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La Wallonie dispose-t-elle de "Shale gas"

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 532 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 26/04/2010
    • de EERDEKENS Claude
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    C'est bien connu, la Wallonie n'a pas de pétrole ni de gaz naturel mais des idées à revendre.

    Les USA avaient mis un frein à l'exploitation du pétrole et du gaz naturel pour des raisons écologiques. Il vient d'être décidé sur proposition du Président Obama de relancer des forages partout sur le territoire américain ainsi que le long des côtes américaines tant au niveau de l'Océan pacifique qu'au niveau de l'Atlantique.

    Les USA sont maintenant devenus les premiers producteurs mondiaux de gaz devant la Russie.

    L'Administration américaine exprime maintenant que les USA disposent pour cent ans d'une réserve de gaz au niveau de ce qu'on appelle le "Shale Gas", à savoir l'exploitation des gaz de schiste.

    A-t-on mené des études de sous-sol en Wallonie afin de vérifier s'il existe du "Shale gas" ?

    Toujours selon les informations puisées aux USA, l'Europe (et peut-être la Wallonie?) disposerait de réserves de "Shales gas" à concurrence à tout le moins d'un tiers des réserves des USA.

    En France, le Gouvernement de Monsieur Sarkozy et les Ministres en charge de l'Environnement et de l'Energie ont accepté que la compagnie TOTAL obtienne, selon l'arrêté publié au "Journal officiel", le permis de rechercher des gaz de schiste dans la région de Montélimar sur une surface de 4.327 km2.

    Est-on d'abord bien sûr qu'il n'y a pas de "Shale gas" en Wallonie?
  • Réponse du 26/05/2010
    • de HENRY Philippe

    La notion de "shale gas" est improprement traduite par "gaz de schiste". Cette dénomination anglo-saxonne recouvre en fait une série de gisements de gaz naturel non conventionnels, et en particulier les gisements de roches à grain fins à très fins, relativement imperméables (shales, siltites, voire certains grès et calcaires ...) et riches en matières organiques. Ces roches sont du type de celles qui ont servi de matrice originelle aux hydrocarbures liquides et gazeux. Ceux-ci, après avoir migré, au cours des temps géologiques, vers des roches réservoirs poreuses sous couverture étanche, s'y sont concentrés et ont ainsi constitué les gisements de gaz et de pétroles classiques.

    A part dans quelques cas favorables exploités depuis la première moitié du XIXème siècle (Etats-Unis, Canada), ces réservoirs non conventionnels n'ont jamais été exploités à grande échelle jusqu'à ces vingt dernières années, pour des questions de coût de production. En effet, ces roches sont trop imperméables pour que les fluides puissent migrer vers les puits d'extraction et nécessitent des techniques spéciales de forage horizontal et de stimulation des couches. Actuellement, la production de shale gas aux USA représente environ 10% de leur consommation et est appelée à augmenter (jusqu'à 50% de la production d'ici 2020).

    Les bonnes zones de forages sont plus faciles à déterminer dans le cas de couches géologiques étendues de type "shales à gaz" (géologie "classique") que dans le cadre de la recherche de structures-pièges à pétrole et à gaz conventionnelles (recherche de structures géologiques aux caractéristiques particulières), ce qui minimise les risques au niveau des investissements préparatoires.

    L'exploitation de ces gisements implique de fracturer artificiellement la roche à partir de puits forés, verticaux, inclinés ou horizontaux, dans un certain volume autour du forage, puis de pomper le gaz. Le rayon d'action limité de ce type de puits nécessite d'en creuser en grand nombre à très peu de distance les uns des autres (quelques centaines de mètres), sur de grandes surfaces, pour obtenir une production suffisante et durable. Ces puits doivent être reliés par un réseau de pipe-lines aux installations de purification et au réseau de distribution.

    La technique est adaptée aux grands espaces peu densément peuplés et peu morcelés. Certains champs d'exploitation aux Etats-Unis comptent des centaines de forages (jusqu'à 2.500).

