à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
On le sait, le monde agricole est toujours en quête d'innovations et d'alternatives aux dangereux et coûteux pesticides chimiques.
Une technologie en particulier a suscité notre intérêt, celle de l'herbicide électrique.
Des entreprises mettent en vente un système de désherbage des adventices en utilisant de l'électricité à haute fréquence et à haute tension. Cette technologie paraît particulièrement prometteuse dans notre combat contre la dépendance aux pesticides chimiques.
Dans quelles conditions et dans quelle mesure ces herbicides électriques sont-ils utilisés dans le secteur de l'agriculture wallonne ?
Par ailleurs, cette technique aux impacts environnementaux réduits jouit-elle d'incitants pour en favoriser la pratique (investissements, formations, etc...) ?
Le respect de l'environnement vanté par cette pratique est-il avéré ?
Réponse du 01/07/2024
de BORSUS Willy
La technologie du désherbage électrique a commencé à être testée en Europe en 2017. Depuis, des entreprises ont développé du matériel. L’entreprise Zasso (Suisse) serait le leader mondial du désherbage électrique. En Belgique, l’entreprise Packo Agri importe le matériel NuCrop. Il s’agit d’une solution électrique hybride de protection des cultures pour le défanage des pommes de terre. Cette technologie constitue une méthode efficace de dessiccation sans produits chimiques. NuCrop a été développé par Nufarm, en collaboration avec la start-up d’agrotechnologie allemande CROP.ZONE. La technique utilise un liquide conducteur et un courant électrique pour détruire les fanes.
Les avantages sont nombreux : absence de résidus, de bruine et de temps d’attente, effet plus rapide que le traitement chimique, aucun effet négatif sur la qualité des pommes de terre, possibilité de combiner le produit aux méthodes conventionnelles, conforme aux objectifs de la stratégie climatique et « farm to fork » (de la ferme à la fourchette) européenne.
La société Andela Techniek & Innovatie, spécialisée dans la construction de machines agricoles a produit un robot de désherbage électrique autonome, actuellement utilisé pour le désherbage des betteraves, des oignons, des endives et des carottes. Ce robot désherbeur n’est actuellement vendu qu’aux Pays-Bas.
Des entreprises sont donc très actives en recherche et développement sur ce marché très prometteur, mais encore coûteux. Par contre, l’administration n’a pas reçu de projets sur ce sujet dans le cadre des appels à projets Recherche en production biologique dans la thématique « désherbage ».
Pour le CRA-W, cette technique n’est pas encore utilisée par les agriculteurs en Wallonie pour le désherbage total, car elle est encore peu adaptée (largeur de travail et vitesse faible) et onéreuse.
Le CRAW a réalisé des essais afin de pouvoir évaluer l’efficacité du désherbage électrique et son impact sur le sol. Ceux-ci ont été réalisés dans le cadre des Contrats Captages financés par la SPGE avec une machine de la marque Zasso de 3 m de large. L’objectif des essais était de détruire les intercultures en lieu et place du glyphosate. Les principaux résultats sont synthétisés ci-après.
Il a été constaté que pour bon nombre de couverts, un double passage de la Zasso à 2 km/h à une semaine d’intervalle avait une action similaire au glyphosate. Cependant, certains couverts sont difficiles, voire impossibles, à détruire avec la Zasso. C’est le cas des graminées qui ont une surface foliaire très faible et donc une conductivité minimale. La Zasso est également inefficace sur certains mélanges composés de plusieurs espaces végétales où une espèce située dans la strate inférieure de la végétation peut rester protégée des électrodes. Il en est de même pour les couverts très développés où les électrodes peuvent difficilement toucher les étages de végétation inférieures. Il faut donc multiplier le nombre de passages.
Les conditions d’humidité du sol ont également un impact sur l’efficacité du désherbage électrique. Un sol trop humide disperse rapidement le courant et rend le traitement peu efficace.
Des études préliminaires sur la vie du sol ont également été menées dans le cadre du projet en comptant le nombre de vers de terre avec ou sans passage de la Zasso. Il n’y a pas de différence significative, mais la technique de comptage de vers de terre n’est pas normalisée.
D’autres essais de destruction de couvert à titre exploratoire ont également été réalisés pour évaluer le potentiel du désherbage électrique pour d’autres applications : • la machine a été utilisée dans la culture de betterave pour détruire les mauvaises herbes dans l’interligne. L’avantage de cette technique par rapport à un binage est de ne pas remuer la terre et d’éviter de favoriser les nouvelles levées. Le désherbage électrique semble efficace sur des jeunes mauvaises herbes (4 feuilles max.). Cependant, la machine n’étant pas vraiment adaptée, la betterave a également subi des pertes ; • un essai en défanage de pommes de terre a également été réalisé. Cette technique semble assez prometteuse. D’ailleurs, c’est dans ce cadre d’application que la solution NuCrop a été développée, et celle-ci est plus intéressante d’un point de vue de la rentabilité (débit de chantier et coût d’utilisation plus faible) ; • la destruction des repousses après moisson a également été testée. L’efficacité semble confirmée sauf pour les graminées, plus difficiles à détruire. Par contre, en conditions sèches, le risque d’incendie est élevé en présence de chaume.