/

L’accélération du déploiement des énergies renouvelables

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 318 (2022-2023) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 20/01/2023
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le 22 décembre dernier, la Commission européenne adoptait le Règlement 2022/2577 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables.

    L'objectif est d'accélérer à court terme le rythme du déploiement, le Règlement s'appliquant aussi aux procédures en cours qui n'ont pas encore abouti. La notion d'intérêt public supérieur est introduite et des exemptions pour certaines obligations d'évaluation sont avancées, permettant ainsi de contourner les évaluations d'impact sur l'environnement.

    Quelle lecture Monsieur le Ministre fait-il de ce règlement ?

    Quelles conséquences pratiques a-t-elle sur les permis de production et de stockage sur le territoire wallon ?

    Des dispositions d'application particulières doivent-elles être prises par lui ? Lesquelles et dans quels délais ?

    Les réseaux électriques ayant été intégrés dans le Règlement, celui-ci aura-t-il une quelconque influence sur le dossier de la « Boucle du Hainaut », sachant qu'il s'applique également aux dossiers en cours ? Laquelle et avec quelle incidence ?
  • Réponse du 08/02/2023
    • de BORSUS Willy
    Un règlement (UE) 2022/2577 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables a été adopté par le Conseil de l’Union européenne le 22 décembre 2022. Il est entré en vigueur le 30 décembre 2022.

    La Commission européenne procèdera à un réexamen de ce règlement au plus tard le 31 décembre 2023. Elle pourra proposer de prolonger sa durée de validité si elle l’estime nécessaire compte tenu de l'évolution de la sécurité d’approvisionnement et des prix de l'énergie.

    Ce règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tous les États membres depuis le 30 décembre 2022. Il est prévu qu’il s'applique à toutes les procédures d'octroi de permis qui débutent au cours de sa période d'application sauf si l’État membre en décide autrement : autrement dit, il ne s’applique pas aux procédures en cours qui ont débuté avant le 30 décembre 2022, et il n’est pas dans l’intention de la Wallonie de les y soumettre.

    En ce qui concerne l’urbanisme, ce règlement traite principalement des délais de procédure pour l’octroi des permis administratifs délivrés pour la construction ou le rééquipement d'installations produisant de l'énergie à partir de sources renouvelables, les installations de stockage d'énergie colocalisées et les actifs nécessaires à leur raccordement au réseau.

    La procédure en cours relative à la « Boucle du Hainaut » a pour objet l’inscription d’un périmètre de réservation au plan de secteur, et non la délivrance d’un permis. Elle n’est donc pas concernée.

    Le règlement impose les délais maxima qui suivent, à dater de l'accusé de réception de la demande complète de permis :
    - 3 mois pour les permis relatifs à l'installation d'équipements d'énergie solaire et d'installations de stockage d'énergie colocalisées, y compris les installations solaires intégrées dans des bâtiments et les équipements d'énergie solaire en toiture, dans des structures artificielles existantes ou futures mais pour autant que l'objectif principal de ces structures ne soit pas la production d'énergie solaire, et à l'exclusion des plans d'eau artificiels ;
    - 1 mois pour les permis relatifs à ces mêmes équipements, mais d'une capacité inférieure ou égale à 50 kW ;
    - 1 mois pour les permis relatifs à l'installation de pompes à chaleur d'une capacité électrique inférieure à 50 MW ;
    - 3 mois pour les permis relatifs à l'installation de pompes à chaleur géothermiques ;
    - 6 mois pour les permis relatifs au rééquipement des centrales électriques utilisant des sources d'énergie renouvelable (par exemple un champ de panneaux photovoltaïques ou un parc éolien) et à la mise à niveau des actifs nécessaires à leur raccordement au réseau.

    En ce qui concerne l'installation d'équipements d'énergie solaire et de pompes à chaleur, les États membres peuvent exclure certaines zones ou structures de l’application du règlement pour des raisons liées à la protection du patrimoine culturel ou historique, aux intérêts de la défense nationale ou pour des raisons de sécurité.

    Ce règlement a également un impact nouveau sur l’évaluation des incidences sur l'environnement des projets concernés, mais de manière différenciée selon les cas :
    - exemption de l'obligation, le cas échéant, d'être soumis au processus visant à déterminer si le projet doit faire l'objet d'une évaluation spécifique des incidences sur l'environnement (détermination préalable), ou exemption de l'obligation d'être soumis à une évaluation spécifique des incidences sur l'environnement, pour l'installation des équipements d'énergie solaire visés ;
    - détermination préalable et/ou évaluation des incidences sur l'environnement limitée aux incidences potentielles significatives découlant de la modification ou de l'extension par rapport au projet initial, pour le rééquipement d’une centrale électrique ou la modernisation d'une infrastructure de réseau connexe qui est nécessaire pour intégrer l'énergie renouvelable au réseau électrique ;
    - exemption de détermination préalable pour le rééquipement d'installations solaires qui n'implique pas l'utilisation d'espace supplémentaire et est conforme aux mesures d'atténuation des incidences sur l'environnement applicables établies pour l'installation d'origine ;
    - rien n’est prévu à ce sujet pour les pompes à chaleur visées.

