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La réforme des procédures concernant les licences d'exportation d'armes

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 77 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 04/05/2010
    • de PREVOT Maxime
    • à DEMOTTE Rudy, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Je ne reviendrai pas sur les débats passionnés qui ont animé notre commission en novembre dernier à propos du dossier des ventes d’armes à la Libye. Toutefois, je rappellerai qu’une forme de consensus s’était alors dégagée pour demander au Gouvernement de travailler sur certaines pistes de réforme. Monsieur le Ministre-Président lui-même s'était alors engagé en ce sens, évoquant d’ailleurs quelques uns des aspects qu'il souhaitait viser plus particulièrement.

    Au niveau du Groupe cdH, nous avions alors pris acte de ces déclarations. Et nous avions rappelé que nous souhaitions justement (comme prévu dans la DPR) améliorer les procédures de décision en la matière. Pour le cdH, plusieurs pistes devaient être examinées pour aboutir rapidement à une optimalisation et une clarification du contrôle du commerce des armes :

    - améliorer le fonctionnement de la commission d’avis, en revoir la composition, mieux garantir son indépendance et l’inscrire dans la loi ;
    - repréciser le rôle du Parlement dans le contrôle effectif qu’il doit mener dans le domaine des licences d’armes ;
    - renforcer et formaliser davantage la coopération entre la Région wallonne et le SPF-Affaires étrangères ;
    - enfin, et surtout, qu’un système « d’autorisation préalable de négocier » soit mis en place pour certains dossiers sensibles de licences d’armes à l’égard des entreprises.

    Pour le cdH, des réformes en ce sens devraient ainsi contribuer à clarifier les procédures dans l’intérêt de tous les acteurs en présence : la Région, les entreprises, et plus encore les travailleurs. Ceux-ci ne peuvent évidemment pas faire les frais des légitimes préoccupations éthiques que nous devons et voulons respecter.

    Près de six mois après ces débats en commission, je reviens donc vers Monsieur le Ministre-Président pour en savoir davantage sur ce qui a déjà été fait ou préparé comme réformes concernant les procédures de licences d’armes. Je suis d’autant plus porté à le faire que la presse indiquait récemment qu’un document décrivant ces réformes avait été préparé par son Cabinet et l’administration, qu’il avait été approuvé par les présidents de partis et qu’il se trouvait sur la table du Gouvernement. L’article parlait même d’un « projet de décret » finalisé en bonne et due forme.

    Mes questions sont assez simples.

    Qu’en est-il exactement ? Ce document a-t-il bien été préparé comme l’indique la presse ? Quelle est la nature exacte de celui-ci ? Je m’étonne en effet qu’on puisse déjà parler d’un projet de décret… alors que je ne crois pas avoir vu jusqu’ici ce sujet à l’ordre du jour du Gouvernement wallon. Les étapes évoquées dans la presse me surprennent donc quelque peu : il est question d’un projet de décret pour ainsi dire finalisé. Mais ne doit-on pas d’abord avoir un avant-projet, une première lecture, des avis, une seconde lecture, l’avis du Conseil d’État, la discussion et le vote au Parlement ?

    Quoi qu’il en soit, le contenu de ces réformes m’intéresse de toute façon davantage que leur contenant… De prime abord - je me réjouis ainsi de ce que j’ai pu lire dans la presse à ce propos - les grandes lignes de la réforme proposée semblant à première vue rejoindre très largement les demandes exprimées en novembre dernier par le Groupe cdH. Il serait ainsi question d’une réforme de la commission d’avis et de sa composition ; celle-ci inclurait désormais des représentants des SPF Affaires étrangères et Défense ; et, surtout, un système d’autorisation préalable de négocier, avant la signature d’un contrat, serait d’application en-dehors d’une série de pays sûrs, ne posant pas de problèmes. Monsieur le Ministre-Président confirme-t-il ces informations ? Peut-il déjà les préciser et les développer davantage ici en commission ? À quoi pouvons-nous nous attendre quand nous devrons effectivement examiner des textes officiels et les voter ?
  • Réponse du 04/06/2010
    • de DEMOTTE Rudy

    Avant d'aborder les questions de fond, je confirme qu'à ce stade, le Gouvernement a bien approuvé une note d'orientation relative à cette réforme. Comme l'honorable Membre le relève très justement, il ne s'agit donc pas, à ce stade, d'un avant-projet de décret. Sur le contenu, je puis lui confirmer plusieurs grandes orientations.


