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La sécurité des éoliennes en Wallonie et la certification CE dans le cadre des mesures de sécurité de la directive européenne 2006/42/CE

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 617 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 26/05/2010
    • de EERDEKENS Claude
    • à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité

    Eu égard à la croissance de la taille des éoliennes, il convient d'être attentif aux mesures de sécurité supplémentaires que nécessite cette évolution. Les éoliennes (même les petites) doivent avoir une certification CE. En exécution des directives européennes, tout producteur est tenu à la certification de conformité 2006/42/CE relative à la sécurité des machines mises sur le marché à partir du 29 décembre 2009. Cette directive (annexe 1 concernant la sécurité) est obligatoire et applicable aux éoliennes.

    Rappelons que la directive précédente 98/37/CE (dite directive "machine") avait déjà fait l'objet de mesures de rapprochement des législations des Etats membres relatives aux machines et transposée en droit national des Etats membres.

    De plus, il existe la norme EN 50 308 : "Aérogénérateur - Mesures de Protection - Exigences pour la conception, le fonctionnement et la maintenance". Cette norme a été prescrite par le Comité européen de normalisation électrotechnique(CENELEC) sur mandat de la Commission européenne après avis du Comité "Normes et règles techniques" en tant que norme "harmonisée" au titre de la directive "machines" qui s'apparente à la norme internationale CEl 64 400-1.

    Elle fixe : "les prescriptions pour les mesures de protection ayant trait à la santé et à la sécurité du personnel, applicables à la mise en service, au fonctionnement, et à la maintenance des éoliennes d'axe horizontal".

    Ses prescriptions tiennent compte des risques mécaniques (chutes, glissement, ... ), thermiques (incendie, brûlures ... ), électriques, engendrés par le bruit ou résultant de la non observation des principes d'ergonomie. Elle fait référence à près d'une trentaine d'autres normes, et notamment aux normes de la série EN 292 (sécurité des machines : principes généraux), qui deviennent ainsi indirectement "harmonisées".

    Cependant, si les industriels souhaitent volontairement faire certifier leurs installations éoliennes, il existe des organismes indépendants comme GL (Germanisher Lloyd), réputé comme l'un des plus sévères.

    Comme une éolienne est une machine au sens de la directive 98/37/CE, une mise sur le marché doit respecter une quadruple obligation :

    - satisfaire les exigences essentielles de sécurité posées par la directive ou les normes "harmonisées"; (CEl 61 400-1 et EN 50-308 adoptée le 6 juillet 2004);
    - disposer d'une "auto-certification" de conformité des éoliennes par rapport aux exigences essentielles de la Directive Machines;
    - être revêtue du marquage CE;
    - enfin, le fabricant doit tenir à la disposition des services de contrôle une documentation prouvant la conformité de la machine aux exigences essentielles de la directive.

    La codification nationale permettait de demander au fabricant ou à l'importateur d'une éolienne de lui présenter la "déclaration CE de conformité" de sa machine aux exigences essentielles de la directive "Machine".

    Les nouvelles directives, plus sévères sur le plan de la sécurité, précisent également:

    "Since there have been some modifications to the essential health and safety requirements set out in Annex l, it cannot be assumed that EC type-examination certificates issued according to Directive 98/37/EC remain valid for Directive 2006/42/EC. Furthermore, such certificates must be updated to refer to Directive 2006/42/EC.".

    Il semblerait que ces nouvelles obligations n'ont pas été respectées par les firmes éoliennes opérant actuellement sur le marché wallon.

    Quelles mesures Monsieur le Ministre compte-t-il prendre pour remédier à cette infraction?

    La nouvelle Annexe 1 de la nouvelle directive "Machines" a considérablement renforcé les mesures de sécurité, plus particulièrement en ce qui concerne les risques d'éjection de pièces.

    C'est ainsi qu'en Suède le risque de projection de morceaux de glace et de pièces de pales à donné lieu à des mesures spécifiques s'inspirant de la norme IEA (Task 19) Final Report of 2009-04-02, qui mentionne en son § 4.3 :

    "No fallen ice chunks have been found further than 5 rotor diameter from the tower base of a wind turbine. The sizee of fallen ice chunks can be everything betweeen few grms to several kilograms" .

    Appliqué aux éoliennes Enercon E126, où H = 132 m et D = 127; D = diamètre du rotor (m) et H hauteur du rotor (m), cette distance de sécurité est de 635 m alors que le Cadre de ééférence en est toujours à 350 m d'écart éolienne-habitation.

    La norme internationale du Deutsches Windenergie-Institut DEWI (safety distances due to the risk of ice throw) recommande la distance de « sécurité » de d=(D+H) x 1,5 (m) donnant 389 m.

