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Abu Dhabi et le nucléaire

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 196 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 03/02/2010
    • de EERDEKENS Claude
    • à NOLLET Jean-Marc, Ministre du Développement durable et de la Fonction publique

    Ce pays arabe proche du Qatar, de l'Arabie Saoudite et des autres royaumes pétroliers connaît le bonheur d'être assis sur une nappe de pétrole et peut-être de gaz naturel comme le Qatar.

    Ces petits royaumes, peu peuplés, disposent en matière d'énergie fossile d'un potentiel susceptible de faire rêver notre Wallonie.

    Très curieusement ou plutôt très intelligemment, Abu Dhabi a décidé de se lancer dans la construction de quatre centrales nucléaires de 1400 mégawatts chacune.

    Le «Figaro économie» l'annonce dans son édition du lundi 28 décembre 2009.

    Dans ce marché colossal, les Français pourtant bien présents sur le terrain ont été pris de vitesse par un consortium Sud Coréen. Cela signifie qu'à terme, ce petit royaume disposera d'une capacité nucléaire de quatre fois 1.400 mégawatts ou 5.600 mégawatts, 12 fois plus que ses besoins propres tout en disposant d'une manne pétrolière incroyable.

    Sous la législature fédérale 1999-2003, la Belgique a décidé l'abandon du nucléaire, ce qui concerne bien entendu la Wallonie.

    Certes, le Ministre Paul Magnette et le Gouvernement fédéral ont décidé de la prolongation de trois réacteurs nucléaires situés en Belgique, l'un en Wallonie, dont l'arrêt avait été programmé à bref délai et qui seront donc prolongés.

    Cette décision relève de la compétence du Gouvernement fédéral et non du Gouvernement wallon.

    Ce dernier ne s'est pas exprimé sur le sujet dès lors qu'au sein de l'Olivier, deux partis, le CDH et PS participent au Gouvernement fédéral et cautionnaient cette décision du Gouvernement fédéral tandis que Monsieur le Ministre, dont le parti est dans l'opposition du Gouvernement fédéral, a critiqué la décision inspirée par le Ministre Magnette.

    Dès lors que des pays pétroliers se lancent dans la production d'électricité nucléaire au moment où la Belgique et donc la Wallonie ont décidé de ne plus admettre à l'avenir de nouveaux réacteurs nucléaires, cela ne va-t-il pas mettre davantage la Wallonie en dépendance énergétique vis-à-vis de l'étranger dès lors que les besoins en énergie ne cessent de croître et que d'autre part, la Wallonie n'a ni pétrole et n'aura plus à terme de réacteurs nucléaires qui inéluctablement seront, je l'espère plutôt tard que tôt, mis hors service ?

    Comment la Wallonie peut-elle garantir son indépendance énergétique à l'horizon 2030 et 2050 dans ces conditions et à des prix raisonnables pour les citoyens et les entreprises ?
  • Réponse du 25/02/2010
    • de NOLLET Jean-Marc

    Je ne partage pas l'impression de l'honorable Membre sur le bonheur que procurerait la possession de gisements pétroliers et gaziers dans les Etats du Moyen Orient. L'Histoire n'est pas tendre envers les pays riches en hydrocarbures. La question cruciale qui a déterminé et détermine encore l'avenir des peuples habitant ces territoires est simple : la démocratie a-t-elle émergé avant la découverte des gisements ? Les Etats-Unis, la Norvège, l'Angleterre ou encore les Pays-Bas ont pu tirer profit de la richesse de leur sous-sol au bénéfice de leur nation, car les institutions démocratiques étaient déjà en place et la stabilité politique de ces pays permettait une relative bonne utilisation des recettes dégagées.

    La situation est évidemment tout autre pour les pays où la démocratie est balbutiante. L'expérience montre même qu'une fois les ressources découvertes, il devient difficile pour un pays de s'orienter vers une démocratie réelle. L'or noir devient alors une proie attirant nombre de prédateurs, qui des multinationales sans vergogne, qui des Etats assoiffés de combustibles. Le tunnel semble alors interminable pour de millions de gens ...

    Le modèle d'une consommation à outrance de combustibles fossiles et fissiles ne me paraît donc certainement pas une voie à suivre pour la Belgique et la Région wallonne. Dans une Région telle que la Wallonie, où la démocratie participative n'est pas un vain mot, je doute également qu'un projet de nouvelle centrale nucléaire puisse être facilement accepté par la population.

    Ensuite, je rappelle à l'honorable Membre qu'en vertu de l'article 6, § 1er, VII de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, le cycle du combustible nucléaire est de compétence fédérale. Or l'article 3, de la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire à des fins de production industrielle d'électricité interdit la construction de nouvelles centrales nucléaires sur le territoire belge. Il n'y a donc pas lieu pour la Région wallonne d'investiguer une piste qui serait de toute façon proscrite selon les termes de la loi fédérale.

    En outre, la technologie EPR dont il est fait référence doit encore faire ses preuves. Les expériences actuelles de construction de centrales de ce type sont plutôt défavorables, avec notamment des retards successifs dans les plannings de construction et des augmentations substantielles de coûts par rapport aux prévisions initiales. Les experts du rapport GEMIX mentionnent d'ailleurs que « l'éventuelle construction d'une nouvelle unité nucléaire n'a pas été envisagée par GEMIX parce que non prévue par la loi, ne s'inscrivant pas dans l'objectif de la constitution d'un mix énergétique équilibré et présentant encore beaucoup d'incertitudes concernant le coût opérationnel réel de cette nouvelle génération de réacteurs ».

    A l'horizon 2050, il est périlleux d'annoncer avec certitude, quelle sera la consommation finale d'énergie, le mix énergétique de production électrique, l'offre d'énergie mondiale ou le prix de l'énergie. Une certitude cependant : il faut consommer moins et mieux, afin de respecter l'engagement du Gouvernement wallon au travers de la déclaration de politique régionale, à« poursuivre ( ... ) une stratégie qui permette de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 30% d'ici 2020 et de 80 à 95% d'ici 2050. Cela doit s'inscrire, de façon concertée, dans une approche belge et européenne ». Durant cette législature, et tenant compte de mes champs de compétence, je compte renforcer les deux piliers qui sont constitutifs de l'architecture d'une énergie durable au XXlème siècle :
    - la maîtrise de la demande d'énergie, notamment grâce à la mise en place de la première Alliance emploi-environnement et le lancement d'accords de branche de seconde génération;
    - la montée en puissance des sources d'énergie renouvelables, notamment en renforçant les mécanismes de soutien à l'électricité verte et en développant le soutien à la chaleur verte.