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Les indemnisations en cas de dégâts causés par le gibier

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 231 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 10/03/2010
    • de SIMONIS Isabelle
    • à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine

    En droit, le gibier est considéré comme une res nullus, c'est à dire qu'il n'appartient à personne.

    La loi du 14 juillet 1961, loi en vue d'assurer la réparation des dégâts causés par le gros gibier, stipule en son article 1er que : « Les titulaires du droit de chasse répondent du dommage causé aux champs, fruits et récoltes par les cervidés, chevreuils, daims, mouflons ou sangliers provenant des parcelles boisées sur lesquelles ils possèdent le droit de chasse, sans qu'ils ne puissent invoquer le cas fortuit, ni la force majeure.
    Si le cité prouve que le gibier provient d'un ou de plusieurs autres territoires de chasse que le sien, il pourra appeler en cause le ou les titulaires du droit de chasse sur ces territoires et ceux-ci pourront, dans le cas, être condamnés à la réparation de tout ou partie du dommage causé. »

    En presque 50 ans, les choses ont évolué et aujourd'hui, les ongulés et principalement les sangliers se retrouvent quasi partout en Wallonie, même dans des zones urbaines.

    Que se passe-t-il pour les victimes de dégâts si on ne sait pas identifier les parcelles boisées desquelles proviennent les sangliers ? Que se passe-t-il pour les victimes de dégâts si les parcelles desquelles proviennent les sangliers ne sont pas chassées ?

    Monsieur le Ministre ne pense-t-il pas que cette loi devrait être modifiée ? Le cas échéant, quelles démarches a-t-il entamées ?

    Dans le cas où les sangliers proviennent d'une parcelle boisée chassée, existe-t-il un moyen pour mieux responsabiliser le titulaire du droit de chasse ?

    Monsieur le Ministre dispose-t-il d'une estimation du coût annuel des dégâts causés par le gibier aux cultures agricoles, aux prairies, aux peuplements forestiers ainsi qu'aux jardins privés ? Le cas échéant, peut-il m'en faire part ?
  • Réponse du 08/04/2010
    • de LUTGEN Benoît

    Le principe fondamental de la loi du 14 juillet 1961 qui concerne exclusivement la réparation des dégâts aux fruits et récoltes provoqués par des animaux « grand gibier » est indiscutablement favorable à la partie lésée. Celle-ci n’a en effet pas à prouver une faute dans le chef du titulaire de droit de chasse sur les bois d’où proviennent les animaux « grand gibier » ayant provoqué les dégâts. Pour autant que la provenance des animaux soit établie, ce titulaire de droit de chasse est d’office responsable, aux yeux de la loi, des dégâts commis par ces animaux, sans même qu’il puisse invoquer le cas fortuit ou la force majeure.

    Il convient de préciser, contrairement à ce que pourrait laisser entendre la question de l’honorable Membre, qu’il y a toujours un titulaire du droit de chasse. Ce droit est en effet un attribut du droit de propriété. Le propriétaire peut faire usage ou non de son droit de chasse, en l’exerçant lui-même ou en le cédant à un tiers. Dans le cas d’un bois périurbain dans lequel on ne chasserait pas, c’est donc a priori le propriétaire de ce bois qui est responsable des dégâts occasionnés par le grand gibier sortant de ce bois.

    La loi du 14 juillet 1961 prévoit d’ailleurs explicitement que l’action de la partie lésée peut être formée contre le propriétaire, à charge pour celui-ci d’appeler le titulaire du droit de chasse en intervention et garantie. Le but du législateur était d’éviter à la partie lésée les incertitudes et les inconvénients pouvant résulter d’erreurs ou de difficultés portant sur l’identification des titulaires de droit de chasse.

    A l’époque, la loi a été adoptée en vue de défendre au mieux les intérêts de l’agriculture. Les dégâts aux propriétés privées, en particulier aux pelouses, n’étaient absolument pas visés par la loi, ce type de dégâts étant alors inexistant. Il y a cependant lieu de signaler que, dans deux arrêts du 16 juin 2006, la Cour de cassation a notamment dit pour droit que la loi de 1961 visait également le dommage causé à toute végétation cultivée en dehors des parcelles boisées, notamment aux pelouses destinées à l’agrément. Cette jurisprudence n’est cependant pas suivie par l’ensemble des juges de paix.

    A l’heure actuelle, j’estime qu’il n’est pas prioritaire de revoir la loi de 1961 pour tenir compte de la présence de sangliers dans les zones périurbaines, voire même à l’avenir pour tenir compte de leur présence dans des zones qui ne comporteraient aucune parcelle boisée, mais où des animaux « grand gibier » trouveraient malgré tout refuge. A vouloir mêler des problématiques à mes yeux fondamentalement différentes, on court le risque de remettre en question cette responsabilité de plein droit qui pèse sur le titulaire de droit de chasse et dont bénéficie, fort heureusement, l’agriculture.

    Fondamentalement, la priorité est ailleurs : il s’agit de réfléchir aux moyens qui seraient à mettre en œuvre pour pouvoir éloigner ou éradiquer les sangliers des zones où leur présence n’est pas souhaitable. La révision prochaine de l’arrêté quinquennal des ouvertures de la chasse sera l’occasion d’examiner cette question.

    Pour le surplus, je signale que l’administration ne dispose pas d’estimations relatives aux montants des indemnisations versées aux agriculteurs ou aux propriétaires privés à la suite de dégâts de grand gibier. Dans bien des cas, le règlement de ces dégâts se fait à l’amiable, sans l’intervention de la justice.

    Cela étant, afin d’avoir une idée sur l’évolution des dégâts de grand gibier à l’agriculture, un logiciel d’estimation de ceux-ci a récemment été développé avec l’aide financière de la Région. Tous les experts qui interviennent dans l’estimation de ces dégâts, à la requête d’un juge ou dans le cadre d’un règlement amiable entre les parties, sont encouragés à utiliser cet outil qui permet de tirer certaines statistiques concernant les dégâts à l’agriculture.

    Les chiffres ont plutôt une valeur indicative, permettant, d’une part, d’apprécier l’importance respective des espèces responsables, des types de dégâts et, d’autre part, de dégager des tendances lorsqu’ils seront disponibles pour un nombre suffisant d’années. Pour l’année 2008, 32 experts ont fourni des données. Celles-ci portent sur 746 expertises pour un montant total d’environ 420.000 euros de dégâts de sangliers et de cerfs.