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Renforcer la confiance des citoyens dans les institutions et les élus (1)

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 25 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 18/01/2010
    • de EERDEKENS Claude
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    La Déclaration de politique régionale wallonne 2009-2014 prévoit « la création d'une Commission indépendante de déontologie et d'éthique dont la composition s'inspirera du modèle de la Cour constitutionnelle. Elle dépendra conjointement des Parlements de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Région wallonne et de la CoCof (Commission communautaire française). Elle exercera sa compétence à l'égard des Ministres régionaux et communautaires, des élus régionaux et communautaires, des élus locaux, des gestionnaires et mandataires des Administrations et des organismes d'intérêt public et assimilés ainsi que des administrateurs publics au sens des décrets de 2004.

    Cette Commission sera chargée:

    - de formuler un avis sur les propositions en matière de rationalisation, d 'harmonisation et de renforcement des différentes règles énoncées précédemment ;
    - de formuler des avis d'initiative, à la demande du Parlement ou du Gouvernement ;
    - d'assurer le respect des règles actuelles et futures en matière de conflit d'intérêts, d'incompatibilité, de limitation du nombre de mandats et autres règles de déontologie, et de sanctionner les manquements éventuels .. la sanction pouvant aller jusqu'à la déchéance du mandat ;
    - d'assurer l'exécution et le respect des règles en matière de contrôle et de limitation des rémunérations et de sanctionner les manquements éventuels ;
    - de dispenser des avis autorisés en matière de déontologie et de conflit d'intérêts aux mandataires publics et aux gouvernements qui en font la demande ;
    - de sanctionner les manquements au Code déontologie et de créer une jurisprudence en la matière » .

    Cette intention apparemment louable soulève en cascade une multitude de difficultés juridiques.

    Qu'entend-on par « Commission indépendante de déontologie et d'éthique » et pour quelles raisons avoir utilisé l'adjectif « indépendante » dès lors qu'une Commission de déontologie et d'éthique doit a priori être par nature indépendante du pouvoir exécutif ou d'un autre pouvoir ?

    Vis-à-vis de quels pouvoirs doit-elle être indépendante? Doit-elle l'être à l'égard du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif, du pouvoir judiciaire, du pouvoir des médias ou d'un cinquième pouvoir à imaginer ?

    Dès lors qu'il s'agit pour cette Commission de s'inspirer du modèle de la Cour constitutionnelle, qu'entend-on exactement par ces termes?

    Qui désignera les membres de cette Commission?

    Comment pourra-t-elle être à la fois compétente pour la Région wallonne, la Communauté française de Belgique et la CoCof ?

    Comment peut-elle constitutionnellement et au regard des lois spéciales dépendre conjointement de 3 Parlements?

    Tant il est possible de tenter de comprendre qu'elle puisse exercer une compétence à l'égard des Ministres régionaux et communautaires et des élus régionaux et communautaires, comment justifier une compétence à l'égard des élus locaux alors qu'en Wallonie, les élus locaux dépendent exclusivement de la Région wallonne et non d'une structure hybride pouvant envelopper en sus le Parlement de la Communauté française et la CoCof ?

    Cette Commission indépendante de déontologie et d'éthique sera-t-elle créée par un décret et dans l'affirmative s'agira-t-il d'un décret identique pour les trois Parlements concernés?

    A défaut de décret, quelle est la base juridique sur laquelle s'appuiera ladite Commission?

    La Commission indépendante de déontologie et d'éthique sera-t-elle composée à la proportionnelle des partis politiques représentés dans les Parlements concernés?

    S'il s'agit de nominations par les parlements de personnes choisies par des partis politiques, comment pourra-t-on justifier l'indépendance de cette Commission dès lors que les personnes qui seraient désignées le seraient en fonction d'un choix politique?

    Dès lors que cette Commission sera chargée notamment « d'assurer le respect des règles actuelles et futures en matière de conflit d'intérêts, d'incompatibilité, de limitation du nombre de mandats et autres règles de déontologie, et de sanctionner les manquements éventuels ; la sanction pouvant aller jusqu'à la déchéance du mandat » comment une telle Commission pourra-t-elle juridiquement sanctionner des élus et les déchoir de leur mandat ?

    Tout cela apparaît juridiquement tout à fait incompréhensible,

    En effet, un Ministre régional wallon ne peut être renversé que par une motion de défiance constructive, les Ministres régionaux et le Ministre président étant désignés par une majorité de parlementaires qui signent leurs présentations.

    Seul le Parlement wallon peut d'une certaine façon déchoir de son mandat un Ministre régional et non point une Commission indépendante?

    Offrir à une commission Indépendante la faculté de déchoir un Ministre régional constitue une monstruosité juridique puisqu'une Commission composée, Dieu sait comment, aurait le pouvoir de défaire les Ministres.

