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Le "gaming" et la formation aux métiers de la construction

  • Session : 2022-2023
  • Année : 2023
  • N° : 331 (2022-2023) 1

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  • Question écrite du 24/01/2023
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La recherche d'emploi est aujourd'hui le quotidien de nombreuses personnes. Par ailleurs, l'accessibilité et la pénurie de main-d'œuvre poussent les employeurs, et notamment ceux du secteur de la construction, à se renouveler en proposant des formations d'un genre nouveau. Ainsi, nous pouvions récemment découvrir que le géant de la construction Thomas et Piron, en association avec l'IFAPME, proposait des formations aux futurs candidats maçons et/ou chef de chantier… en utilisant des outils type « gaming ».

    L'expérience confirmera ou infirmera le succès de ce type d'entreprise, par la concrétisation et la mise à l'emploi par un CDI des candidats à la formation.

    Le monde évolue et nous devons intégrer ces nouvelles technologies comme un nouveau paradigme avec lequel il faudra désormais compter.

    D'autres expériences de ce type existent-elles en Wallonie ?

    Comment l'IFAPME s'inscrit-elle dans cette collaboration ? Le cas échéant, quels secteurs d'activités sont visés ? S'agit-il principalement de secteur souffrant d'une pénurie ?

    Si le procédé peut paraître populaire chez les plus jeunes, comment s'assure-t-on de lutter contre ce qui serait une (nouvelle) fracture numérique et forme de discrimination vis-à-vis de publics moins connectés ?
  • Réponse du 15/02/2023
    • de BORSUS Willy
    Les acteurs de l’éducation et de la formation explorent depuis toujours les possibilités de s’adapter à l’évolution des besoins des apprenants, qu’ils soient liés à l’évolution des compétences à acquérir ou à l’évolution des modes d’apprentissage. La pédagogie ludique étant une forme de pédagogie active, elle a fait l’objet de nombreuses expérimentations depuis une vingtaine d’années, qu’il s’agisse de serious games (création de jeux poursuivant des objectifs dits « sérieux ») ou de serious gaming (méthode appelée également pédagogie vidéoludique) qui consiste à détourner des jeux vidéo de divertissement à des fins pédagogiques. À cela s’ajoutent les techniques de gamification (qui peuvent s’appliquer à n’importe quel processus) ou de l’utilisation de jeux classiques (comme les jeux de cartes et jeux de plateau).

    Nombreux sont les exemples d’utilisation, par les entreprises, mais également par les acteurs publics ou associatifs, du gaming et de ses techniques à des fins de sensibilisation, d’apprentissage ou encore de recrutement.

    Et en cette matière, la Wallonie dispose de nombreux atouts :
    - développement de serious games et d’acteurs spécialisés dans la gamification ;
    - un réseau de Game Labs universitaires spécialisés dans l’étude des jeux, notamment des serious games, et de leur mécanique ;
    - un lieu unique, l’espace gaming du Quai 10 à Charleroi, qui permet au grand public de découvrir le jeu vidéo, sa dimension culturelle et son potentiel créatif, et qui propose également des animations pédagogiques pour les élèves ou encore des initiations à la pédagogie vidéoludique pour les enseignants ;
    - un acteur de référence, Walga (pour Wallonia Game Association), l’Association wallonne des studios de développement de jeu vidéo, à qui le Gouvernement wallon a confié une mission de développement de l’industrie wallonne du jeu vidéo, incluant la gamification et les serious games.

    Comme indiqué récemment, la collaboration entre l’IFAPME et Thomas & Piron a plus de 20 ans et, comme chaque année, Thomas & Piron forme près d’une centaine d’apprenants (soit près de 1 000 apprenants sur 20 ans) dans différents métiers de la construction. Mais malgré ces efforts, Thomas & Piron est en recherche constante de nouveaux profils.

    La volonté, avec la mise en place de cette formation, dans le cadre de la convention entre l’IFAPME et la TP Académie, est d’attirer un public éloigné de l’emploi et de le motiver à s’accrocher tout au long de la formation grâce à une pédagogie innovante. Au terme de cette formation, les stagiaires recevront une Certification de compétences acquises en formation (CECAF) qui leur permettra de valoriser ces compétences sur le marché du travail et, s’ils souhaitent augmenter leur niveau de qualification, de poursuivre leur parcours de formation sous convention de stage IFAPME au sein de l’entreprise Thomas & Piron ou ailleurs.

    Il s’agit bien de répondre à l’enjeu de la pénurie. D’autres secteurs pourraient en effet bénéficier d’une approche similaire. L’objectif de ce projet est bien de mesurer l’impact positif, sur le public ciblé, de l’innovation pédagogique axée sur la gamification et d’analyser les opportunités d’étendre ce concept pour attirer et accrocher les apprenants dans le cadre des formations en alternance tant en apprentissage qu’en formation d’adultes et ce, au regard des objectifs du nouveau contrat de gestion 2023-2028.

    Les premiers partenaires de la formation en alternance de l’IFAPME sont les entreprises. Eu égard aux résultats en termes d’insertion à l’issue des formations IFAPME, lesquels dépassent les 85 %, je ne peux qu’encourager les entreprises à renforcer encore leur partenariat avec l’IFAPME, notamment en participant aux initiatives visant à implémenter des pédagogies innovantes pour attirer et accrocher les jeunes et les chercheurs d’emploi dans les formations porteuses d’emploi et, singulièrement, dans les filières conduisant à des métiers en pénurie et fonctions critiques.

    Toute utilisation de ressources numériques est potentiellement porteuse d’un risque d’exclusion et de fracture. Comme l’indique le dernier baromètre citoyen de l’Agence du Numérique, la fracture numérique est de moins en moins une fracture d’accès (6 %), mais de plus en plus une fracture d’usage (32 %). La Fondation Roi Baudouin ajoute que la fracture numérique suit la fracture socio-économique et socioculturelle (c’est-à-dire qu’elle concerne davantage les personnes disposant d’un faible niveau de revenus ou de diplôme). Cela signifie d’une part que même le public dit « fracturé numérique » développe des usages numériques, certes faibles, centrés sur l’utilisation du smartphone, la consommation de vidéo et le partage de photos, mais des usages quand même... Cela signifie, d’autre part, que les difficultés que rencontre ce public sont autant liée au numérique qu'à une maitrise insuffisante des compétences en lecture et écriture.

    Dans ce contexte, la gamification peut favoriser l’accessibilité et jouer un rôle d'émancipation et d'inclusion, à l'image du « Digi Challenge », un outil d’évaluation des compétences numériques de base tout récemment lancé par l’Agence du Numérique pour favoriser la montée en compétences numériques des Wallonnes et des Wallons. Son caractère ludique et visuel (plutôt que textuel) devrait permettre de toucher un public plus fragilisé que la moyenne de la population, ce qui est cohérent avec l’ambition de la stratégie Digital Wallonia.