    1) CONCERANT LES OBJECTIFS DE LA REFORME

    Il s'agit de mettre en œuvre un mécanisme d'octroi de licences plus moderne qui garantisse le respect des principes éthiques, tout en procurant une maximum de sécurité juridique et de prévisibilité aux entreprises wallonnes actives dans le secteur de la défense. Cette réforme doit donc consacrer le nécessaire équilibre entre les trois préoccupations majeures :

    - la crédibilité des relations diplomatiques de la Wallonie;
    - le soutien à l'activité économique de la Région;
    - et, bien entendu, le respect des droits humains.

    Dans ce secteur sensible, où la préoccupation des droits fondamentaux doit être omniprésente mais où la réalité du commerce mondial doit aussi être pleinement intégrée, l'objectif de cette réforme est d'assurer l'avenir de l'industrie wallonne de la défense. Une industrie dont les deux atouts majeurs sont la performance et l'intégrité. Pour cela, la nouvelle procédure renforce les garanties déjà données en matière de droit de l'Homme, tout en accroissant la sécurité juridique pour les entreprises, qui ne peuvent être placées dans une position d'infériorité concurrentielle injustifiée. Sur cette base, le Gouvernement wallon confirme donc sa volonté de demeurer à la fois un garant vigilant de la norme et un partenaire des entreprises dans un domaine industriel important pour la Wallonie.





    2) CONCERNANT LES PROCEDURES DE TRAITEMENT DES DEMANDES DE LICENCES

    Eu égard à la diversité des demandes dont il peut être saisi, le Gouvernement a choisi de définir cinq types de situations auxquelles s'applique un traitement spécifique. Cette évolution entend traduire une gradation dans le traitement des demandes de licences : plus la demande est réputée sensible, plus la procédure est entourée de garanties.

    A l'inverse, plus le destinataire a des relations habituelles avec la Wallonie, plus la procédure est simple et rapide.

    En outre - et cela traduit la prévisibilité que j'évoquais - un délai de traitement maximal des demandes est désormais établi pour chacune des procédures.

    Nous en sommes - je l'ai dit - au stade de la note d'orientation mais je passerai néanmoins en revue les cinq procédures annoncées.

    1) 1er cas, le pays est sous embargo international

    C'est simple : la licence est refusée d'office.


    2) 2e cas, le pays sort d'un embargo ou n'a pas de relations commerciales avec la Wallonie

    Dans ce cas, une nouvelle procédure dite « de l'accord préalable » est mise en œuvre.

    L'octroi d'un accord par le Ministre responsable de la matière sera désormais prévu, préalablement à la signature de tout contrat et à l'octroi d'une licence. L'accord préalable doit donc permettre de réduire au minimum le risque de voir, ensuite, une licence refusée. Après l'octroi de l'accord préalable, seuls des éléments nouveaux d'importance, pourraient justifier un nouvel examen approfondi du dossier.

    On retrouve donc, toujours, cet esprit de sécurité juridique maximale. Le but poursuivi par cette double démarche (accord préalable + licence) est d'éviter de mettre en difficulté une entreprise qui, après la signature d'un contrat, se verrait refuser la licence que celui-ci requiert.
    Concrètement, cette procédure s'applique pour :
    - les demandes d'exportation vers un pays ayant été soumis à un embargo qui a pris fin moins de 12 ans avant l'introduction de la demande;
    - les demandes d'exportation vers un pays pour lequel la valeur cumulée des licences octroyées dans les 6 dernières années est inférieure à 350 000 euros;
    - les demandes d'exportations d'une entreprise particulière qui ont fait l'objet d'un refus au cours des 2 années civiles complètes précédentes si celle-ci veut conclure un contrat avec le même destinataire;
    - et les demandes d'exportation vers un pays qui a connu un coup d'état au cours des 2 années civiles complètes précédentes.


    Concrètement, dans les cas identifiés ci-dessus, le traitement des demandes de licences s'articule en 2 temps :
    a) L'entreprise introduit, avant la signature de tout contrat, une demande à l'administration. Celle-ci l'analyse et transmet le fruit de son travail au Ministre compétent. Sur base de cette analyse, le Ministre accepte ou refuse d'accorder un accord préalable.

    L'ensemble de la procédure dure maximum 2 mois à compter de l'introduction de la demande.


    En cas de refus d'accord préalable, la signature du contrat ne peut avoir lieu. Si l'accord préalable a été obtenu, le contrat peut être signé.


    b) Pour l'exportation des biens faisant l'objet du contrat, une demande de licence d'exportation doit être demandée.

