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Les perspectives d'emploi dans le cadre du Plan Marshall 2.Vert

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 220 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 22/04/2010
    • de EERDEKENS Claude
    • à ANTOINE André, Ministre du Budget, des Finances, de l'Emploi, de la Formation et des Sports

    Au travers du numéro 2 du Gouvernement, M. Jean-Louis Borloo, la République française estime que près de 600.000 emplois verts pourraient être créés d'ici 2020.

    Quels sont très concrètement les objectifs du Plan Marshall 2.Vert pour 2010 ainsi que pour les années suivantes?

    A-t-on pu chiffrer en Wallonie l'emploi qui sera créé dans le cadre de la réduction des émissions de C02 d'ici 2020 ?

    Toujours en France, il serait créé selon le " Boston Consulting Group " 880.000 emplois dans l'efficacité énergétique et les renouvelables contre 245.000 détruits dans le secteur automobile et les filières énergétiques, ce qui laisserait un solde positif de plus de 600.000 emplois.

    Dispose-t-on d'informations à ce propos pour la Région wallonne et, dans l'affirmative, peut-on les connaître?

    D'autre part, disposera-t-on de capacités de formations dans les nouveaux métiers liés au développement durable?
  • Réponse du 06/09/2010
    • de ANTOINE André

    L'honorable Membre m'interrogeait sur les perspectives d'emplois verts, en se référant à une étude française sur le sujet et en se référant au Plan Marshall et sur les capacités de formation dans les métiers liés au développement durable.

    LES EMPLOIS

    Pour ce qui concerne les emplois, je tiens tout d'abord à dire que les études peuvent donner des chiffres très différents selon l'horizon temporel sur lequel elles portent, selon ce qui est entendu par développement durable ou métiers verts, selon les hypothèses de croissance qui sont sous-jacentes et enfin selon qu'on parle d'emplois nets (c'est-à-dire dont on déduit les pertes d'emploi) ou d'emplois bruts. En d'autres termes, ces études ne sont pas directement comparables, toutefois, elles s'accordent sur un point : la croissance verte peut être créatrice d'emplois, mais il est extrêmement difficile de déterminer avec précision et certitude l'ampleur des créations à moyen et long terme. Et pour cause, des aléas importants pèsent sur ce type d'évaluation prospective (évolution des prix de l'énergie fossile, arbitrages politiques en matière d'investissement, de soutien financier à l'innovation verte, de formation, réalisation des engagements pris, évolution de la productivité, etc.).

    Cela, étant, on peut retenir les considérations suivantes généralement partagées.
    - Le « verdissement » de l'économie s'apparente à un jeu de création et destruction simultanée d'activités. Ainsi, une économie verte crée des emplois, directs et indirects, dans les filières stimulées par les dépenses environnementales. Ces créations d'emplois doivent être mises en regard avec les pertes occasionnées par les effets de substitution (ex : énergies renouvelables se substituent aux énergies fossiles) et de perte de compétitivité des secteurs dits « polluants », afin d'obtenir une estimation nette des créations d'emplois. Or, certaines études n'envisagent que les créations brutes et n'apprécient pas les effets de substitution et de pertes de compétitivité. En outre, de nombreuses études passent sous silence l'effet induit sur l'emploi, généré par les gains ou pertes de revenus (liés notamment aux emplois gagnés ou perdus) et donc de consommation. Or, cet effet induit peut s'avérer significatif dans une perspective de moyen - long terme. En conclusion, une esquisse réaliste de la création nette d'emploi nécessite d'évaluer les différents effets de la croissance verte sur l'emploi : effet direct, indirect et induit.

    - Le processus de croissance verte peut être accéléré ou freiné selon la vitesse d'adaptation du marché du travail. Ainsi, l'impact net sur l'emploi dépendra étroitement des politiques publiques de formation qui seront mises en place en matière de développement des compétences transversales et de mobilité professionnelle, afin de permettre une réallocation sans tension de la main-d'œuvre entre les secteurs dynamisés par la croissance verte et les secteurs fragilisés.

