/

Aval donné par le Gouvernement au projet de centre "Nature et Sports" à Antoing, en contradiction avec ses déclarations en matière de développement durable.

  • Session : 2008-2009
  • Année : 2009
  • N° : 226 (2008-2009) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 15/01/2009
    • de DETHIER-NEUMANN Monika
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Quelques jours avant la séance du Gouvernement wallon du 19 décembre 2008, la presse a annoncé l'imminence de la décision du Gouvernement relative à la modification du plan de secteur afin de permettre l'implantation d'un complexe de loisirs de quelques 350 hectares de part et d'autre du canal Nimy-Blaton avec centre de glisse indoor et piscine tropicale. Fort des avis prétendus favorables du bureau d'étude d'incidences et de la CRAT, le Gouvernement serait fondé à marquer son accord sur le projet de révision de plan de secteur qui lui est soumis, sans devoir se soucier plus avant des impacts négatifs du projet sur les biotopes ou des compensations planologiques.

    Cette annonce a de quoi surprendre, d'une part, sous l'angle de la procédure de consultation des acteurs, en particulier de la CRAT et, d'autre part, sous celui de la prise en compte des charges négatives qu'entraîne le projet sur le développement durable de la Région.

    Le fait que ce centre vise à la fois à construire un centre de glisse "indoor" pour permettre des activités de neige et une piscine tropicale…induit des consommations énergétiques considérables en contradiction totale avec les efforts à fournir par notre Région en terme d'adaptation aux changements climatiques. Le Gouvernement wallon n'a pourtant eu cesse de brandir le développement durable comme moteur de son action, notamment au travers du plan air-climat.

    Monsieur le Ministre peut-il m'expliquer, au regard des objectifs de développement durable, la cohérence d'une décision qui produira directement 12.000 tonnes de CO2, indirectement, par le trafic, de 5 à 8.000 tonnes et consommera 36.700 MWh de gaz et 17.200 MWh d'électricité ?

    Sous l'angle de la procédure et des dates de décision, je suis également surprise de lire, de source bien informée, que la CRAT aurait déjà rendu officiellement son avis le 10 décembre 2008 alors que son Bureau ne s'est réuni que le 18 décembre pour approuver les remarques formulées par sa section Aménagement normatif et, ensuite, les transmettre au Gouvernement wallon.

    Concrètement, j'aimerais savoir comment Monsieur le Ministre a tenu compte des importantes remarques que fait la Commission.

    Sous l'angle du développement durable et de la prise en compte des charges négatives du projet sur l'environnement, il ressort des dernières conclusions de l'étude d'incidences sur l'environnement que de nombreuses et importantes questions demeurent ouvertes, qu'il s'agisse de la production de CO2 importante, des questions touchant aux pompages d'eau, à la mobilité ou encore à l'impact du projet sur la Forêt de Flines voisine, classée en zone Natura 2000.

    Plus particulièrement, l'on prétend que le projet n'influera pas sur le niveau de la nappe phréatique, parce que la prise d'eau se fait dans les étangs. Or, il appert que les étangs sont plus que vraisemblablement des affleurements de la nappe. Quelles sont alors les conséquences de ce pompage sur les zones humides de la forêt de Flines ?

    De même, les modalités arrêtées au titre des compensations sont extrêmement interpellantes et ravivent les incertitudes qui entourent le régime des compensations dites alternatives. En effet, la société du Bois de Péronnes devra les supporter financièrement, sans que l'on aperçoive les balises objectives qui justifient le calcul. La révision du plan de secteur est réalisée dans l'intérêt général par le Gouvernement. Comment et sur quelle base ce dernier peut-il faire payer des compensations financières à celui qui « bénéficie » de cette révision ?

    De manière plus précise :

    - la proposition d'agrandir le Grand Large ne risque-t-elle pas d'entraîner une diminution significative du site de grand intérêt biologique, géré par le Parc naturel des Plaines de l'Escaut qui sera prochainement repris dans l'inventaire de la Région wallonne (partie B du rapport de l'EIE, p.123);
    - que va-t-on faire des déblais générés par l'élargissement du Grand Large. Il est prévu d'aller les déposer dans la sablière Deviaene. Monsieur le Ministre peut-il me dire si la législation permet de déposer des inertes dans les carrières ?

    Enfin, je souhaiterais que Monsieur le Ministre nous éclaire quant aux modalités bien concrètes d'application de l'article 43, § 2 bis, du CWATUPE relatif aux incidences transfrontières d'un plan :

    - les enquêtes publiques seront-elles concomitantes de chaque côté de la frontière;
    - quelles sont les communes françaises qui seront concernées ?
  • Réponse du 04/02/2009
    • de ANTOINE André

    La législation n'impose pas au Gouvernement de soumettre les résultats de l'étude d'incidences à l'avis de la CRAT avant l'adoption provisoire du projet de plan mais bien de lui communiquer les résultats de l'étude d'incidences, ce qui a été fait le 18 novembre 2008.