    Rompant avec la jurisprudence européenne et/ou nationale, le règlement impose ou implique également les règles suivantes :
    - dans un cas bien précis, l’absence de réponse de l’autorité compétente dans le délai de procédure imposé débouche sur un permis réputé octroyé, ou autrement dit un permis tacite ;
    - lorsqu’un plan/programme crée une zone d'énergies renouvelables ou une zone du réseau spécifique pour l'infrastructure de réseau connexe nécessaire pour intégrer les énergies renouvelables au réseau électrique, l’évaluation environnementale réalisée conformément à la directive 2001/42/CE pour ce plan/programme permet d’exempter un projet spécifique implanté dans cette zone de l'évaluation des incidences sur l'environnement et la protection des espèces prescrite par la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, la directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et de la flore sauvages, et la directive 2009/147/CE concernant la conservation des oiseaux sauvages, pour autant que, dans le cadre d’application de ces deux dernières directives, des mesures d'atténuation appropriées et proportionnées soient appliquées ou une compensation financière soit versée ;
    - la scission d’un projet d'installation d'équipement d'énergie solaire (et d'installation de stockage d'énergie colocalisée) sur une structure artificielle future à réaliser en deux demandes de permis distinctes, le cas échéant de même nature juridique, et la possibilité de délivrer le permis pour l’installation d'énergie solaire sur la structure artificielle non encore autorisée, si le délai de délivrance du permis imposé pour l’installation d'énergie solaire est plus court que celui prévu par le droit régional pour la structure artificielle.

    Par ailleurs, lors de la mise en balance des intérêts juridiques pour consentir des « écarts » aux objectifs de la directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, de la directive 2009/147/CE concernant la conservation des oiseaux sauvages ainsi que de la directive 2000/60/CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, sont présumés relever de l'intérêt public supérieur et de l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, voire dans certains cas sont prioritaires moyennant le respect de conditions, la planification, la construction et l'exploitation d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables, le raccordement de ces installations au réseau, le réseau connexe proprement dit, ainsi que les actifs de stockage.

    Cette lecture du texte n’est cependant pas incontestable. Le Gouvernement attend des précisions sur divers points. L’on doit en effet souligner les incohérences (contradiction entre le texte et les considérants), les imprécisions et omissions (il n’est pas expressément prévu que les délais imposés ne concernent que les autorisations administratives en première instance, à l’exclusion des recours administratifs, ce qui semble pourtant être l’intention du législateur européen) et les difficultés d’application de ce texte rédigé dans la précipitation, et dont les auteurs estiment à tort qu’il ne nécessite pas « de lourdes modifications de (...) procédures et systèmes juridiques nationaux ».

    Dans le Code du développement territorial, la durée des procédures de délivrance des permis d’urbanisme est basée sur des critères qui ne sont pas liés directement aux actes et travaux à réaliser (en l’occurrence l’installation de panneaux photovoltaïques ou thermiques, de pompes à chaleur ou le renouvellement d’une centrale électrique utilisant des sources d'énergie renouvelable), mais sur des critères tels que l’autorité compétente pour délivrer le permis, la réalisation de mesures particulières de publicité, la consultation d’un service ou d’une commission, du fonctionnaire délégué, ou encore le caractère d’impact limité des actes et travaux demandés. La sanction du non-respect des délais est également différente. Les délais pour délivrer un permis d’urbanisme vont de 30 à 130 jours et ils sont prorogeables de 30 jours : ils peuvent donc dépasser 1 mois ou 3 mois.

    Le système imposé n’est pas compatible avec les procédures wallonnes de délivrance de permis d’urbanisme et de sanction en cas de non-respect des délais telles qu’elles existent actuellement, sans des modifications décrétales ciblées. Il en résulte une réelle insécurité juridique.

    Dès lors, des discussions ont actuellement lieu au sein du Gouvernement, notamment pour exonérer de permis d’urbanisme certains des actes et travaux visés, afin que l’application de ce règlement se déroule de la meilleure façon possible en Wallonie. Pour ce qui concerne les permis d’environnement ou uniques, de l’impact précis sur le Code de l’environnement, ou des « grid connection permits », je renvoie l’honorable membre à mes collègues en charge de l’environnement ou de l’énergie.