    Enfin, comme le soulignent les experts de l'Organisation Internationale du Travail, le « verdissement » de l'économie ne débouchera pas sur l'apparition massive de nouveaux métiers verts, mobilisant des compétences inédites : « Plutôt que de remplacer les emplois existants par des emplois verts complètement différents, c'est le contenu des emplois, la façon dont on travaille, et les aptitudes des travailleurs qui vont devoir changer » (1). La croissance verte devrait contribuer à faire évoluer les métiers « traditionnels » en amenant à compléter les aptitudes techniques et spécifiques par des compétences transversales « vertes ».


    Pour ce qui concerne les études belges,il n'existe pas, à notre connaissance, d'études ayant évalué l'impact global sur l'emploi wallon de politiques allant de pair avec une réduction des émissions de CO2. Cependant, le Bureau fédéral du Plan a récemment publié deux rapports en lien avec l'emploi national et sectoriel.

    - Le premier rapport (2) se plaçait dans le cadre des négociations pour le paquet énergie-climat européen. Une partie de l'analyse portait sur l'évaluation des impacts macroéconomiques pour la Belgique de l'introduction d'une taxe carbone calculée en fonction de scénarios de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'horizon 2020 (respectivement - 20% et - 30% au niveau européen par rapport aux niveaux enregistrés en 1990). En outre, les nouvelles recettes publiques ainsi générées étaient réinjectées dans l'économie selon différentes hypothèses (allant d'une absence de recyclage à un recyclage intégral en baisses de cotisations patronales, en passant par de nouveaux investissements en utilisation rationnelle de l'énergie). Pour le volet emploi, il ressort de l'étude que dans le meilleur des cas (recyclage intégral des nouvelles recettes publiques en baisses de cotisations patronales), près de 25.000 emplois nets pourraient être créés en Belgique à l'horizon 2020 en poursuivant un objectif de réduction des émissions de GES de - 20% (soit 3,8 milliards d'euros de recettes fiscales réinjectées au total), et quelques 26.000 nouveaux emplois pourraient être générés pour un objectif de réduction de - 30% (soit 4,5 milliards d'euros de recettes fiscales réinjectées au total). De plus, le secteur de l'énergie serait le seul à subir des pertes d'emplois dans une fourchette se situant en 2020 entre – 0,4% et - 0,5% (selon l'objectif de réduction des émissions de GES).

    - Le second rapport (3) s'intéressait aux conséquences d'un glissement de la fiscalité visant à augmenter les taxes sur l'énergie et diminuer d'autres taxes (dont celles liées au travail). Différentes hypothèses d'alignement des prix énergétiques belges étaient envisagées, allant d'un alignement sur le niveau moyen de la taxation sur l'énergie dans les trois pays voisins (France, Allemagne et Pays-Bas) à un rehaussement significatif (mais peu réaliste) de la fiscalité énergétique selon le modèle danois, en passant par l'introduction d'une taxe carbone de 17 euros par tonne de CO2 émise. Ces nouvelles recettes fiscales sur l'énergie étaient recyclées via deux canaux principaux : une baisse de la parafiscalité et une baisse des impôts directs. Les résultats de l'étude dépendent fortement des scénarios envisagés. Ainsi, dans l'hypothèse d'un alignement sur les taxes énergétiques voisines avec recyclage en baisse de cotisations sociales patronales ciblées sur les bas salaires, près de 18.000 nouveaux jobs pourraient être générés (en net) d'ici 2020, soit une hausse de 0,4% de l'emploi. A nouveau, seul le secteur énergétique subirait des pertes d'emplois. En outre, il est à souligner qu'un recyclage en baisses d'impôts directs (IPP et ISOC) détruirait quant à lui de l'emploi dans tous les secteurs d'activité.


    Quant au plan Marshall 2.vert,il comprend un objectif de création d'emplois APE dans le secteur vert. Conscient de l'importance de développer les métiers vert. Le Gouvernement wallon a décidé d'octroyer 780 postes APE et PTP verts dans le cadre de la première alliance, initiée dans le secteur de la construction.

    De plus, le Gouvernement assurera la promotion de nouveaux APE jeunes dans les secteurs verts et le développement de 200 nouveaux postes APE/PTP marchands et non marchands dans les métiers verts autres que ceux de la première Alliance. Il est donc prévu 1.000 emplois supplémentaires « verts » sur la législature.

