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Les problèmes de sous-traitance de marchés au sein des communes

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 175 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 09/02/2010
    • de FOURNY Dimitri
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Dans de nombreuses actions, les pouvoirs locaux sont confrontés à l'application de la réglementation relative aux marchés publics. Cette réglementation est particulièrement complexe et se voit renforcée par de nombreux autres codes, directives et arrêtés applicables en Région wallonne.

    Il en va ainsi du Code de la démocratie locale et de la décentralisation.

    C'est ainsi que l'article L1125-10 du Code de la démocratie et de la décentralisation dispose :

    " Outre les interdictions visées à l'article L1122-19, il est interdit à tout membre du conseil et au bourgmestre :
    1° de prendre part directement ou indirectement dans aucun service, perception de droits, fourniture ou adjudication quelconque pour la commune;
    (…) "

    Cette disposition doit permettre aux pouvoirs locaux de préserver le grand principe de la mise en concurrence et d'un traitement égalitaire des candidats soumissionnaires.

    Cependant, ce principe devient plus flou lorsqu'il s'agit de sous-traitance.

    Bien qu'il soit demandé au candidat soumissionnaire de préciser dans son offre la liste des sous-traitants éventuels, il est fréquent que l'entreprise n'ait pas encore conclu d'accord avec un sous-traitant. Le pouvoir adjudicateur ne peut donc prévoir une quelconque incompatibilité.

    La réglementation actuelle prévoit explicitement, à l'article 10 de l'annexe à l'arrêté royal du 26 septembre 1996, l'interdiction pour l'adjudicataire de faire participer les personnes concernées à la conduite ou à la surveillance de tout ou partie du marché. La jurisprudence quant à elle " n'interdit pas à tout conseiller communal et au bourgmestre d'être sous-traitant d'un entrepreneur ou d'un fournisseur attributaire d'un marché au nom de sa commune ".

    En 2007, en réponse à une question sur cette même thématique, votre prédécesseur m’avait fait part de sa vision du problème. Selon lui, « même si les dispositions relatives au contenu obligatoire d'une offre font expressément référence à la sous-traitance et à l'identification des sous-traitants, il est constant, et c'est lié à un certain fonctionnement économique, que l'identité des sous-traitants ne soit mentionnée que bien tard dans la procédure de passation des marchés. Dans un cahier spécial des charges, on ne demande que quinze jours après l'ordre de commencer les travaux ou le début effectif des travaux que la liste des sous-traitants soit communiquée. L'identité des sous-traitants n'est donc connue qu'à partir du moment où l'adjudicateur a été désigné donc, quand toute la phase de passation des marchés est terminée. ».

    Si l’on suit cette réflexion, une fois que le nom du sous-traitant est communiqué après l’attribution du marché, on fait ce qu’on veut, on est dans le cadre de l’exécution du marché et donc plus dans la phase de passation. Il suffit donc d’être sous-traitant pour pouvoir contourner la loi sur les marchés publics.

    J’aimerais avoir le point de vue de Monsieur le Ministre sur cette problématique.

    Un conseiller communal peut-il être sous-traitant d'un adjudicataire alors qu'il a, en sa qualité de mandataire, fixé et approuvé les conditions du marché ?

    N'y a-t-il pas en l'espèce conflit d'intérêt et intérêt personnel ?

    La circulaire du 13 juillet 2006 adressée aux communes, provinces, régies communales et provinciales autonomes, et intercommunales, CPAS et associations Chapitre XII de la Région Wallonne rappelle des arrêts récents de la Cour de justice des Communautés européennes ayant des incidences sur la gestion locale. Il y est entre autres fait mention de l'obligation de transparence à charge du pouvoir adjudicateur ainsi que du contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication.

    Monsieur le Ministre peut-il me faire part de sa position ?

    Suffit-il d’être sous-traitant pour pouvoir en toute légalité contourner la loi sur les marchés publics ?
  • Réponse du 19/03/2010
    • de FURLAN Paul

    La réponse à la question de l'honorable Membre nécessite l'examen de trois dispositions légales.

    Il s'agit, pour la première disposition, de l'article L1125-10, 10 du Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation (CDLD) qui prévoit :
    « Outre les interdictions visées à l'article L1122-19, il est interdit à tout membre du Conseil et du Collège :
    10 de prendre part directement ou indirectement dans aucun service, perception de droits, fourniture ou adjudication quelconque pour la commune;( ... ) »

    Sur ce point, la circulaire du 22 mai 2008 relative aux conflits d'intérêts dans les marchés publics passés par les pouvoirs locaux commente et fait le point concernant les dispositions légales et la jurisprudence applicable en la matière.

    Au regard de cet article, il est interdit à tout membre du Conseil ou du Collège communal de prendre part directement ou indirectement dans aucun service, perception de droits, fourniture ou adjudication quelconque pour la commune.

    Par l'adverbe « directement », il faut entendre que le membre du Conseil ou du Collège communal ne peut pas lui-même déposer d'offre dans le cadre du marché passé par la commune sous peine de voir son offre écartée.

