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Notion de conflit d'intérêt, les propositions de décisions de l'administration et les recours au Conseil d'Etat

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2009
  • N° : 78 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 02/12/2009
    • de FOURNY Dimitri
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville

    Lors de notre dernière séance de Commission, j’interrogeais Monsieur le Ministre quant à l'interprétation à donner à la notion de conflit d'intérêt.

    Il m'a répondu qu'en l'état actuel du droit administratif, l'intérêt en conflit doit être : direct et personnel, matériel, ainsi que né et actuel au moment de la délibération en ce qu'il ne concerne ni une éventualité, ni le passé.

    Le conflit d'intérêt doit donc s'apprécier à la lumière de ces conditions dans chaque cas d'espèce.

    Monsieur le Ministre nous assurait du respect par son administration, qui formule les propositions de décision en matière de Tutelle , de cette ligne de conduite. Il se retranchait derrière elle, en affirmant ne s’être écarté en rien des propositions qui lui ont été formulées.

    Cependant, dans un arrêt du 13 août 2009, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique du 23 octobre 2006 qui annule trois délibérations du Collège communal de Libramont. Le motif invoqué est que la Région wallonne (partie adverse) n'a pas réagi dans le délai de trente jours à compter de la notification du rapport de l'auditeur dans lequel l'annulation est demandée.

    Comment Monsieur le Ministre explique-t-il que l'administration qui dicte les décisions de la Région en matière de Tutelle n'ait pas défendu auprès du Conseil d'Etat ses propres propositions de décisions ? Pourquoi l'administration agit-t-elle de la sorte et ne va-t-elle pas jusqu'au bout de son analyse ? Est-ce une négligence de sa part ou est-ce un aveu du bien-fondé de la décision initiale?

    Ensuite, dans sa réponse, Monsieur le Ministre expliquait que la différence de solutions entre les deux recours introduits pour conflit d'intérêt se justifiait par l'absence d'intérêt né et actuel dans l'un des recours.

    Que Monsieur le Ministre me permette de revenir quelques instants sur ces deux cas de figure.

    Comment expliquer à la population que l'intérêt en conflit est au stade de l'éventualité lorsqu'une salle communale est mise à disposition du neveu du bourgmestre mais qu'il est avéré lorsqu'un terrain est mis à disposition d'un échevin.

    Pour pouvoir installer un bistrot de terroir, le neveu du bourgmestre avait inévitablement besoin d'une salle. Sans salle, il n'y a pas moyen d'installer ni table, ni chaise, ni client. Sans cette salle, il n'y aurait donc aucune retombée financière possible.

    Tout comme dans le premier recours, sans terrain, il n'y aurait aucune possibilité de faire fructifier les graines de sapin.

    De plus, rien ne prouve, au moment des deux décisions que le bistrot va être rentable ni que les graines vont prendre…

    Dès lors, l'éventualité de l'intérêt en conflit doit-elle, à ce point, être prise en compte dès lors que la certitude d'un intérêt est rare ? L'éventualité de l'intérêt n'est-elle pas tellement subjective qu'elle s'apparente en fait à une sortie de secours pour s'extirper de situations difficiles ? Ne faudrait-il pas mener une réflexion globale sur les conditions du conflit d'intérêt et veiller à les clarifier davantage?
  • Réponse du 14/12/2009
    • de FURLAN Paul

    La question de l’honorable Membre est relative à trois problématiques.

    La première concerne la jurisprudence du Conseil d'Etat. Les deux autres sont relatives à deux dossiers particuliers examinés dans le cadre de la tutelle et à la réflexion globale quant à la notion de conflits d'intérêts. Ces deux points ont déjà fait l'objet d'une réponse de ma part lors de la séance de Commission du 20 octobre, je renverrai donc l’honorable Membre au compte rendu de Commission en insistant à nouveau sur le fait que la notion de conflit d'intérêt ne peut en aucun cas faire l'économie d'une analyse individuelle de chaque cas particulier.

    Par ailleurs l’honorable Membre enfonce, et il le sait très bien, une porte ouverte en suggérant une analyse globale de la notion de conflit d'intérêt. Cette réflexion est prévue dans la Déclaration de politique régionale car je me suis aussi déjà exprimé à ce sujet, nombreux sont ceux qui parlent de conflits d'intérêts mais combien d'entre eux en ont la même définition.

    Pour ce qui concerne l'arrêt du Conseil d'Etat du 13 août 2009 qui sanctionne un arrêté d'annulation de mon prédécesseur quant à trois délibérations du Collège communal de Libramont. Mon prédécesseur et l'administration n'ont commis aucune erreur dans l'instruction du dossier et dans la conduite du recours devant le Conseil d'Etat.

    En effet, le recours en annulation devant le Conseil d'Etat introduit par la commune de Libramont a fait l'objet d'un mémoire en réponse adressé au Conseil d'Etat le 24 mai 2007 et qui rencontrait tous les moyens d'annulation soulevés par la requérante. Suite au rapport de l'auditeur, le greffe du Conseil d'Etat a adressé un courrier à la Région pour l'envoi éventuel d'un dernier mémoire. Tous les arguments ayant été développés dans le mémoire initial, mon prédécesseur a adressé un courrier au greffe du Conseil d'Etat renonçant à cette possibilité.

    Le Conseil d'Etat a alors utilisé la procédure simplifiée prévue par l'article 30 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et qui a abouti à l'annulation.

    Il est donc faux de prétendre que la Région et l'administration ne se sont pas défendues dans ce dossier.

    Au contraire, nous avons défendu la prérogative de l'autorité de tutelle d'examiner dans les délais prévus par le Code, les délibérations attaquées au moment où elles lui sont communiquées.
    Je rappelle que dans le dossier en objet, il n'y avait aucune obligation de transmission des actes à la tutelle. Celle-ci agissait depuis 1999 exclusivement sur recours.

    Force est de constater que le Conseil d'Etat, 10 ans plus tard, développe une jurisprudence qu'il m'appartient de respecter.

    J'insiste d'ailleurs pour que l’honorable Membre comprenne que l'arrêt du Conseil d'Etat ne remet pas en cause le constat par l'administration et mon prédécesseur de l'existence d'illégalités qui ont été commises dans les 3 dossiers de la commune de Libramont. Il faut d'ailleurs remarquer que l'auditeur ne remettait pas non plus en cause le caractère illégal des trois délibérations prises par les autorités communales dans son rapport.

    Il mettait par contre en avant le principe général de « sécurité juridique ».

    Ce principe ne permet pas à une autorité administrative de retirer ou d'annuler un acte administratif en dehors du délai de 60 jours accordé à une personne pour contester la légalité d'un acte administratif devant le Conseil d'Etat et cela même si l'acte administratif en cause est entaché d'illégalité.

    Je terminerai en disant que je ne suis pas l’honorable Membre lorsqu’il remet en cause l'objectivité et la probité de mon administration dans son travail. Surtout lorsqu'il reprend des propos que j'ai tenus sur les conflits d'intérêts en les confrontant aux suites d'un arrêt du Conseil d'état qui, bien que relatif à trois dossiers comportant des problèmes de conflit d'intérêts, ne se prononce en aucun cas sur l'existence ou non d'un tel conflit d'intérêts.