    A ce stade du projet, la CRAT ne remet pas un avis d'opportunité.

    L'article 42 du CWATUP dispose en effet que: « Le Gouvernement informe régulièrement la commission régionale de l'évolution des études préalables et lui en communique les résultats. La commission régionale peut, à tout moment, formuler les observations ou présenter les suggestions qu'elle juge utiles ».

    Il est exact que le secrétariat de la CRAT a communiqué le 9 décembre 2008 le texte d'un projet d'avis daté du 28 novembre 2008 en indiquant néanmoins que l'appréciation de certaines compensations alternatives, et en particulier le creusement du Grand Large, suscitait encore des discussions et serait tranchée par le bureau de la CRAT. L'avis de la CRAT, quant à lui, est bien daté du 18 décembre 2008, soit la veille de la décision du Gouvernement wallon. Contrairement à ce que l'honorable Membre semble prétendre, j'ai pu y lire que « la CRAT prend acte avec satisfaction de l'évolution du projet et de son adaptation aux remarques précédemment formulées ».

    Je relève par ailleurs que la CRAT ne formule aucune observation particulière sur les questions que les conclusions de l'étude d'incidences vous paraissent laisser ouvertes, qu'il s'agisse de la production de CO2, des pompages d'eau, de la mobilité ou de l'impact du projet sur la forêt de Flines. Je constate aussi que la CRAT est favorable au creusement du Grand Large comme compensation alternative.

    En conclusion, les motivations de l'arrêté du Gouvernement wallon du 19 décembre 2008 se fondent sur les résultats de l'étude d'incidences et de son complément ainsi que sur les observations et suggestions que la CRAT a formulées tout au long de la procédure d'évaluation environnementale jusque et y compris son projet d'avis daté du 28 novembre 2008, qui ne diffère de son avis du 18 décembre 2008 que sur l'opportunité de deux compensations alternatives (la desserte par bus du Centre et la création d'un accès direct vers la R.N. 52 via la grand'route).

    Le Gouvernement wallon estime que l'agrandissement du Grand Large profitera avant tout à la collectivité. Il figure d'ailleurs comme tel au plan de secteur et permettra à l'ADEPS de disposer d'un équipement rationnel afin d'organiser des régates. Je suis heureux que la CRAT partage ce point de vue. La décision du Gouvernement wallon prévoit en outre de préserver le site de grand intérêt biologique dans la configuration proposée par l'auteur d'étude d'incidences.

    Il est exact que l'auteur de projet propose d'entreposer les déblais générés dans l'ancienne carrière Deviaene afin de minimiser les impacts sur le réseau routier du déplacement d'un volume de terre important. Il va de soi que cette proposition doit être examinée au regard de la législation relative aux déchets.

    En ce qui concerne les chiffres de consommation du projet que l'honorable Membre cite, qu'il me permette d'insister d'abord sur le fait qu'il s'agit d'une première évaluation établie sur base des hypothèses du promoteur. Je rappelle que le Gouvernement wallon s'est prononcé au mois de décembre sur un projet de révision du plan de secteur de Tournai-Leuze-Péruwelz et non sur un permis d'urbanisme.

    J'insiste surtout sur le fait que la révision du plan de secteur entreprise par le Gouvernement wallon poursuit avant tout une finalité économique et qu'il a choisi ici le vecteur du tourisme pour développer l'emploi dans la région. Les conclusions de l'étude d'incidences sont à cet égard rassurantes puisque l'estimation globale de création de 800 emplois indiquée par le promoteur du centre de loisirs nature et sports est jugée réaliste. Je conviens aisément avec vous qu'il faut faire preuve de beaucoup d'imagination pour doper l'économie wallonne tout en respectant les objectifs de Kyoto et nous aurons cette exigence sur ce projet comme sur tous les projets de développement économique de la Wallonie.

    Quant aux enquêtes publiques, l'article 43 du CWATUP dispose que " Lorsque l'aménagement proposé par le projet de plan est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ( ... ) d'un autre État membre de l'Union européenne ( ... ), le projet de plan accompagné de l'étude d'incidences et des informations éventuelles sur les incidences transfrontières est transmis aux autorités compétentes de ( ... ) cet autre État membre de l'Union européenne ( ...) ". Il n'appartient donc pas à la Région wallonne d'organiser les enquêtes publiques sur le territoire français. En revanche, je confirme à l'honorable Membre que le projet sera transmis aux autorités françaises, en l'occurrence le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais ainsi que la préfecture de la Région du Nord-Pas-de-Calais, qui, pour mémoire, avaient été tous deux concertés sur l'ampleur et le degré de précision des informations devant figurer dans l'étude d'incidences.