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L’autorisation donnée par la Commission européenne pour la culture d’une pomme de terre génétiquement modifiée

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 221 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 10/03/2010
    • de PREVOT Maxime
    • à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine

    La Commission européenne vient d’autoriser la mise en culture d’une pomme de génétiquement modifiée, appelée Amflora, destinée à la production d’amidon.

    Bien que cette production soit en principe destinée à l’industrie du papier et pas à l’alimentation humaine, cette introduction ne manque pas d’inquiéter nos agriculteurs et nos concitoyens, d’autant qu’il semble que tous les apaisements n’aient pu être donnés quant aux risques de dissémination de cette variété.

    Bien que ce type de production soit, actuellement, marginal dans notre pays, des voix se font entendre afin de permettre, sous le couvert de la distorsion de concurrence, la production d’OGM, preuve, s’il en était besoin, que la décision de la Commission entrouvre la boîte de Pandore.

    Dès lors, je me réjouis de la prise de position du Ministre en faveur d’une agriculture familiale et contre une libéralisme effréné sans cesse en recherche de la rentabilité à court terme et du profit.


    Monsieur le Ministre peut-il nous informer sur la position de le Région wallonne face à cette décision ? Une concertation au niveau national est-elle prévue ? Certains pays ont déjà fait part de leur opposition et de leur volonté de réagir contre cette décision. Monsieur le Ministre envisage-t-il de se joindre à ce mouvement ?
  • Réponse du 06/04/2010
    • de LUTGEN Benoît

    Personne n’ignore la position que je défends depuis de nombreuses années par rapport aux OGM relayant l’inquiétude de nombreux citoyens, agriculteurs et acteurs de la filière.

    Lors de la précédente législature, après un débat parlementaire approfondi, j’ai proposé une réglementation régionale visant à strictement limiter toute culture OGM en Wallonie. Le décret coexistence adopté en 2008 et son arrêté d’application adopté en 2009 constituent une protection importante par rapport au développement des cultures génétiquement modifiées en Région wallonne. Il s’agit d’un outil réglementaire extrêmement ambitieux qui définit les principes suivants :

    - les distances de sécurité entre les cultures génétiquement modifiées et les cultures conventionnelles et biologiques les plus drastiques d’Europe ;
    - les cotisations destinées au contrôle des cultures OGM et à l’alimentation du fonds de compensation instauré par le décret selon le principe « pollueur = payeur » ;
    - les obligations strictes et exhaustives des producteurs qui envisagent des cultures OGM ;
    - l’information à la population de manière absolument transparente ;
    - les critères participatifs qui permettent d’établir des zones sans OGM.

    La récente autorisation par la Commission européenne de la pomme de terre AMFLORA est l’étape finale d’une procédure qui aura duré 14 ans.

    Les scientifiques de l’EFSA (Autorité Européenne de sécurité des aliments) ont rendu un avis favorable, estimant que le gène de résistance aux antibiotiques étant déjà répandu dans les micro-organismes présents chez l’homme et dans l’environnement, concluant sur cette base qu’il n’y a pas de raisons d’en restreindre l’usage.

    L’EFSA minimise également le risque de flux de gènes modifiés : il est vrai que le risque de contamination via les plantes sauvages ou le pollen est très faible (pas de plante sauvage compatible et production de pollen très faible chez les pommes de terre), mais les craintes viennent surtout du fait que les pommes de terre se multiplient aussi par voie végétative, sans pollinisation, juste au départ des tubercules restant dans les champs après la récolte. C’est là que je vois un danger de dispersion qui justifie pleinement l’application du principe de précaution.

    Ceci illustre à nouveau le fait que l’avis des scientifiques – l’EFSA remet systématiquement un avis favorable - ne peut être un alibi suffisant pour que les autorités publiques acceptent ce type de produits, et que la question doit être abordée sous un autre angle, qui est notamment celui de l’impact socio-économique et de l’utilité réelle de ces OGM pour la société, au-delà de l’intérêt qu’ils présentent certainement pour quelques sociétés privées.

    Lorsque la concertation entre l’Etat fédéral, qui a la compétence dans cette matière, et les Régions a eu lieu en 2008 sur ce dossier, la Région wallonne a dit sa volonté de s’opposer à cette autorisation, sans recevoir l’appui de la Flandre, et sans pouvoir infléchir la position favorable du Fédéral. On sait ce qui s’en est suivi.

    C’est d’ailleurs une des raisons de l’inscription, dans la Déclaration de politique régionale, de la demande de la Région wallonne pour une amélioration du fonctionnement du Conseil consultatif de biosécurité, en ce inclus la consultation des trois Régions avant toute autorisation. Cette compétence relève toutefois du Gouvernement fédéral.

    La Région wallonne dispose, via le décret « coexistence » de règles drastiques, destinées à décourager les cultures d’OGM sur notre territoire et à les soumettre à des contrôles supplémentaires par rapport aux cultures traditionnelles pour éviter tout risque de contamination. Suite à la décision de la Commission européenne, j’ai demandé à la DGARNE de préparer un arrêté d’application du décret coexistence pour ce qui concerne les mesures particulières pour l’AMFLORA. Ces mesures viendront compléter les mesures générales déjà d’application.

    Il va falloir être très attentif à ce chantier et aux conditions qui seraient liées à cette ouverture de la Commission, pour que ceci ne soit pas un marché de dupe, qui viserait en parallèle à faciliter les autorisations de mise sur le marché ou à rejeter le principe d’une analyse socio-économique solide telle que souhaitée par beaucoup.