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Recours judiciaire à propos de la politique du certificat vert de la Région wallonne

  • Session : se2009
  • Année : 2009
  • N° : 9 (se2009) 1

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  • Question écrite du 20/08/2009
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    « L’Echo » dans son édition du 6 août 2009 fait référence dans un titre au fait que « Le certificat vert vire au verdâtre ».

    M. Gérard Guillaume, journaliste dans ce quotidien de la presse financière, fait état qu’une scierie wallonne produisant accessoirement de l’électricité saisira ou a saisi le Conseil d’État et la Cour européenne de Justice en raison d’une discrimination dont la production d’électricité qu’elle assure fait l’objet de la part de la Région wallonne par rapport à d’autres producteurs d’électricité.

    Selon cet article, il y aurait une discrimination positive en faveur de la biomasse et du photovoltaïque que rien ne justifierait.

    Il va évidemment de soi que la Justice, dans le cadre de ces contentieux administratifs ou judiciaires, se prononcera en toute indépendance dans le respect absolu du principe de la séparation des pouvoirs.

    L’objet de la question, sans interférer dans la procédure judiciaire en cours, est de savoir quelles sont les aides apportées à chaque producteur d’électricité verte, qu’il s’agisse du photovoltaïque, de l’éolien, et ainsi de suite.

    D’autre part, la Région wallonne a-t-elle été saisie à ce jour du recours annoncé par le quotidien « l’Echo » ?

    Quel est l’avocat qui assurera la défense des intérêts de la Région wallonne dans ce
    dossier ?

    Une procédure de marchés de services en respectant la législation sur les marchés publics a-t-elle été mise en place pour désigner le conseil appelé à défendre les intérêts de la Région devant tant le Conseil d’État que la Cour européenne de justice ?
  • Réponse du 10/09/2009
    • de NOLLET Jean-Marc

    Contexte

    Le décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité prévoit, en son article 38, § 2, qu'un certificat vert sera attribué pour un nombre de kWh produits correspondant à 1 MWh divisé par le taux d'économie de dioxyde de carbone, Le taux d'économie de dioxyde de carbone est déterminé en divisant le gain en dioxyde de carbone réalisé par la filière envisagée par les émissions de dioxyde de carbone de la filière électrique classique dont les émissions sont définies et publiées annuellement par la CWaPE. Ce taux d'économie de dioxyde de carbone est limité à 1 pour la production générée par installation au-delà de la puissance de 5 MW. En dessous de ce seuil, il est plafonné à 2.

    Toutefois, le même article en son § 3 prévoit une disposition qui permet aux installations de cogénération biomasse jusqu'à 20 MW de bénéficier d'un niveau de soutien renforcé également limité à 2 à condition de mettre en œuvre un processus particulièrement innovant et de s'inscrire dans une perspective de développement durable,

    Une décision sur le caractère particulièrement innovant du processus utilisé est prise par le Gouvernement après avis de la CWaPE.

    Exposé du problème

    En date du 22 juillet 2008, l’administration de l'Énergie a sollicité l'avis de la CWaPE sur le caractère innovant du processus utilisé pour le site de cogénération biomasse de la S.A. IBV.

    L'installation de cogénération biomasse de la S.A . IBV est constituée de deux chaudières bois (2x41 MW) valorisant des résidus provenant principalement de son activité de sciage (écorces) ainsi que d’autres résidus issus de la sylviculture, de l'horticulture et des industries connexes. La puissance calorifique de cogénération nette valorisable est de 27,40 MW.

    Dans les conditions nominales, le rendement électrique net est de 21,37 % et le rendement en chaleur est de 32,95%, soit un rendement global de la cogénération de 54,32 %.

    Le dossier introduit par la S.A. IBV à l'administration de l'Énergie en date du 23 juin 2008 avance deux aspects technologiques innovant! relatifs à l'installation de cogénération biomasse.

    Le premier aspect concerne la valorisation de combustibles bois présentant une humidité élevée (teneur en eau de 50 % en moyenne), caractéristique des résidus de la scierie IBV. La valorisation de combustibles bois présentant une humidité élevée n'est toutefois pas une première en Région wallonne. D'autres installations de cogénération biomasse certifiées et enregistrées dans la banque de données de la CWaPE disposent de chaudières capables de valoriser du bois avec une teneur moyenne en eau de 50 %,

    Le second aspect vise la turbine dont la conception à double étage de condensation permet d'optimiser la production d'électricité tout en garantissant une récupération de la chaleur de cogénération via la boucle de chauffage 70-93°C imposée par la nature des besoins en chaleur d'IBV.

    Cette configuration ne constitue toutefois qu'une solution à un problème d'optimisation du cycle vapeur parmi d'autres déjà implémentées en Région wallonne dans des installations certifiées et enregistrées dans la banque de données de la CWaPE et cela même dans des gammes de puissance inférieures.

    Sur base de l'analyse des deux aspects technologiques avancés par IBV, la CWaPE a conclu que l'installation de cogénération biomasse de la S.A. IBV de par son optimisation poussée répond probablement au critère de « meilleure technologie disponible » mais ne constitue pas en soi une première technologique en Région wallonne(1).

