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Cohérence de la politique de la Région wallonne en matière d'implantations commerciales.

  • Session : 2008-2009
  • Année : 2008
  • N° : 173 (2008-2009) 1

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  • Question écrite du 04/12/2008
    • de DETHIER-NEUMANN Monika
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Monsieur le Ministre prône une ligne visant à privilégier les pôles urbains et les centres villes afin d'y conforter le tissu commercial(1). Il sait qu'il a , à cet égard, notre soutien. Ce discours est cependant démenti dans la réalité lorsqu'il défend, par exemple, la construction d'un gigantesque centre commercial de Cora à Quevaucamp.

    Ainsi, Monsieur le Ministre a fait en mai dernier des déclarations ici même, à propos de la prochaine régionalisation de la loi sur les implantations commerciales. Il a alors reconnu qu'il y avait une croissance gigantesque des demandes de surface commerciale, pour atteindre 1,1 million de m² en 2007, dont 800.000 m² pour la Wallonie. Il s'est demandé si cela répondait à des conditions de mobilité, si la population avait à ce point augmenté pour justifier de telles demandes. Enfin, il avait lancé une mise en garde en affirmant que si l'on ne faisait pas attention, nous allions vivre prochainement des friches commerciales et que partant, vous pensiez qu'il faudra insérer la question des implantations commerciales dans le schéma de structure communal ou encore dans le SDER.

    Nous pensons également qu'il est plus que temps de s'inquiéter des conséquences environnementales, sociales et économiques résultant du développement commercial très important qui s'opère surtout en périphérie des villes. On sait en effet les difficultés apportées par le développement d'infrastructures commerciales gigantesques en périphérie : la disparition du petit commerce en centre-ville, avec son cortège de vitrines vides et de bâtiments inoccupés, génère l'insécurité et la précarisation. Outre les graves problèmes environnementaux (rejets de gaz à effet de serre, mobilité, imperméabilisation du sol), il faut plus qu'hier réfléchir aux impacts sociaux que le développement de ce type de projets génère : à l'heure de toutes les crises, quel est le sens d'édifier à la périphérie des villes des temples dédiés à l'hyper-consommation auxquels seule une partie de la population a réellement accès ?

    Nous sommes donc assez surpris de prendre connaissance de la position de Monsieur le Ministre au sujet du projet de centre commercial de Cora à Mouscron.

    Pour rappel, il s'agit de construire un hypermarché avec galerie marchande incluant bowling, cinéma, etc. sur un terrain de 37 hectares situé sur les communes de Mouscron et Estaimpuis, et qui concurrencera les centres-villes voisins.

    En soutenant la décision de la commune, vous avez donc résolu d'écarter le Schéma de développement de l'espace régional (en abrégé, le SDER,) dont la Région wallonne s'est dotée depuis 1999 et où l'on peut lire que : « L'implantation de centres commerciaux et de grandes surfaces commerciales à l'écart des villes et des noyaux d'habitat ne sera plus autorisée. ».

    Monsieur le Ministre a même assuré à M. Senesael, Député-Bourgmestre d'Estaimpuis, qu'il allait utiliser le mécanisme de la validation législative pour remédier à l'illégalité du plan de secteur, mise en évidence par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 30 septembre 2008, …

    Qui croire ? Celui qui fait des discours pour prôner le développement des centres plutôt que le grignotage de l'espace ouvert dans les périphéries ? Ou celui qui soutient concrètement des projets et malgré ce qu'il charrie d'exclusion sociale et de nuisances environnementales ?

    Je souhaite lire Monsieur le Ministre à ce sujet.



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    (1) « Centre commercial, Antoine dit non, déjà » in. « Vers l'Avenir », 12 juillet 2007
  • Réponse du 14/01/2009
    • de ANTOINE André

    En réponse à sa question, j'ai l'honneur d'exposer à l'honorable Membre les éléments qui suivent.

    L'honorable Membre fait preuve d'une mémoire à court terme et sélective. La demande de permis unique a déjà été traitée sur le fond depuis un certain temps.

    Pour rappel, la S.A. Cora avait introduit en 2006 une demande de permis unique pour l'implantation d'un centre commerciale dans une zone d'activité économique mixte au plan de secteur sur les communes de Mouscron et d'Estaimpuis.

    Tandis que les fonctionnaires technique et délégué délivraient le permis unique en première instance, des tiers (associations et riverains) ont introduit un recours. En tant qu'autorité de recours, j'ai été amené à autoriser le centre commercial.

