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Les résultats de la COP27 et la préparation des diverses questions relatives à la COP28 à Dubaï

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2022
  • N° : 371 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 16/12/2022
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie, de la Mobilité et des Infrastructures
    Alors que la COP27 s'est achevée en demi-teinte il y a quelques semaines, les regards sont maintenant portés sur l'année prochaine et la préparation de la COP28 à Dubaï, aux Émirats arabes unis (EAU).

    Si presque 200 pays ont été d'accord pour créer un fonds visant à compenser les « pertes et dommages » subis par les pays les plus vulnérables en raison du changement climatique, aucun accord ne prévoit de nouvelles mesures pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

    Sur le plan de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, aucun progrès global ne résulte de cette COP. Il a été également critiqué le fait que l'on n'a pas tenu compte du souhait de plusieurs pays de voir figurer l'objectif de réduction progressive des combustibles fossiles dans le texte définitif.

    Cependant, il est à noter qu'il a été convenu de créer un « comité de transition » chargé de formuler des recommandations sur la manière de rendre opérationnels les nouveaux mécanismes de financement et le fonds lors de la COP28 de l'année prochaine.

    La première réunion du comité transitoire devrait avoir lieu avant la fin du mois de mars 2023.

    Tenons aussi à préciser que lors de la COP27, les délibérations se sont poursuivies sur la fixation d'un « nouvel objectif collectif chiffré sur le financement du climat » en 2024, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement.

    Quelle est l'analyse de Monsieur le Ministre en vue de la préparation de la COP28 l'année prochaine ?

    Qu'en est-il de la position de la Région wallonne pour approfondir la question sur les « pertes et dommages » ?

    Quelles sont les pistes de réflexion à ce stade ?

    Quelles sont les revendications que la Région wallonne aimerait apporter à cette COP28 ?
    Monsieur le Ministre compte-t-il participer à cette conférence ?

    Est-ce que la Région wallonne ambitionne d'approfondir la réflexion quant aux mécanismes de financement ?

    Qu'en est-il de notre position quant au nouvel objectif collectif chiffré sur le financement du climat ?
  • Réponse du 08/02/2023
    • de HENRY Philippe
    Une COP, cela se prépare effectivement bien à l’avance et je compte non seulement assister à la 28e du nom qui se déroulera en décembre 2023 à Dubaï, mais surtout participer activement à l’élaboration et à la défense des positions belges tout au long de l’année en préparation de celle-ci. Il s’agira d’une COP importante pour rééquilibrer les débats qui en 2022 se sont un peu trop éloignés des préoccupations belges et européennes en matière d’atténuation.

    En effet, même si la COP27 a abouti à définir un « Mitigation work program », soit un plan d’action pour relever le niveau d’ambition, la décision sur le plan d’action pour accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre reflète cependant un clair compromis entre les économies émergentes qui voyaient ce programme de travail uniquement comme une plate-forme d'échange de savoir-faire sur les politiques d'atténuation et les pays ambitieux (UE, États insulaires, groupe latino-américain) qui le voyait plutôt comme un organe préparatoire qui devait concevoir des décisions politiques pour accroître les efforts d'atténuation en tenant compte des différents secteurs. Le programme de travail devra délivrer un rapport annuel, mais la décision souligne que le résultat de ce programme de travail est facilitant et doit respecter la souveraineté et les circonstances nationales.

    Par ailleurs, les mêmes pays émergents ont déployé une énergie importante à limiter les contraintes pour qu’il n’y ait pas d’inclusion de la sortie de l’ensemble des combustibles fossiles et pour qu’il n’y ait pas de liens avec les travaux scientifiques du GIEC, lequel recommande d’atteindre le pic d’émission mondial en 2025, avant de les voir décliner. Il faut enfin noter que certaines propositions étaient moins ambitieuses que les acquis de la COP26. Cette stagnation de la COP27 sur le volet atténuation a conduit à un moment de crise, au cours duquel l'UE a menacé de ne pas soutenir un accord à Charm el Cheikh.

    Cependant, la crainte était trop forte qu'une telle décision de la part de l'UE porte un coup sérieux au processus climatique et éloigne les pays les plus vulnérables de l’UE, car ceux-ci se réjouissaient d’avance d’un bon résultat pour les pertes et dommages.

    Nous devrons faire mieux en la matière l’année prochaine, c’est évident, car, en application de l'Accord de Paris, le bilan mondial aura lieu en 2023. Ce sera donc une nouvelle opportunité politique pour renforcer les niveaux d’ambition des différentes Parties à l’accord de Paris. L’Europe a d’ores et déjà confirmé ses engagements en matière d’atténuation avec un objectif de -57 % par rapport à 1990.

    Par ailleurs, je note qu’un des grands points négatifs lors de la COP27 est de n’avoir pas reconnu l’importance capitale que tous les investissements financiers privés et publics soient cohérents avec les objectifs de l’accord de Paris. L’Union européenne devrait absolument faire inscrire ce point à l’agenda de la COP28. En effet, nous savons tous que nous devons accélérer le changement transformationnel menant à une « décarbonisation » significative au niveau mondial. Pour atteindre cet objectif, il est absolument nécessaire, comme mentionné à l'article 2.1.c de l'Accord de Paris, de rendre les flux financiers cohérents avec une trajectoire vers de faibles émissions de gaz à effet de serre et un développement résilient au changement climatique. Un "dialogue de Charm el-Cheikh" a maintenant été établi pour échanger des points de vue et améliorer la compréhension de la portée de l'article 2.1.c et deux ateliers auront lieu pendant la COP28. Je salue vraiment ce premier pas dans la bonne direction.