    Il est en de même pour les parlementaires régionaux qui tirent leur légitimité d'une élection démocratique. On ne peut imaginer que les parlementaires régionaux soient déchus de leur mandat par une Commission prétendument indépendante, et dont les membres seraient choisis soit par l'exécutif, soit par les Parlements. Les cas de déchéance qui peuvent exister résultent de peines prononcées par des juridictions pénales pouvant prévoir la déchéance des droits civils et politiques et donc la perte d'un mandat.

    De surcroît, offrir à ladite commission indépendante la faculté de déchoir les Ministres régionaux ou les Parlementaires régionaux aboutirait à faire de cette Commission une juridiction de jugement.

    La Commission indépendante de déontologie et d'éthique sera-t-elle composée de magistrats choisis à la proportionnelle des partis politiques?

    Comment justifier l'indépendance de tels magistrats s'ils sont choisis politiquement, une majorité d'un moment pouvant défaire les élus de la minorité?

    Comment les droits de la défense seront-ils assurés devant cette Commission prétendument indépendante?

    D'autre part, la jurisprudence de la Cour de Justice européenne et la Convention sur les droits de l'homme prévoient qu'il puisse y avoir une possibilité de recours.

    Quelle sera l'instance juridictionnelle chargée d'apprécier en deuxième degré ou en deuxième ressort les décisions de déchéance de mandat de Ministres régionaux et parlementaires régionaux prononcées par ladite Commission indépendante d'éthique et de déontologie?

    Quelle sera la procédure mise en œuvre à l'égard des mandataires locaux?

    La crainte est grande à leur égard de voir un Gouvernement s'en prendre aux bourgmestres et échevins de l'opposition?

    Comment va-t-on assurer le respect de règles strictes pour éviter des règlements de comptes politiques et la tentation totalitaire des partis au pouvoir?

    Très curieusement, il n'est rien prévu pour les manquements à l'éthique des membres de la commission indépendante de déontologie et d'éthique. Enfin il est prévu que cette Commission puisse sanctionner les manquements au code de déontologie et créer une jurisprudence en la matière.

    Comment peut-on imaginer qu'elle puisse, sans être une instance juridictionnelle, prononcer des sanctions à l'égard de tout élu pouvant être concerné ?

    Et, d'autre part, qu'en est-il des articles constitutionnels relatifs à l'immunité, toute relative il est vrai, dont bénéficient les parlementaires et ministres?

    Les monstruosités juridiques que l'on prépare vont à l'encontre des principes généraux du droit, de la Constitution, des lois spéciales de la Convention sur les droits de l'Homme, de l'organisation du pouvoir judiciaire, de l'organisation du Conseil d'état, de la Cour constitutionnelle et j'en passe, ... Bref, comme aurait dit le Général de Gaulle: « Comment va-t-on faire fonctionner ce machin ? ».
  • Réponse du 08/02/2010
    • de DEMOTTE Rudy

    En réponse à la question écrite de l'honorable Membre, au demeurant très complète et juridiquement bien argumentée, il est porté à sa connaissance les éléments suivants :

    La Déclaration de politique régionale prévoit la création d'une commission de déontologie dont la composition et le fonctionnement devraient être inspirés à la fois de la Cour des Comptes et de la Cour constitutionnelle.

    Comme tout accord de Gouvernement, cette Déclaration de politique régionale fixe donc un objectif et esquisse les axes suivant lesquels le Gouvernement, investi du soutien d'une majorité parlementaire, va mettre celui-ci en œuvre concrètement.

    Le Gouvernement wallon travaille en ce sens et à un rythme soutenu comme le montrent les cinq premiers mois de son activité et qui ont permis l'actualisation partenariale de la stratégie régionale de développement - le plan Marshall 2.vert -, l'élaboration de plusieurs décrets importants sur la gouvernance ou encore la réalisation d'un budget qualifié de plus difficile de l'histoire de notre Région.

    Le Gouvernement s'emploie ainsi, également, à la définition des formes de la Commission de déontologie évoquée par l'honorable Membre.

    En ce sens, les questions juridiques soulevées pour cette mise en œuvre et largement synthétisées par l'honorable Membre, font actuellement l'objet d'une analyse, opérée à la fois par mes services et par un groupe de travail institué pour examiner spécifiquement les questions liées à la gouvernance. Certaines de ces questions pourraient d'ailleurs faire l'objet d'une analyse juridique opérée par une expertise externe.

    A ce stade, s'il est possible de le rassurer sur la détermination du Gouvernement à traduire cet engagement dans des formes juridiquement adéquates, il s'avère que la démarche entreprise est insuffisamment aboutie à ce stade pour répondre précisément aux questions précises qu'il soulève.

    Le parcours législatif de ce projet, éclairé de l'avis du Conseil d'Etat, donnera cependant aux membres de notre Parlement, la possibilité d'analyser la solution qui sera proposée à leur vote.