    Etant donné que l'honorable Membre ne se souvient plus des motifs de ma décision, je les expose brièvement:

    - sur le plan environnemental, rien ne s'oppose à l'exploitation du centre commercial; le respect des conditions générales, sectorielles, intégrales et particulières est de nature à réduire de manière satisfaisante les éventuelles nuisances du projet sur l'homme et l'environnement;
    - conformité du projet au plan de secteur, en ce compris pour le bowling et cinéma qui peuvent être considérés comme des activités de services relevant du secteur tertiaire;
    - impossibilité d'implanter un projet de type Cora au centre-ville: absence d'une surface disponible de +/- 350.000 m2 ;
    - aucune incompatibilité du projet avec le développement des centres-villes; la zone de chalandise étant de plus 1.750.000 habitants (conurbation lilloise), l'attractivité du projet dépasse largement celle des centres-villes;
    - les quatre particularités du projet (concepts d' « Achat-Plaisir» et du «Tout sous le même toit », accessibilité optimale et parking-arboretum) permettront de drainer 9 millions de visiteurs par an dont 2 % (soit 180.000) se déplaceront en centre-ville;
    - développement de l'essor local au niveau touristique, culturel, Horeca et de loisirs;
    - réinternalisation de la clientèle belge faisant actuellement ses courses en France; développement économique et social de la Région wallonne;
    - nécessité de répondre aux besoins en termes de commerces et de services; création de 971 ETP nets (+équipes lors de la phase de construction) ;
    - prescriptions architecturales du schéma-directeur inapplicables, car incompatibles avec la définition de la zone d'activité économique mixte au plan de secteur;
    - intégration architecturale et urbanistique: panneaux d'aspect pierre de France, nombreuses plantations, structuration efficace des abords et des parkings;
    - mobilité: situation idéale à la jonction de l'autoroute A17 et des routes régionales 511 et 512 + deux giratoires permettant une fluidité du trafic; projet correctement desservi grâce aux TEC, taxis et cheminements sécurisés pour les deux roues;
    - aucune reconversion du centre commercial n'est à craindre: Cora exploitera elle-même l'hypermarché et gérera les autres activités; le succès des 7 autres centres commerciaux Cora n'est plus à démontrer; la pérennité du nouveau centre commercial est donc assurée.

    Pour mémoire, sur recours de riverains, le Conseil d'Etat a suspendu en date du 30 septembre 2008 ma décision du 4 septembre 2007.

    Pour rappel également, je donnais les éléments suivants en réponse à une interpellation du Député Senesael le 3 novembre 2008 :

    " 1. L'arrêté ministériel du 4 septembre 2007 est suspendu mais pas annulé. Cela étant, dans la mesure où le Conseil d'Etat expose clairement que la révision des plans de secteur est irrégulière, il apparaît pour ainsi dire inenvisageable de retirer l'arrêté ministériel et de délivrer à nouveau le permis unique. Tout au plus, l'arrêté ministériel pourrait éventuellement être retiré pour mettre fin à la procédure en annulation auprès du Conseil d'Etat.

    2. Il apparaît que le Conseil d'Etat ait déjà à l'une ou l'autre reprise invoqué, sur pied de l'article 159 de la Constitution, l'illégalité du plan de secteur à l'occasion de requêtes en suspension ou en annulation dirigées à l'encontre de permis d'urbanisme ou de permis uniques.

    3. Afin d'évoquer avec pertinence auprès du Gouvernement la problématique de l'illégalité de certaines zones du plan de secteur, j'ai consulté Maîtres Haumont, Delnoy et Renders. Il leur est demandé de me présenter l'éventail de possibilités s'offrant au Gouvernement pour résoudre cette problématique.

    Quelle que soit la solution retenue, le Gouvernement devra en tout état de cause se saisir de cette problématique pour y remédier dans les plus brefs délais. Convoquée à mon initiative, une réunion intercabinets s'est déjà tenue à ce sujet le 28 octobre dernier.

    4. L'administration a également été appelée à évaluer l'ampleur des zones illégales des 23 plans de secteur de la Région wallonne. Il sera sans doute malaisé de chiffrer exactement la superficie des zones concernées

    (a) en raison des motifs divers justifiant l'illégalité aux yeux de la section d'administration du Conseil d'Etat:

    - inscription d'une zone non prévue dans la nomenclature de l'arrêté royal du 28 décembre 1972 impliquant la consultation de la section de législation du Conseil d'Etat avant l'adoption de l'arrêté de révision du plan de secteur;
    - absence de motivation de l'arrêté de révision du plan de secteur par rapport à l'avis de la CRAT ou aux réclamations émises lors de l'enquête publique;

    (b) en raison de nouveaux cas d'illégalité de certaines zones non encore invoqués par le Conseil d'Etat à ce jour;

    (c) en raison également de différencier au sein des ZACC les anciennes « zones d'extension d'habitat à caractère rural » entachées d'illégalité. ».

    La situation est donc très simple: il y a un permis unique fragilisé par le zonage du plan de secteur déclaré illégal par le Conseil d'Etat, qu'il convient donc de consolider par une intervention décrétale.

    L'intervention décrétale ne pourra cependant pas être limitée aux seules zones sur lesquelles s'implante le projet de la S.A. Cora. En effet, le Conseil d'Etat a soulevé une problématique plus générale qui a pour effet d'entacher d'illégalité d'autres zones du plan de secteur et non uniquement celle du Quévaucamps.

    En conclusion, la politique que je mène en matière d'implantations commerciales :

    - ne souffre pas d'incohérence avec l'autorisation du projet Cora pour tous les éléments de fond rappelés plus haut;
    - n'a rien à voir avec la consolidation décrétale des plans de secteur qui sont entachés d'illégalités.