    Une clôture circulaire d'un rayon de 400 m s'impose dès lors autour de chaque éolienne.

    Souvent les promoteurs éoliens se contentent d'un simple panneau d'avertissement à proximité.

    Quelles mesures Monsieur le Ministre compte-t-il prendre pour assurer la sécurité des riverains en la matière?
  • Réponse du 19/07/2010
    • de HENRY Philippe

    Rappelons quelques éléments concernant le risque et la sécurité des éoliennes.

    1. Éoliennes de grande puissance

    La question de la sécurité est une condition essentielle du développement éolien. Comme tout activité humaine, il convient de s'assurer de l'absence de danger pour les particuliers comme pour les professionnels et, ce, le long de la chaine de valeur de l'éolien.

    Pour plus de lisibilité et une meilleure compréhension, nous abordons la question de risque et de sécurité le long des trois phases de développement de l'éolien, à savoir : de la conception et fabrication de la machine, à l'installation du parc pour terminer par son exploitation. Chacune de ces étapes fait en effet l'objet d'un même souci de sécurité.

    Phase 1 - Conception et fabrication

    - calcul précis de la dynamique des structures de façon à prévoir le comportement vibratoire de chaque composant de l'éolienne et simulation numérique des interactions vibratoires des différents composants entre eux.
    - test de résistance des composantes de l'éolienne à des vents de 250 km/h pendant 5 secondes ou 180 km/h durant 10 minutes et prise en compte des forces exercées en fonction des fluctuations du vent.
    - certification des éoliennes par des bureaux d'étude indépendants agréés en matière de certification. Quatre normes sont recommandées en Belgique par les études d'incidences :
    - Germanischer Lloyd : Germanischer Lloyd WindEnergie GmbH (GL Wind) Design Assessment;
    - norme néerlandaise : NVN 11400-0 ;
    - norme européenne : EN 50-308 "Aérogénérateurs, mesures de protection, exigences pour la conception, le fonctionnement et la maintenance";
    - norme internationale: IEC 61 400-1 "Aérogénérateurs; exigences de conception".
    - soumission des éoliennes aux exigences de la directive 98/37/CE du 22 juin 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux machines, en conséquence de quoi les fabricants sont tenus d'attester la conformité de leurs machines et de produire, à la demande des services de contrôle, une documentation technique prouvant cette conformité.



    Phase 2 - Installation du parc éolien

    - calcul des fondations :
    - application d'un coefficient de sécurité élevé conseillé par le constructeur et validés par un bureau d'étude indépendant agréé en matière de certification;
    - intégration du facteur vibratoire;
    - résistance à des vents de 250 km/h pendant 5 secondes ou 180 km/h durant 10 minutes.

    - équipement des éoliennes :
    - paratonnerres et système d'évacuation des décharges électriques dans les pales;
    - capteur de vibration;
    - thermomètres électroniques (moteur);
    - senseurs dans le moteur, les pales et le mat permettant leur surveillance;
    - système d'arrêt automatique d'urgence;
    - système de protection contre la survitesse du rotor;
    - deux systèmes de freinage indépendants activés de façon à ce qu'ils continuent à fonctionner en cas de coupure de courant : freinage mécanique et freinage aérodynamique (aérofreins).

    - consultation des autorités aéronautiques et balisage pour la circulation aérienne (il existe également des zones d'exclusion à leur implantation, fixées par les autorités aéro!1autiques) ..



    Phase 3 - Exploitation du parc

    - arrêt automatique en cas de tempête (vents supérieurs à 90 km/h);
    - surveillance informatique en temps réel consultable sur place et à distance (système lui-même sécurisé);
    - entretien annuel incluant des tests de vérification générale périodique Formation régulière du personnel de maintenance aux questions de sécurité Verrouillage de l'accès à l'intérieur de l'éolienne (interdit au public);
    - système de sécurité contre la projection de glace ou givre par la présence de capteurs de surcharge liée à des dépôts sur les pales, couplée au système d'arrêt automatique, et/ou, dans les zones particulièrement exposées, l'installation de résistances chauffantes dans les pales. L'obligation d'installer un tel système est jugé au cas par cas par les fonctionnaires techniques et délégués.

    Le cas d'Estinnes

    En ce qui concerne le parc éolien wallon d'Estinnes, l'application de la norme internationale Deutsçhes Windenergie-Institut DEWI relative aux risques de projection de morceaux de glace, qui détermine un périmètre de sécurité de minimum 389 m (D + H x 1,5), a imposé une distance de sécurité supérieure vu la proximité d'un pipe-line de l'OTAN.

    La distance minimale par rapport aux habitations est, quant à elle, de 700 m.