    A moins de la survenance d'un élément nouveau depuis l'octroi de l'accord préalable, le dossier est traité par l'administration et transmis au ministre pour approbation.


    La procédure de traitement de la demande de licence d'exportation dure 1 mois maximum.

    En cas de survenance d'un élément nouveau (instabilité politique, embargo, un refus par un pays de l'UE pour une exportation du même matériel pour le même destinataire, crise géopolitique), la Commission d'avis est saisie d'office du dossier.

    Dans ce cas-ci, l'ensemble de cette procédure dure maximum 4 mois à compter de l'introduction du dossier complet par le demandeur.


    3) Le pays est issu de l'OTAN, de l'OCDE ou de l'Espace économique européen

    Une nouvelle procédure, dite « Fast Track », s'applique.

    Les demandes qui seront régies par cette procédure verront le processus de décision réduit à 1 mois maximum, saisine éventuelle de la Commission d'avis comprise.

    Le « Fast Tack » concernera :

    a) les exportations envisagées vers :

    - les membres de l'OTAN;
    - les membres de l'OCDE;
    - les pays membres de l'Espace économique européen;
    - les pays ayant le statut de candidat à l'Union européenne;
    - les pays avec lesquels l'Union européenne a lancé un processus d'association
    et de stabilisation de l'Union européenne.

    b) Il concernera aussi les opérations suivantes, quel que soit le pays de destination :

    - les importations et exportations de pièces détachées pour le service après vente dans le cadre de la garantie, de la maintenance, du remplacement ou de la réparation de produits ayant déjà fait l'objet d'une licence (sauf si un élément nouveau est survenu) ;
    - les exportations de produits en vue de leur exposition temporaire dans un salon, une foire ou une exposition;
    - les exportations d'échantillons ;
    - ou le transit d'armes par la Wallonie.


    4) Le pays est issu de l'UE

    Le régime de la directive européenne 2009/43/CE s'applique. Cette directive qui simplifie les conditions des transferts de produits liés à la défense dans l'Union européenne doit être transposée en droit belge d'ici à juin 2011.

    Cette nouvelle réglementation prévoit notamment la possibilité d'exemption, entre Etats membres, de l'obligation de disposer d'une licence d'exportation.


    5) Le pays ne relève pas de l'une des quatre autres catégories

    Une procédure de licence améliorée est appliquée, via une Commission d'avis réformée et des délais de traitement établis.

    L'ensemble de cette procédure dure maximum 2 mois à compter de l'introduction du dossier complet par le demandeur.




    J'EN VIENS, POUR CONCLURE, AU NOUVEAU MODE DE COMPOSITION DE LA COMMISSION D'AVIS

    Cette nouvelle composition doit permettre de rassembler des personnes qui disposent, ensemble, d'un maximum d'expertise dans les sujets essentiels à l'analyse des demandes de licences.

    Actuellement, la Commission est composée de 6 personnes :

    - l'Administrateur général de WBI,
    - un expert en Relations internationales et Diplomatie,
    - un expert en analyse Politique étrangère et Droits de l'homme,
    - le Délégué à Genève pour les Organisations internationales et les questions bilatérales,
    - le Directeur du service multilatéral mondial à WBI
    - et le Directeur de la cellule administrative en charge du suivi des dossiers relatifs aux licences.


    Une fois réformée, la Commission sera composée de 9 personnes, à savoir :

    - deux représentants de WBI;
    - l'Administrateur général de l'AWEX;
    - un haut fonctionnaire francophone de la Défense nationale;
    - un haut fonctionnaire francophone du SPF Affaires étrangères;
    - le Directeur général « Economie » du Service public de Wallonie;
    - le délégué à Genève pour les Organisations internationales et les questions bilatérales ;
    - et deux experts (l'un en économie et l'autre en droit international) désignés par le Gouvernement.


    Cette nouvelle composition doit apporter, dans le cadre d'une indépendance renforcée, l'expertise requise pour l'analyse des dossiers les plus sensibles.

    L'objectif est que la composition de la Commission permette un traitement des dossiers en son sein en réduisant le plus possible le besoin de faire appel à des experts extérieurs.

    Voilà quels sont les grands axes de la procédure que nous envisageons de mettre en œuvre. Un projet qui a donc, déjà, été longuement mûri. Il est aujourd'hui au stade de la note d'orientation et sur le point de faire l'objet d'une concertation avec tous les acteurs concernés. Nous aurons l'occasion de l'évoquer, le moment venu, quand il abordera le parcours parlementaire.