    Néanmoins, je pense que nous avons également besoin lors de la COP28 d'un véritable point à l'ordre du jour sur cette question importante. Le but serait de développer un cadre pour mettre en œuvre cet article. En effet, la poursuite de l’objectif de l’accord de Paris sous le 2.1.c va potentiellement plus loin que d’uniquement fournir des moyens suffisants pour financer les besoins nécessaires à la transition. Cela permettrait aussi d’assurer en parallèle que cessent concrètement au plus vite les flux financiers (placements, investissements et/ou subsides) publics et privés en faveur de technologies et vecteurs énergétiques qui ne seraient pas bas carbone. Il ne servirait en effet à rien de développer les énergies renouvelables, même massivement, si dans le même temps on continuait à voir se développer tout aussi massivement à travers le monde, par exemple, des centrales au charbon, comme c’est le cas actuellement. Ce sont les deux faces d’une même pièce.

    Bien évidemment, il faudra aussi réduire nos besoins énergétiques (par l’efficacité énergétique et la sobriété) si l’on veut effectivement pouvoir assister, en parallèle du développement des investissements bas carbone, à la sortie des investissements dans les énergies fossiles.

    Je sais que nous sommes tous bien conscients de ces évidences, mais la question est maintenant, comment traduire cela en accords politiques au niveau mondial de la manière la plus concrète possible et, on peut rêver, contraignante possible.

    Cela sera bien évidemment très difficile, mais sans ce point à l’agenda, il sera quasiment impossible d’avoir quoi que ce soit d’opérationnel en la matière qui aille plus loin que ce que nous avons déjà dans les textes actuels, même si cela constitue déjà de très bons jalons sur lesquels construire.

    L'architecture institutionnelle émergente reflète une prise de conscience croissante du rôle des financements publics et privés pour la transition énergétique. Cependant elle échoue à fournir des fonctions essentielles pour gouverner l'alignement de la finance mondiale avec l'Accord de Paris, avec des lacunes importantes en termes d'établissement de règles internationales et la garantie de transparence sur l’ensemble de ces flux financiers. D’où la nécessité d’un cadre spécifique pour la mise en œuvre de l’article 2.1.c pour que celui-ci atteigne tous ses potentiels.

    Le thème des pertes et préjudices a bien figuré l’agenda de la COP27 et a été central tout au long de celle-ci. La Belgique n’a pas pu s’exprimer de manière proactive au sein de la coordination européenne, puisqu’il n’y avait pas de consensus intrabelge sur le sujet. C’est donc la position européenne qui a prévalu sans que la Belgique ne puisse s’exprimer de manière forte. La Wallonie s’est montrée volontariste, non pas dans le Conseil européen, mais en dehors, dans ses relations avec un certain nombre de pays au sein de la francophonie notamment, dans la suite de ce que nous avons pu faire dès la COP de Glasgow. Pour alimenter le débat sur cette matière, la Wallonie a d’ailleurs organisé un évènement sur les pertes et préjudices lors de la COP27, au Pavillon Benelux-BEI, le lundi 14 novembre.

    Nous avons soutenu entre autres la création d’un fonds spécifique pour les pertes et préjudices de manière à financer rapidement et efficacement ceux-ci, en ciblant les pays les plus vulnérables au dérèglement climatique, et tenant compte des besoins exprimés par les communautés locales. Nous avons évidemment une décision importante qui est prise en ayant obtenu le focus sur les pays les plus vulnérables, mais il reste encore pas mal de modalités à définir pour éviter les potentielles dérives d’interprétation desquelles nous ne sommes jamais à l’abri. En effet, l’un des points de tension lors de cette COP27 était de savoir qui pourrait bénéficier des financements. Pour les pays développés, particulièrement l’Union européenne, le fonds devait être érigé pour répondre aux besoins des pays les plus vulnérables. Quoi qu’il en soit, la formulation de compromis rend actuellement éligibles « les pays en développement, particulièrement ceux vulnérables aux effets du réchauffement climatique ».

    Cette proposition permet de ne pas réduire le champ d’application du fonds aux seuls pays moins avancés (PMA) ou aux petits États insulaires en développement (PEID), mais de l’étendre à tous les pays en développement, tout en reconnaissant que la notion de vulnérabilité restait centrale et qu’elle devait être affinée. D’autre part se posait la question de savoir qui allait contribuer à ce fonds : les pays développés, responsables historiques ? Ces mêmes pays, rejoints par les plus gros émetteurs tels que la Chine ou l’Inde ? La question de l’élargissement de la base des contributeurs n’est pas nouvelle et s’invite régulièrement lors des négociations climatiques. La Chine en particulier, et d’autres pays à économie émergente, ont pollué les débats, avec une certaine confusion entre les pays véritablement victimes des dégâts climatiques et les pays émergents tels qu’ils sont définis depuis 30 ans maintenant.

    Pour le futur, nous devons donc encore insister sur le fait que la Chine est devenue un pays très émetteur de gaz à effet de serre, elle doit donc assumer ses responsabilités (y compris dans la contribution au nouveau fonds), plutôt que d’être toujours assimilée à l’ensemble des pays en développement. N’oublions pas non plus que l’Arabie saoudite va dépenser des dizaines de milliards de dollars pour organiser des jeux d’hiver dans son pays, ce qui est un non-sens total du point de vue climatique, tout en estimant par ailleurs ne pas devoir contribuer au financement climatique international.