurel compte-t-il donner aux conclusions de ce rapport ?

    Quelle est sa sensibilité par rapport aux problématiques du véhicule électrique mentionnées ci-dessus ?
  • Réponse du 18/01/2023
    • de HENRY Philippe
    La lecture que je fais du rapport d’ETUI est relativement simple. Je partage la lecture de l’honorable membre et du fait que nous sommes face à un risque majeur social et sociétal majeur, mais je ne partage pas son analyse, en tout cas, pas dans les termes qu’il lui donne.

    Le débat n’est pas celui de l’électrification et des enjeux qui y sont liés, mais bien le coût sociétal engendré par les choix de certains constructeurs qui ont privilégié des modèles économiques très risqués et l’Europe qui ne semble pas avoir pris la mesure que cette électrification engendrerait.

    S'il relit mes interventions, j’ai toujours veillé à tempérer le développement de la voiture électrique, quitte à faire l’objet de critiques souvent peu justifiées. Pas que je sois contre les voitures électriques, mais que je ne peux concevoir un développement massif en ne regardant que les aspects d’apparence positifs de ce type de motorisation.

    Le coût social et, partant, la sanction sociale est, selon moi, triple :

    1) Beaucoup de constructeurs ont fait des choix peu raisonnables en privilégiant des véhicules somptuaires en misant sur l’autonomie et la puissance des véhicules. Ces véhicules sont, hélas, de facto destinés à un public plus aisé. C’est une première sanction.

    2) Une seconde sanction vient des investissements nécessairement à faire pour une telle flotte en termes de bornes, en modernisation des réseaux, en capacité de production électrique et pour la Belgique d’un supplément d’une quinzaine de terawatt heure d’électricité pour autant que cette demande soit parfaitement lissée dans le temps.

    3) Une troisième sanction, c’est au niveau fiscal. En cherchant à tout prix à avantager les voitures électriques pures et à désavantager les véhicules les plus anciens et les plus polluants.

    Je vais me permettre d’apporter un contre-argument à chacun de ces effets.

    1) Les choix technologiques :

    Les constructeurs ont, semble-t-il, perdu de vue que les voitures électriques et les techniques de chargement ne sont pas faites pour de grandes routières, mais font merveille sur les petits segments adaptés aux circuits locaux. Ces véhicules, plus petits et mieux adaptés, permettent de réduire le coût des véhicules et de mettre l’accent sur une approche plus réfléchie de la mobilité.

    Au-delà, on se souviendra que, lors des débats ayant mené au Règlement auquel sont contraints les constructeurs, la Commission s’est positionnée délibérément pour les véhicules exclusivement électriques, acceptant, malgré tout, l’hydrogène et écartant une technologie pourtant intéressante : le CNG. L’honorable membre n’est pas sans savoir que le bioCNG, produit dans de bonnes conditions, a un bilan environnemental honorable, résiste aux soubresauts que nous avons connus ces derniers mois sur le marché du gaz et de l’électricité et permet de maintenir une production de véhicules avec des coûts et des autonomies particulièrement raisonnables.

    Je pense donc que l’approche aurait été plus sociale ainsi en acceptant d’autres alternatives de manière transitoire. Même les véhicules hybrides rechargeables restent, temporairement, une alternative intéressante.

    2) Le besoin en chargement :

    Je suis convaincu que les véhicules électriques sont une véritable opportunité pour favoriser l’autoconsommation d’énergie renouvelable et en lisser les pics locaux de production.

    Des véhicules effectuant une quarantaine de kilomètres par jour ne nécessitent pas vraiment d’infrastructure lourde. Souvent même une simple prise permet un chargement suffisant en charge lente la nuit quand le coût de l’électricité est faible ou en pleine journée, lorsque le propriétaire dispose de panneaux photovoltaïques.

    3) La fiscalité :

    Je sais qu’il plaide pour une fiscalité très bienveillante pour les voitures électriques, mais je ne pense pas que nous devions nous embarquer dans un système de primes particulièrement généreuses pour des véhicules qui, finalement, ne sont pas adaptés à l’usage que l’on veut leur donner.

    Si les finances wallonnes le permettaient et si la volonté politique était partagée, un tel régime de soutien ne devrait porter que sur les plus petites gammes de véhicules plus adaptées à la technologie et dans un cadre d’autoconsommation d’énergie renouvelable assumée. Cela permettrait, aussi, d’éviter la course à la puissance et à l’autonomie synonymes de masse accrue. Et de maintenir un cadre social acceptable.

    Avec cet exposé je souhaite partager mon sentiment sur le sujet. La question n’est donc pas de savoir comment rendre plus social l’achat de voitures électriques, mais bien de voir comment éviter un clivage social trop marqué.

    Je pense que toutes les portes doivent pouvoir être maintenues ouvertes aussi longtemps que cela sera nécessaire et que nous pourrons garantir une transition juste dans laquelle tout le monde pourra s’inscrire.

    Je pense qu’il est nécessaire de continuer à faire évoluer la technologie sur les véhicules électriques à batteries afin de pouvoir disposer d’une offre complète, à coûts maîtrisés, permettant d’être chargée de manière suffisamment souple pour ne pas mettre le réseau électrique à plat.

    Je pense que nous ne devons pas écarter de prime abord d’autres technologies transitoires qui peuvent aussi avoir un impact positif sur le climat. J’ai parlé de bioCNG, d’autres mettent en avant les biocarburants avancés, les carburants synthétiques, les motorisations hybrides qui ont fait de bons progrès après des périodes d’errements.

    Je m’en voudrais de ne pas rappeler, aussi, qu’outre le coût environnemental de production et d’alimentation des voitures électriques, la production de certains composants des voitures électriques a un coût social élevé également. Cela, le rapport d’ETUI l’aborde aussi. Et nous ne devons évidemment pas minimiser cet impact dans notre réflexion.