    L'adverbe « indirectement », interdit au membre du Conseil ou du Collège d'agir par personne interposée telle que notamment son conjoint.

    Cet adverbe permet également de repousser les offres de sociétés lorsque le membre du Conseil ou du Collège communal a un intérêt à l'opération.

    A cet égard, la jurisprudence considère que c'est le cas lorsque le membre du Conseil ou du Collège communal est actionnaire majoritaire de la société soumissionnaire.


    La seconde disposition est l'article 10 de la loi du 24 décembre 1993 lequel est rédigé comme suit :

    « § 1. Sans préjudice de l'application d'autres interdictions résultant d'une loi, d'un décret, d'une ordonnance, d'une disposition réglementaire ou statutaire, il est interdit à tout fonctionnaire, officier public ou toute autre personne physique ou morale chargée d'un service public d'intervenir d'une façon quelconque, directement ou indirectement, dans la passation et la surveillance de l'exécution d'un marché public dès qu'il a un intérêt, soit personnellement, soit par personne interposée, dans l'une des entreprises soumissionnaires.
    § 2. L'existence de cet intérêt est présumée :
    10 dès qu'il y a parenté ou alliance, en ligne directe jusqu'au troisième degré et, en ligne collatérale, jusqu'au quatrième degré, entre le fonctionnaire, l'officier public ou toute autre personne physique chargée d'un service public et l'un des soumissionnaires ou toute autre personne physique qui exerce pour le compte de l'un de ceux-ci un pouvoir de direction ou de gestion;
    2° lorsque le fonctionnaire, l'officier public ou toute autre personne physique ou morale chargée d'un service public est, lui-même ou par personne interposée, propriétaire, copropriétaire ou associé actif de l'une des entreprises soumissionnaires ou exerce, en droit ou en fait, lui-même ou par personne interposée, un pouvoir de direction et de gestion.
    § 3. Lorsque le fonctionnaire, l'officier public ou toute autre personne physique ou morale chargée d'un service public détient, soit lui-même, soit par personne interposée, une ou plusieurs actions ou parts représentant au moins 5 p.c. du capital social de l'une des entreprises soumissionnaires, il a l'obligation d'en informer l'autorité compétente.
    Toute fonctionnaire, officier public ou toute autre personne physique ou morale chargée d'un service public se trouvant dans l'une des situations visées au § 2 est tenu de se récuser. »


    La doctrine dominante considère que l'article 10 dont question ne concerne pas les liens financiers indirects au second degré. (Flamme, Vol. l, p 210).

    En l'état actuel, la législation fédérale a la même optique que le CDLD.

    Tant dans l'article L1125-10,1° du CDLD que dans l'article 10 de la loi du 24 décembre 1993, ne sont visées que les personnes qui déposent une offre ce qui exclut les sous-traitants.

    A cet égard, l'article 10 du Cahier Général des Charges confirme le rôle secondaire du sous-traitant.
    Cette disposition est rédigée comme suit :

    « § 1. Sous-traitants.
    Le fait que l'adjudicataire confie tout ou partie de ses engagements à des sous-traitants ne dégage pas sa responsabilité envers le pouvoir adjudicateur. Celui-ci ne se reconnaît aucun lien contractuel avec ces tiers.
    Toutefois, le pouvoir adjudicateur peut exiger que les sous-traitants de l'adjudicataire satisfassent en proportion de leur participation au marche aux dispositions de la législation organisant l'agréation d'entrepreneurs de travaux. L'adjudicataire reste, dans tous les cas, seul responsable vis-à-vis du pouvoir adjudicateur.
    § 2. Personnes physiques ou morales exclues.
    Il est interdit à l'adjudicataire de confier tout ou partie de ses engagements :
    1 ° à un entrepreneur, à un fournisseur ou à un prestataire de services qui se trouve dans un des cas visés respectivement aux articles 17, 43 et 69 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996, aux articles 17, 39 et 60 de l'arrêté royal du 10 janvier 1996 ainsi qu'à l'article 21, § 4;
    2° à un entrepreneur exclu en application des dispositions de la législation organisant l'agréation d'entrepreneurs de travaux.
    Il est en outre interdit à l'adjudicataire de faire participer les personnes concernées à la conduite ou à la surveillance de tout ou partie du marché.
    Toute violation de ces interdictions peut donner lieu à l'application de mesures d'office. »


    Le paragraphe premier spécifie clairement que le sous-traitant n'a aucun lien contractuel avec le pouvoir adjudicateur, celui-ci ne connaissant que le soumissionnaire principal qu'il a désigné comme adjudicataire.

    Celui-ci reste d'ailleurs le seul responsable aux yeux du pouvoir adjudicateur en cas de manquement dans le chef du sous-traitant.

    Il résulte de l'ensemble de ces éléments et du caractère restrictif de ces interdictions et incompatibilités, qu'en règle générale, les interdictions visées par les articles L1125-10 du CDLD et 10 de la loi du 24 décembre 1993 ne trouvent pas à s'appliquer aux sous-traitants.