    L'arrêté du Gouvernement wallon du 18 juin 2009 a donc suivi l'avis de la CWaPE et constaté que la société IBV &. Cie ne remplit pas les conditions pour pouvoir bénéficier du dispositif de soutien prévu par l'article 38, § 3, précité,

    1. Quelles sont les aides apportées à chaque producteur d'électricité verte en fonction de sa filière ?

    Le taux d'octroi moyen effectif en 2008 pour l'ensemble du parc de production d'électricité verte a été de 0,6 (CV/MWh). Avec un prix de marché moyen de 88,37 euros/CV en 2008, le niveau de soutien moyen a été de 53,28 euros/MWh. Le tableau ci-dessous donne les valeurs du niveau de soutien moyen ventilé par filière(2).

    ______________________________________________________
    Filière Taux d’octroi Prix moyen Niveau de
    moyen au producteur soutien moyen
    (CV/MWh) (euro/CV) (euro/MWh)
    ______________________________________________________
    Solaire PV 6,673 89,69 598,47
    Hydraulique 0,522 90,41 47,16
    Eolien 0,998 86,59 86,45
    Biomasse 0,680 91,69 62,36
    Cogénération 1,042 90,71 11,35
    biomasse
    Cogénération 0,125 90,71 11,35
    fossile
    ______________________________________________________
    Toutes 0,603 88,37 53,28
    filières
    vertes
    ______________________________________________________

    Ce tableau illustre la capacité du mécanisme de soutien wallon à moduler le soutien de l’électricité verte en fonction des surcoûts de production de chaque filière. Ce soutien moyen peut ainsi directement être comparé avec un système de feed-in premium; la comparaison avec un système de feed-in tariff requiert l'ajout du prix de vente de l'électricité. De plus, pour être tout à fait complet, le revenu du producteur d'électricité verte devrait également inclure la vente des LGO (label de garantie d'origine). Le prix moyen du LGO wallon vendu en 2008 était de 0,274 euros/LGO. Enfin, ce revenu n'inclut ni prime, ni avantage fiscal éventuel.

    On peut donc constater que le niveau effectif de chaque filière dépend non seulement du taux d'octroi mais également du prix négocié qui peut être très différent en fonction de la filière.

    Un petit bémol doit être mentionné, le prix moyen de vente des CV calculé par filière ne porte que sur une partie du parc de production. Par exemple, pour la filière biomasse, les CV de la centrale des AWIRS ne font généralement pas l'objet d'une vente mais sont utilisés directement par Electrabel pour remplir son quota.

    En ce qui concerne les coefficients multiplicateurs appliqués au photovoltaïque, il est important de noter qu’ils peuvent être revus par le Gouvernement tous les deux ans sur base d'un rapport de la CWaPE dans lequel sont analysés le taux de pénétration de la filière de production d'électricité verte, les éventuelles avancées technologiques en rapport avec la filière et la décroissance des coûts d'investissement.

    2. La Région wallonne a-t-elle été saisie des recours annoncés par le quotidien l'Echo ?

    En ce qui concerne les possibles recours mentionnés dans l'article de presse précité, nous pouvons préciser, qu'a l'heure actuelle, aucune notification d'un quelconque recours n'est encore parvenue à la Région wallonne,

    Il est cependant utile de relever qu'un recours en annulation devant la Cour Constitutionnelle a été précédemment intenté par la société en question et ce à l'encontre de l'article 57 du Décret du 17 juillet 2008 modifiant le Décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité. Cet article disposant que:

    « L'article 38, § 3, du même décret est interprété en ce sens que l'exclusion des installations valorisant le bois du bénéfice du régime qu'il prévoit, s'entend des installations valorisant toute matière ligno-cellulosique issue de l'arbre, de tout feuillus et de tout résinera sans exception (y compris les taillis à courte ou très courte rotation), avant et/ou après tout type de transformation. ».

    Ce recours est toujours pendant.

    En conséquence, les informations stipulées dans l'article du quotidien « L'Echo » concernant cette probable procédure en justice devant le Conseil d'état et/ou devant la Cour de Justice des Communautés européennes nous semblent cohérentes eu égard à l'historique du dossier.

    3. Quel est l'avocat qui assurera la défense des intérêts de la Région wallonne ? Une procédure de marché de services a-t-elle été mise en place pour désigner le conseil appelé à défendre les intérêts de la Région devant le Conseil d'Etat et la Cour européenne de Justice ?

    Quant à la désignation de l'avocat qui représenterait la Région wallonne dans ces éventuelles procédures le cas échéant, l'administration de l'énergie ne manquera pas de se conforter, comme elle en a l'usage, aux principes repris dans la circulaire du 5 décembre 2008 relative à l'application de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics, aux services juridiques de conseil et de représentation devant les juridictions (publiée au Moniteur belge du 16 décembre 2008).

    Pour rappel, cette circulaire prévoit qu'en cas de contentieux non régulier, ce qui est bien le cas pour l'administration de l'énergie, une procédure négociée sans publicité pourra être mise en œuvre et ce dans le respect des dispositions de l'article 17, § 2, 2°, de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics.

    _____________________________
    (1) AVIS CD-9f02-CWaPE-234 concernant « Ie caractère innovant du site de cogénération biomasse de la SA IBV), rendu en application de l'article 15 quinquies, § 2, alinéa 3 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 30 novembre 2006 relatif à la promotion de l'électricité produite au moyen de sources d'énergie renouvelables ou de cogénération.
    (2) Source: « Extrait du rapport annuel spécifique 2008 » (version du 7 août 2009).