    Compte tenu de la distance d'éloignement, les fonctionnaires délégué et technique n'ont pas exigé l'installation d'un système de dégivrage.

    Le système de dégivrage, rarement imposé en Wallonie, n'empêche nullement la glace de se former sur les pales; il ne fait qu'accélérer la fonte de la glace.

    En cas de gel intense, les capteurs des pales détectent la présence éventuelle de glace sur celles-ci et signalent un déséquilibre au niveau de la rotation du rotor. L'ordinateur de bord impose dès lors une rotation plus lente au rotor, voire un arrêt complet, et procède à une mesure de la température et de l'humidité.

    Une fois que la glace a totalement fondu, l'informatique remet le rotor en route.




    2. Éoliennes de petite puissance

    Pour les éoliennes de petite puissance, il existe plusieurs normes internationales. Les deux normes suivantes régissent spécifiquement les aspects liés à la sécurité :

    - la norme IEC 61400-2, qui définit les critères de sécurité et de fiabilité auxquels doivent se conformer les petits aérogénérateurs, notamment :
    - la fiabilité mécanique de la turbine;
    - les procédures à respecter pour la mise en route de la turbine;
    - les mesures à respecter pour éviter les risques en cas de grand vent;
    - les mécanismes de ralentissement ou d'arrêt d'urgence d'une turbine, ou pour procéder à son entretien;
    - les mesures à respecter pour l'entretien de la machine et pour le remplacement de pièces de rechange;
    - critères définissant les tests de sécurité et de mise en fonction.
    - la norme IEC 60204-1, qui définit les exigences en matière de sécurité des machines et d'équipement électrique des machines.

    - une troisième norme internationale, la norme ISO 14121-1, est une norme plus générale qui traite tous les aspects liés à la sécurité dans le domaine des machines: appréciation du risque, principes de conception des machines, moyens de protection, exigences de sécurité, etc.

    A l'heure actuelle, outre la certification CE obligatoire relative à la sécurité des machines, aucune législation belge ou wallonne n'impose la conformité des petites éoliennes à ces normes internationales.

    L'homologation du matériel commercialisé est laissée à la discrétion de l'importateur/distributeur, qui fera appel, s'il le juge nécessaire, à un bureau d'études agréé pour obtenir l'homologation du matériel qu'il commercialise par rapport à ces normes.

    Ainsi, certains installateurs proposent du matériel homologué IEC 61400-2 et IEC 60204-1, éventuellement certifié ISO 14121-1.

    Certaines petites éoliennes disponibles sur le marché belge sont conformes à la norme IEC 61400-2. Il s'agit principalement d'éoliennes de fabrication européenne, généralement connues pour leurs sérieux et leur fiabilité.




    3. La question des clôtures

    La question de l'installation d'une clôture de 400 m de rayon, soit 800 m de diamètre autour des éoliennes, pour éviter que des blocs de glace ne tombent des pales sur la tête des promeneurs doit être examinée au regard du risque induit.

    Pour répondre valablement à cette question, il faut établir une évaluation fine du risque réel, comparer ce risque avec celui que la société accepte de prendre de manière générale dans ses activités diverses. Par exemple, les risques de chutes d'ardoises, tuiles et cheminées des bâtiments par conditions météo difficiles, les risques dus à la circulation, etc.

    Bien que la vie humaine n'ait pas de prix, ces risques doivent être évalués en fonction du coût économique et des désagréments suite à l'installation d'une telle clôture. Par exemple, les éoliennes sont placées en plein champ et l'installation d'une clôture empêche tous travaux agricoles sur une surface de 50 hectares, le coût économique d'une telle disposition ne concerne par que l'installation d'une éolienne.

    Enfin, imaginons qu'un promeneur se trouve dans la surface de danger d'une éolienne (50 ha), et qu'un bloc de glace se détache de celle-ci. Imaginons que la "surface léthale" soit de 1 mètre carré. Cette personne a une (mal)chance sur 500.000 d'être frappée par le bloc de glace.

    Si la personne se promène 1 heure à proximité de l'éolienne durant les 4.000 heures que dure l'hiver, ce risque tombe à 1 chance sur 2.000.000.000 par bloc de glace.

    Cette probabilité est encore à multiplier par la probabilité de formation d'un bloc de glace sur l'éolienne, et du détachement de celui-ci plutôt que sa résorption par le système de dégivrage intégré dans les pales.

    En conclusion, la probabilité de chute d'un bloc de glace sur un promeneur est réellement infime.

    Le problème est évidemment tout à fait différent si l'éolienne était construite à moins de 400 mètres d'un site à activité humaine, où les blocs de glace provoqueraient immanquablement des accidents. C'est cette situation que la législation veut interdire.