    Par ailleurs, la technique est assez lourde au niveau environnemental, chaque opération de fracturation nécessitant 10.000 à 20.000 m3 d'eau mélangée de sable et d'adjuvants chimiques. L'eau injectée sous très forte pression est récupérée via un second forage et doit être traitée avant rejet dans les eaux de surface ou le réseau d'égouttage.

    Les couches géologiques en Wallonie se présentent en général selon des structures plissées, voire chiffonnées, et affectées de failles, avec des zones d'affleurement souvent étroites. Des formations de shales sont fréquemment intercalées entre des formations gréseuses ou calcaires, renfermant souvent des aquifères exploités, pouvant compliquer l'implantation des forages. En principe, ces forages sont rebouchés après pose d'un bouchon profond et cimentation de la colonne supérieure.

    Du point de vue réglementaire, rien ne s'oppose à ce qu'un candidat exploitant introduise, dès aujourd'hui, une demande de permis exclusif de recherches ou d'exploitation de gaz combustibles, dans un périmètre donné, sur base d'une étude préalable qu'il aurait menée. La demande sera alors publiée et mise en concurrence avec d'autres demandes. Ce permis obtenu, chaque puits devra faire ['objet d'une demande de permis unique (forage, installations sur la tête du puits), après accord du propriétaire des terrains (ou procédure d'occupation des terrains).

    En Wallonie; en dehors des formations houillères, les niveaux de shales ou de siltites qui pourraient renfermer des gisements de gaz naturel de ce type sont rares et très peu épais. Ils sont principalement localisés dans le Massif de Stavelot (notamment les "schistes noirs" de la Formation de La Gleize et d'autres niveaux interstratifiés dans le Calédonien) et dans le Cambro-Silurien du Massif du Brabant. Leur contenu potentiel en gaz reste inconnu, même s'ils sont connus pour être riches en matières organiques.

    Nous ne connaissons aucune étude ou indication récentes qu'un tel gîte ait été reconnu chez nous. Toutefois, le service géologique de Belgique s'étant replié depuis une bonne vingtaine d'années sur des missions purement scientifiques, à l'exclusion des missions de nature économique, et en l'absence de service wallon équivalent ou de géologues de la Région affectés à l'étude et au recensement des ressources minérales et énergétiques du sous-sol, il n'est pas possible d'être plus précis à ce propos.

    Il importe de signaler que le gaz de houille (grisou, soit du méthane avec quelques impuretés) n'entre pas dans ,la catégorie des "shale gas" : il s'agit de gaz directement lié à la houille en place ou de ce même gaz qui a migré dans les roches encaissantes, voire dans d'anciens travaux miniers. En territoire encore concédé, ce gaz appartient au concessionnaire de la mine de houille qui, seul, a le droit de l'exploiter. Hors d'un territoire concédé, il convient de demander et d'obtenir un permis exclusif de recherches et d'exploitation de gaz combustibles.

    L'exploitation du gaz naturel du Houiller semble, a priori, plus prometteuse en Wallonie que celle de shale gas, du fait de la grande richesse en matières volatiles de nos charbons (surtout dans le Hainaut). Deux projets sont en cours d'instruction. Certains concessionnaires miniers s'y intéressent également.

    Pour ce qui est des hydrocarbures liquides, signalons l'existence de gisements de schistes bitumineux en Gaume (base de la Formation de Grandcourt, Jurassique; depuis Athus jusqu'à Virton Saint-Mard). Cette couche s'étend sur 250 ha avec une épaisseur utile de 10 à 12 mètres utiles, pour un rendement en huile brute d'environ 3%. On les y a extraits, à l'échelle locale, sans grand succès (Aubange, 1840, pour la production d'huiles et de pétrole lampant). Au Grand-Duché de Luxembourg, ces mêmes couches représenteraient 50 années de réserves. Des schistes bitumineux ont également été signalés au XIXème siècle à l'aplomb du filon de Bleyberg (Plombières). Un régime d'exploitation, calqué sur celui des concessions minières, existe pour ce type de roches.