    Les travaux prévus dans le cadre des alliances emploi-environnement, en particulier ceux relatifs à l'identification des besoins nouveaux en compétences et formations, apporteront prochainement un éclairage complémentaire sur cette question.




    LES FORMATIONS

    Les efforts de formation nécessaires à la transition vers une économie verte portent tant sur la formation initiale, que sur la formation en alternance et la formation continue.

    Le CCE et le CNT (4) indiquent que, selon la plupart des études qui ont été consacrées aux industries vertes ou aux éco-industries, les métiers qui, dans notre pays, seront demandés dans un premier temps sont les métiers techniques à haute valeur ajoutée. Dans une seconde phase, les travailleurs moins qualifiés qui auront pu bénéficier d'une formation adéquate pourraient occuper ces postes de travail liés à des technologies plus vertes.

    Les volumes de formations nécessaires à l'acquisition de compétences spécifiques « vertes » pour les métiers existants semblent prépondérants par rapport aux formations sur quelques métiers émergeants.

    Pour rencontrer les besoins de nouvelles compétences, le plan Marshall 2.vert prévoit en son axe 5 la mise en œuvre d'actions de formation concentrées dans un premier temps dans le secteur de la construction (première alliance emploi -environnement), à savoir l'éco-construction, la performance énergétique des bâtiments et l'éco-rénovation, Dans cette optique, une première liste des formations métiers et des modules de formation qui pouvaient être proposés, a été dressée, Sont identifiés :
    - les métiers pour lesquels il existe une filière/des produits de formation IFAPME et/ou Forem Formation et ses partenaires (par ex., technicien de fabrication ossature bois);
    - les autres métiers pour lesquels il n'existe pas, aujourd'hui, de filière/produits de formation IFAPME ou Forem Formation (et ses partenaires), mais qui peuvent faire l'objet de sensibilisation et d'orientation vers d'autres acteurs par le dispositif Carrefour Emploi Formation (par ex., technicien en cogénération);
    - des modules de de formation spécifiques organisés par l'IFAPME (par ex., Installations solaires thermiques) ou par Forem Formation (par ex" Isolation par soufflage de cellulose).

    Ces travaux seront affinés dans les mois qui viennent.

    Comme indiqué ci-dessus, on constate dans l'inventaire réalisé, que la majorité des métiers ne sont pas de nouveaux métiers ou des métiers étiquetés « 100% verts »; la plupart des formations proposées sont en fait des modules portant sur des compétences vertes telles que normes écologiques ou technologies vertes, par exemple. En d'autres termes, ce sont des multiples filières de formation qui seront impactées par les compétences « vertes »,

    Enfin, je voudrais conclure en indiquant que la stratégie de formation « verte » ne peut être construite comme une stratégie séparée de la stratégie de formation dans son ensemble. En d'autres termes, il convient dans chaque priorité en matière de formation d'y inclure une dimension verte. C'est pourquoi, dans le cadre du Plan Marshall 2.vert, chaque action de formation est déclinée dans les domaines des alliances emploi-environnement et autres métiers vert, qu'il s'agisse des actions de sensibilisation aux nouveaux métiers, des essais métiers, des screening de compétences, de la formation pour les élèves dans les centres de compétences, des formations en alternance, de la formation pré-qualifiante et qualifiante.



    (1) Source : étude PNUE/BIT/OIE/CSI intitulée « Emplois verts : pour un travail décent dans un monde durable, à faibles émissions de carbone ». Mentionnée dans l'avis n°1.693 du CNT (avis conjoint avec le CEE), juillet 2009.
    (2) Francis Bossler, Daniel Devogelaer, Dominique Gusbin et Frédéric Verschueren, « Impacts of the EU energy/climate package on the Belgian energy system and economy », Working paper 21-08, Federal Planning Bureau, November 2008.
    (3) Delphine Bassilière, Francis Bossier et Frédéric Verschueren, « Hausse de la fiscalité sur l'énergie et baisse d'autres formes de prélèvement: résultats macroéconomiques », Working paper 11-09, Bureau fédéral du Plan, Novembre 2009.
    (4) Avis du CNT n°1.727 (avis conjoint avec le CCE), mars 2010.